Nous vivons à l’ère du plastique. Les objets en plastique font désormais partie de notre vie quotidienne. Un simple coup d’oeil dans notre environnement met en évidence l’abondance de plastique qui nous entoure. Le plastique est là, partout : tubes de dentifrice, bouteilles d’eau ou d’autres boissons, détergents, jouets, stylos et ustensiles de cuisine pour ne citer que ceux-là. Omniprésent dans les magasins, le plus souvent sous forme d’emballage à usage unique, le plastique est difficile à éviter. Soit pour protéger des aliments, pour emballer des vêtements ou tout simplement dans nos fournitures scolaires. Autrement dit, il ne se passe pas une seule journée sans qu’on utilise du plastique. Alors on se réveille — notre réveil a probablement un boîtier en plastique — on se brosse les dents avec une brosse à dents en plastique, on se lave le visage avec des produits dans des emballages en plastique, on fait notre smoothie du petit-déjeuner avec une machine en plastique dans un gobelet en plastique, on s’assoit sur un siège de toilette en plastique, on met des vêtements dont beaucoup renferment des fibres synthétiques (plastique), on prend le smartphone qui a un boîtier en plastique et des composants en plastique, on se dirige vers le travail … encore des matériaux en plastique, etc. Pendant toute la journée, on touche au moins cent objets en plastique, nombre qui a augmenté à cause du Covid, avec les masques, les tasses jetables, les gants chirurgicaux, les seringues de vaccin et les cathéters. Presque toutes les parties importantes de notre vie dépendent du plastique, à partir des moyens de transport qui nous amènent là où nous voulons aller, passant par la technologie qui nous relie, jusqu’à l’équipement dont nous avons besoin. Bref, nous sommes devenus tellement dépendants du plastique dans presque tout ce que nous faisons qu’il serait difficile d’imaginer une vie sans plastique.
« Nous vivons dans une société très axée sur la consommation, et avec, les demandes de plus en plus concernant le plastique », lance Amr Mostafa, ingénieur microélectronique, tout en ajoutant que ce n’est pas simplement une commodité, car le plastique a révolutionné tous les secteurs : du bâtiment à l’aéronautique, en passant par l’alimentation et l’automobile. Par exemple, les appareils électroniques modernes n’existeraient pas sans plastique. Les emballages en plastique réduisent le poids des produits, les coûts de transport et l’utilisation de combustibles fossiles, sans oublier le rôle essentiel joué par le plastique.
Même en médecine, il est là : à l’intérieur de notre corps, nous avons maintenant la possibilité d’avoir des valves cardiaques en plastique, des articulations du genou en plastique et des articulations de la hanche en plastique. Les prothèses en plastique aident les patients amputés à retrouver mobilité et qualité de vie. Sans oublier les ventilateurs qui ont sauvé tant de vies pendant la pandémie de Covid-19.
Le mal du siècle ?
En effet, la popularité du plastique, qui a commencé à augmenter dans les années 1950, est devenue aujourd’hui incontrôlable. D’après un rapport récemment publié par le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE), plus de 400 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, dont la moitié est conçue pour n’être utilisée qu’une seule fois. Moins de 10 % de ce plastique sont recyclés, et 9 à 12 millions de tonnes finissent dans les océans. « En Afrique, un continent qui ne produit que 5 % du plastique mondial, les sources d’eau sont encombrées de déchets en plastique, en particulier le plastique à usage unique et les microplastiques. Les conséquences de la pollution plastique en Afrique sont graves et à multiples facettes. Elle engendre des impacts négatifs à la fois sur le climat, la santé humaine et la biodiversité. Renfermant des produits chimiques toxiques, le plastique peut aussi s’infiltrer dans l’écosystème marin et finir dans la chaîne alimentaire humaine », explique Omar Al-Nadi, professeur en ingénierie environnementale.
Une réelle menace pour l’environnement qui a poussé de nombreux pays à adopter des législations et des initiatives, afin de limiter son utilisation et d’encourager sa collecte et son recyclage. L’Egypte fait désormais partie de ces pays, même si la prise de conscience est loin d’y être généralisée. Selon le Center of Environment and Development for the Arab Region and Europe (CEDARE), en effet, les Egyptiens utilisent chaque année 12 millions de sachets en plastique.
L’une des initiatives antiplastiques a été lancée par les Australiens en 2011. C’est la campagne « Plastic Free July » (juillet sans plastique), qui a pour objectif de réduire l’utilisation du plastique à usage unique dans le monde, mais plus globalement de sensibiliser la population à la cause environnementale. Le concept est simple. Durant tout un mois, des millions de personnes à travers le monde font le pari de dire non au plastique à usage unique, qu’il s’agisse de gobelets de café, d’ustensiles en plastique, de pailles, de contenants de nourriture prêt-à-manger, etc.
(Photo : AP)
A chacun sa méthode antiplastique
« C’est un défi quotidien. Il est l’heure de faire un effort pour changer non seulement les comportements, mais aussi les mentalités. Pourquoi ne pas revenir aux habitudes d’antan, en utilisant par exemple des paniers en osier pour faire nos emplettes, comme le faisaient nos grands-mères ? », souligne Heba Kamel, fondatrice de l’éco-marque locale Gomash (abréviation de Go-Omash qui signifie choisir le tissu). Ce projet respectueux de l’environnement a été lancé en 2019. L’objectif est d’inviter les gens à réduire la pollution plastique grâce à l’utilisation des sacs en tissu à la place des autres en plastique nocif.
