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Ali Atef : Washington et Téhéran peuvent profiter de l’accord pour renouer le dialogue

Maha Salem , Jeudi, 17 août 2023

Dr Ali Atef, spécialiste des affaires iraniennes, revient sur les retombées de l’accord entre Washington et Téhéran sur la libération des prisonniers américains en Iran.

Ali Atef

Al-Ahram Hebdo : Après l’accord sur les prisonniers, y a-t-il un espoir de dégel entre les Etats-Unis et l’Iran ?

Ali Atef : Après des mois de négociations, Washington a obtenu un premier accord avec Téhéran sur la libération de 5 Américains détenus en Iran. Cet arrangement fragile témoigne d’un apaisement des tensions entre ces deux adversaires de longue date. Mais il n’existe aucun rapport ou lien entre cet accord et celui sur le programme nucléaire iranien. On peut dire que les deux camps peuvent utiliser cet arrangement pour renouer le dialogue. Mais aucun indice ne prédit la reprise des négociations sur le nucléaire.

L’an dernier, des négociations menées par les Européens ont échoué à raviver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, suspendu depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018. Les tractations sur les prisonniers ont toutefois permis de réchauffer les relations entre les deux pays. Des responsables américains et iraniens ont repris leurs efforts diplomatiques en mai, lors de réunions indirectes organisées par le Sultanat d’Oman. L’Iran a accepté d’échanger les prisonniers américains avec ses fonds gelés dans les banques de la Corée du Sud et de l’Iraq. Téhéran possède 8 milliards de dollars en Corée du Sud et 4 milliards de dollars en Iraq. Bien sûr, l’Iran ne recouvra pas toute cette somme. Les négociations sur le dossier nucléaire reprendront quand les intérêts des deux pays se croiseront.

— Comment les Etats-Unis et l’Iran sont parvenus à un accord sur les prisonniers américains malgré la forte tension qui caractérise leurs relations ?

— Tout d’abord, l’Administration du président Joe Biden veut réaliser un gain à tout prix. Elle voulait profiter des différends qui existent dans les relations entre Téhéran et Moscou. C’est vrai que ces deux derniers entretiennent de très bonnes relations sur tous les niveaux. Mais le président russe, Vladimir Poutine, essaye de se rapprocher des pays arabes du Golfe, ce qui n’est pas du goût de Téhéran. En plus, Poutine vient d’annoncer son soutien aux Emirats arabes unis dans le litige des 3 îles qui oppose Abu-Dhabi à l’Iran. Cette déclaration russe a suscité la colère des Iraniens. Et pour punir les Russes, l’Iran a essayé de satisfaire l’Occident tout en profitant de la situation pour prouver à son allié russe qu’il est puissant et capable de trouver d’autres alliés. L’Iran a également d’autres raisons importantes : il a été secoué pendant plusieurs mois par des manifestations sans précédent déclenchées par le décès en septembre 2022 de Mahsa Amini, arrêtée par la police des moeurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict imposé aux femmes. Washington a souvent critiqué la forte répression menée par les autorités iraniennes. Pour Téhéran, parvenir à un accord avec les Etats-Unis à une période si sensible revient à dire aux protestataires que Washington ne se soucie guère de votre sort.

— Pourquoi Washington et Téhéran ne parviennent-ils pas à un compromis sur le programme nucléaire iranien, alors que c’est de leur intérêt de conclure un tel accord ?

— C’est vrai, l’intérêt des deux pays est de signer un accord, mais chaque camp a ses raisons pour reporter sa signature. Côté américain, le président Joe Biden, candidat à sa réélection en 2024, a hâte de conclure un nouvel accord nucléaire avant la présidentielle. Tout accord significatif avec l’Iran requiert un allègement important des sanctions, ce qui sera très critiqué aux Etats-Unis.

Du côté iranien, le guide suprême Ali Khamenei a annoncé que les prochaines négociations sur le nucléaire se baseraient sur l’état actuel de l’enrichissement de l’uranium, c’est-à-dire à 84 % de pureté. Le leader iranien exige que l’Occident accepte les avancées réalisées par l’Iran dans son programme nucléaire.

— L’enrichissement de l’uranium à 84 % veut-il dire que l’Iran peut se doter bientôt de la bombe atomique ?

— C’est vrai. L’Iran peut se doter d’une bombe atomique dans quelques mois. Mais, il ne le fera pas car une fois doté de cette bombe, l’Occident sera uni pour l’attaquer. Washington dispose déjà de bases militaires dans tous les pays voisins de l’Iran. Washington est capable de détruire la base nucléaire iranienne sans produire de grands dégâts dans la région. Plusieurs services de renseignements suivent de près la progression dans le programme nucléaire iranien et enregistrent la moindre avancée dans la fabrication de la bombe.

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