Plusieurs milliers se sont rassemblés cette semaine en soutien aux putschistes. (Photo : AFP)
Emboîtant le pas à ses voisins, le Burkina Faso et le Mali, le Niger a décidé de se débarrasser de la présence française. Mais la question ne s’avère pas si simple. L’ultimatum donné, vendredi 25 août, par les militaires à l’origine du coup d’Etat du 26 juillet au Niger, exigeant le départ de l’ambassadeur de France, a expiré dimanche 28 sans que l’ambassadeur quitte le Niger. Pour Paris, « les putschistes n’ont pas autorité pour faire cette demande, l’agrément de l’ambassadeur émanant des seules autorités légitimes nigériennes élues ». Une position partagée par Hassoumi Massoudou, chef de la diplomatie de Bazoum, qui sur X (anciennement Twitter) « rappelle que l’ambassadeur est accrédité auprès du président élu ». Les putschistes, eux, justifient cette demande par « le refus de l’ambassadeur de répondre à l’invitation du ministère » pour un entretien, et par « d’autres agissements du gouvernement français, contraires aux intérêts du Niger ». En soutien à cet appel, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi 26 au Stade Seyni Kountché, le plus grand du Niger, et dimanche 27 devant le siège de la base française à Niamey.
Alors que la situation reste bloquée au Niger, un mois après le putsch, la question s’est ainsi restreinte à la crise entre Paris et Niamey. Mercredi 23 août, le président français, Emmanuel Macron, a une nouvelle fois appelé à la « restauration de l’ordre constitutionnel » au Niger et à la libération de Mohamed Bazoum. Car Paris a aussi d’importants intérêts au Niger. Un, c’est le pays étranger qui dispose du plus grand nombre de soldats au Niger, environ 1 500, dont une partie vient des effectifs qui ont quitté le Mali et le Burkina Faso ces dernières années et qui participaient à la lutte contre les groupes djihadistes ensanglantant depuis des années ce pays et une grande partie du Sahel. Deux, du côté économique, la France exploite de l’uranium du Niger.
Front Niamey-Bamako-Ouagadougou
Selon les observateurs, les militaires tirent profit du sentiment anti-français ressenti par la nouvelle génération pour couper les ponts avec Paris, mais aussi s’attirer la sympathie de la population. Pendant ce temps, l’impasse reste totale. Si la France n’intervient pas directement, elle soutient tout de même une possible intervention armée de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Niger. De son côté, la junte considère que la Cédéao est une organisation « à la solde » de la France. Pour le moment, la Cédéao a imposé de lourdes sanctions économiques et financières au Niger. Elle continue de menacer d’employer la force armée pour rétablir l’ordre constitutionnel. Mais le risque est trop gros pour l’ensemble de la région, d’où la réticence à passer à l’action.
En effet, un embrasement général est possible d’autant plus que les putschistes ont autorisé le Burkina Faso et le Mali à intervenir sur le sol nigérien « en cas d’agression ». En visite jeudi 24 août à Niamey, les ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso et du Mali, respectivement Olivia Rouamba et Abdoulaye Diop, ont été reçus par le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani. Les trois ont « salué » la signature d’ordonnances « autorisant les forces de défense et de sécurité du Burkina Faso et du Mali à intervenir en territoire nigérien en cas d’agression », selon un communiqué lu par Oumarou Ibrahim Sidi, secrétaire général adjoint du ministère nigérien des Affaires étrangères, à l’issue de la visite. Le Burkina et le Mali, confrontés comme le Niger à des violences djihadistes récurrentes, sont également dirigés par des militaires ayant pris le pouvoir par la force, entre 2020 et 2022. Très vite après le coup d’Etat du 26 juillet à Niamey, ils ont affiché leur solidarité avec les nouvelles autorités nigériennes, en particulier face à la menace brandie par la Cédéao d’intervenir militairement. Les deux pays avaient ainsi mis en garde l’organisation contre toute intervention au Niger qui serait assimilée à une « déclaration de guerre », ce qu’ils ont réitéré lors de la visite. Le général Tiani a, de son côté, assuré samedi dernier qu’une telle opération armée ne serait pas « la promenade de santé à laquelle certains croient ».
Malgré cela, les efforts pour une solution diplomatique se poursuivent. Des émissaires algériens se sont rendus dans la région et, samedi dernier, la secrétaire d’Etat américaine adjointe chargée des affaires africaines, Molly Phee, a rencontré les responsables de la Cédéao à Abuja, capitale du Nigeria, qui en assure la présidence.
Pour le moment, les putschistes disent envisager une transition de « trois ans » maximum avant de rendre le pouvoir aux civils. Une proposition rejetée par la Cédéao qui la juge inacceptable et qui exige, de son côté, le rétablissement dans ses fonctions du président Bazoum. Une impasse diplomatique, alors que le recours à la force, une aventure dont tous reconnaissent les dangers, reste le dernier recours.
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