Pour Kamel, traiter le plastique comme une dépendance à la drogue qui doit être abandonnée est un engagement de style de vie. Pour ce faire, il faut aller étape par étape. « Auparavant, j’achetais deux packs d’eau en bouteille en plastique par semaine. J’utilisais un sac en plastique pour chacune de mes emplettes. Je mangeais souvent à l’extérieur. Après ce défi, j’ai commencé à changer ma façon de faire des achats. Désormais, j’opte pour des produits de seconde main et je recycle autant que je peux les choses que je ne vais plus utiliser », explique cette jeune femme qui incite ses amies, sa famille et sa clientèle à se donner à fond, à utiliser une gourde, des kits en bambou (cuillères, fourchettes et couteaux) et à bannir les sacs en plastique. « Si chacun fait sa part, la planète sera sauvée. Soyons unis dans cette démarche pour nous, nos enfants et les générations futures. Commencez par avoir votre bouteille réutilisable », explique-t-il.
Les Egyptiens utilisent chaque année 12 millions de sachets en plastique pour faire leurs courses et dans les tâches ménagères.
Changer son mode de vie
Idem pour Yara Yassin, fondatrice de l’entreprise Up-fuse, qui mise sur la mode durable avec ses accessoires et vêtements fabriqués à partir de déchets en plastique recyclés. « L’initiative Juillet sans plastique nous aide à prendre conscience que le plastique peut être remplacé par des alternatives durables. En tant que consommateurs, nous devons être responsables de nos choix. Nous devons faire des choix qui n’affecteront pas notre écosystème et notre biodiversité », estime-t-elle, tout en ajoutant que depuis 2018, Up-fuse a recyclé plus de 18 millions de tonnes de sacs en plastique.
Un avis partagé par Khaled Raafat, cofondateur de la start-up TileGreen, qui a décidé d’utiliser les déchets en plastique des eaux du fleuve pour fabriquer des briques. Une alternative verte au ciment et à sa lourde empreinte carbone. « La plupart du temps, le plastique sans ou à très peu de valeur termine dans des décharges, incinéré ou dans notre environnement, nos mers et nos cours d’eau », souligne-t-il. Derrière lui, une broyeuse avale du plastique pour le recracher sous forme de briques à la couleur foncée, deux fois plus solides que le béton. « Seuls 11 à 15 % des déchets en plastique sont recyclés en Egypte chaque année. On travaille avec des entreprises de recyclage et on récupère ce qu’elles ne peuvent pas utiliser. Une brique, c’est 125 sacs en plastique. TileGreen en a déjà produit 40 000 et se fixe comme objectif de recycler entre 3 et 5 milliards de sacs en plastique d’ici 2025 », explique Raafat.
Cependant, malgré les initiatives et les fréquentes campagnes de sensibilisation, beaucoup d’Egyptiens se résignent et se persuadent que leurs actions n’auront pas d’impact sur la situation. D’autant plus, les conséquences de la pollution causée par les produits en plastique à usage unique ne se font pas sentir tout de suite, et donc c’est difficile d’avoir des gens qui se sentent responsables de leurs propres actes. Chose qui a poussé les membres de l’association VeryNile à agir autrement, afin d’alerter les gens sur l’état du Nil. « C’est la responsabilité de la personne jusqu’à ce que ça devienne le problème de tous », lance Farah Abdel-Baqi, membre de l’association VeryNile.
En effet, ces bénévolats se sont donné depuis trois ans pour mission de nettoyer le Nil. A noter que près de 100 kg de déchets en plastique sont retirés du Nil, soit environ 40 tonnes par an. « Nous avons passé 3 ans à nettoyer le Nil, à acheter le plastique aux pêcheurs qui le récupèrent. Ils amassent plus de plastique que de poissons. Le plastique peut rester dans le Nil pendant 400 ans sans se décomposer », affirme Abdel-Baqi, tout en ajoutant qu’ils ont choisi de construire une pyramide, comme un énorme symbole égyptien, fabriquée avec des objets en plastique collectés sur le Nil, afin de montrer aux gens l’ampleur du problème. « A travers cette pyramide, nous avons juste voulu rappeler aux gens que ce problème de plastique existe encore et existera toujours si les habitudes ne commencent pas à évoluer dès maintenant », poursuit une autre volontaire, Hanaa Farouk. « Pourquoi est-ce que nous tenons à poursuivre un mode de vie dont nous savons qu’il menace notre propre existence ? Si nos conditions de subsistance aujourd’hui sont le résultat de ce que nous avons fait au cours des dernières décennies, alors nos conditions de subsistance futures dépendent également de nos actions aujourd’hui », estime Farouk, avant de conclure : « Quel genre de mode de vie allons-nous transmettre à la génération suivante ? En gardera-t-elle un qui la protège ou un qui ruine la vie ? ».
Reste à dire que bien que l’initiative « Juillet sans plastique » se termine le 31 juillet, elle restera souvent un déclencheur pour un engagement à long terme en faveur d’un mode de vie durable.
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