Al-Ahram Hebdo : Comment est venue l’idée de participer au festival international La Route de la Soie, tenu en Chine du 12 au 20 septembre ?
Nayer Nagui : La Route de la Soie est un festival artistique qui se produit dans toutes les villes chinoises, selon des formats différents. La chorale cérémoniale du Caire y a pris part parmi quatre autres chorales de chant. La directrice du Festival, Claudia Yang, une pianiste de renom, nous a contactés, afin de participer à cette édition.
Elle a découvert notre répertoire pendant la pandémie de coronavirus grâce à une chanson diffusée sur Youtube intitulée Al-Youm (le jour). Cette chanson a été enregistrée par les membres de la chorale, entièrement en ligne ; chacun des interprètes a joué seul chez lui, comme faisaient plein d’autres musiciens pendant la période du confinement, puis est venu le travail du montage pour rassembler les diverses collaborations.
— Pourquoi avez-vous opté pour un réarrangement polyphonique des oeuvres de Sayed Darwich ?
— Ces réarrangements font partie du répertoire de la troupe. Mon travail d’arrangement s’inspire du rêve de Darwich lui-même. Ce dernier appréciait beaucoup les opéras étrangers qu’on donnait en Egypte à son époque. Il était épris du jeu d’orchestre et des bases de l’harmonie. Il avait même demandé à Emil Al-Eryian (ndlr : un arrangeur connu dans les années 1920) d’arranger sa musique en respectant l’art du contrepoint (ndlr : le contrepoint est une forme d’écriture musicale qui trouve ses origines dans la polyphonie et qui consiste à superposer des lignes mélodiques distinctes). Je suis un musicien classique à la base, donc j’ai étudié l’harmonie. J’essaye donc de réaliser le rêve de Sayed Darwich qui a écrit des chansons très variées : chansons folkloriques, mawals, chansons patriotiques et chansons comiques par lesquelles il a voulu s’adresser à tous les segments de la société égyptienne. Nous avons sélectionné une chanson représentative de chaque genre, afin de les présenter durant le festival : Telaat ya Mahla Nourha, Zourouni, Al-Helwa Di, Ya Balah Zaghloul, Eih El-Ebara, Ya Ward Ala fol we Yasmine. Cette dernière est réarrangée en adoptant la forme de Fuga (fugue), l’exemple typique de l’exploitation des ressources du contrepoint.
La Chorale cérémoniale du Caire, dirigée par Nayer Nagui. (Photo : Miriam Benyamin)
Nous avons déjà présenté un medley regroupant Al-Helwa Di et Zourouni lors d’un festival au Maroc. Autre réarrangement intéressant : le duo tiré d’une opérette inconnue de Darwich intitulée Wardshah, dont j’ai trouvé la transcription dans un livre ancien. J’ai donc décidé de retravailler ce duo avec une soprano et une mezzo-soprano. La chanson évoque un rêve comique.
— Avez-vous d’autres projets concernantSayed Darwich ?
— La musique de Darwich traduit l’âme de la rue égyptienne. Ses oeuvres peuvent être réarrangées et peuvent sortir de leurs formes traditionnelles. Elles reflètent la vie et les événements de son époque en toute authenticité.
Je fouille constamment dans les livres, dans la collection privée du chanteur alexandrin Ahmed Gamal, un ami à la famille de Darwich, à la recherche d’oeuvres inconnues, afin de les réarranger. Et j’en trouve souvent. A l’occasion du centenaire de sa mort, je suis en train de préparer un concert, prévu au mois de novembre, avec l’Orchestre et la Chorale de la Bibliothèque d’Alexandrie. J’y présenterai quelques nouveaux arrangements.
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