« La recherche spatiale est une aventure humaine avant d’être une quête scientifique et technique. Etudier les sciences et réussir nécessite de travailler dur avec plaisir et enthousiasme à la fois », explique l’ingénieur, planétologue et chercheur à la NASA Ahmed Soliman de l’endroit le plus froid de la Terre, le pôle Sud, situé sur le continent Antarctique.
Passionné de l’espace et des étoiles, Soliman a eu l’honneur de faire partie des chercheurs postdoctoraux du Laboratoire de propulsion de la NASA (National Aeronautics and Space Administration-JPL) en 2016. Cette agence spatiale américaine a sélectionné Soliman parmi 630 personnes du monde entier pour rejoindre l’équipe scientifique qui doit partir à la découverte des traces de la vie ancienne. Il a donc commencé à travailler sur un projet collectif avec des scientifiques et des chercheurs chevronnés. Et il est l’unique personne de nationalité arabe. Cet astronome d’origine égyptienne mène une belle carrière au sein de la plus grande agence spatiale du monde, avec des recherches portant, entre autres, sur les comètes et les atmosphères planétaires.
Comme tout autre chercheur de la NASA, il doit utiliser des instruments à haute fréquence, à l’exemple du télescope BICEP (Background Imaging of Cosmic Extragalactic Polarization Array), installé en 2017 à la station d’Amundsen-Scott, l’un des meilleurs sites d’observation astronomique au monde, à environ 250 mètres du pôle Sud. Cette station est nommée ainsi en l’honneur des deux explorateurs Roald Amundsen et Robert Falcon Scott qui ont atteint le pôle pour la première fois le 14 décembre 1911. « Cette expérience de mesure de la polarisation gravitationnelle est la plus sensible de notre génération », dit fièrement Ahmed Soliman.
En fait, sur le continent Blanc, Ahmed Soliman affronte de grands défis qui se rapportent à l’atmosphère : le froid extrême, le climat le plus sec et le plus venteux. « Ici, je souffre de faibles niveaux d’oxygène et d’une humidité relative qui rend la respiration difficile car le pôle est situé à environ 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. 98 % de sa surface sont recouverts d’une couche de glace d’une épaisseur moyenne de 1,6 km. Pendant les six mois d’ensoleillement (qui commencent en septembre), la température moyenne est de -50°C, et pendant les six mois d’obscurité (débutant en mars), elle atteint -80°C », dit-il. Mais Soliman n’a aucun souci. Il est habitué à vivre sur une base américaine où sont conduites des recherches sur l’atmosphère, l’astrophysique et le climat. Pendant les week-ends, il rentre au New Jersey pour voir sa femme et ses deux enfants.
Postdoctorant au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation, Ahmed Soliman étudie les planètes. Avec son équipe sur le continent Austral, il cherche les sites qui ont le plus de potentiel afin de poursuivre son projet d’études. Aujourd’hui, Soliman fait partie d’une mission qui doit faire la cartographie complète de l’univers.
Né en 1987, Ahmed Soliman était à son enfance fasciné par l’espace et le cosmos. Tout a commencé sur la terrasse du domicile familial dans son village natal à Bahtim dans le gouvernorat de Qalioubiya. Chaque nuit, cet enfant rêveur montait sur le toit de la maison. Il était émerveillé par les planètes et les lumières des étoiles qui dissipent l’obscurité nocturne. Elève studieux, il avait l’habitude de poser beaucoup de questions à ses profs à l’école sur l’univers et la vie sur terre : « D’où venons-nous ? », « Sommes-nous seuls dans l’Univers ? ». En contemplant le ciel, pendant la nuit, l’enfant passionné d’astrologie était avide de découvrir de nouveaux horizons et d’apprendre tout ce qui lui paraissait mystérieux. A l’école préparatoire, il aimait les cours de géographie. Il étudiait les anneaux de Saturne, la grande tache rouge sur Jupiter et les planètes Vénus et Mars. Plus âgé, il a commencé à lire des oeuvres astrométriques. L’adolescent savait que l’astronomie est sa plus grande passion. Soliman comprenait également que pour déchiffrer le fonctionnement de l’univers, il lui fallait s’équiper de connaissances en physique et en mathématiques. C’est sans surprise donc qu’il a opté pour des études en polytechnique et a obtenu, en 2009, son diplôme de l’Université de Banha. En 2014, il obtient une maîtrise en génie électrique de l’Université de Aïn-Chams au Caire. Et il n’hésite pas à changer d’orientation pour réaliser le rêve de sa vie : faire partie de la NASA. Il est convaincu que le domaine des recherches astronomiques va étendre ses connaissances et lui permettre de répondre à la même et unique question : « Comment la vie s’est formée sur Terre ? ». Il n’a alors qu’un seul objectif en tête : partir aux Etats-Unis, puisqu’il n’existe aucune formation astronomique en Egypte. Il fait alors plusieurs demandes de bourse et gravit rapidement les échelons dans le monde de la recherche. En 2017, il devient assistant de recherches supérieures auprès de CalTech (Californian Institute of Technology). En mai 2023, son travail assidu est couronné par une thèse de doctorat sur l’histoire cosmique et la formation des étoiles.
Parallèlement, Soliman publie plusieurs articles dans les principales revues scientifiques du monde comme Physical Review Letters et Astrophysical Journal. Il reçoit le prix du 2e meilleur article lors de la conférence scientifique de l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) à Séoul, en Corée du Sud. « J’ai publié plusieurs vidéos sur ma page Facebook et Instagram, incitant mes followers à étudier la science avec amour. Ces vidéos ont réalisé des millions de vues », dit-il avec joie.
Tout au long de sa vie, Ahmed Soliman souhaitait devenir astrophysicien. Mais les préjugés autour du métier ont fini par semer le doute dans son esprit. « Tu vas passer ta vie devant les ordinateurs », prévenait son entourage. « Ne dépense pas ton argent dans les bourses et les examens et pense au mariage », lui disait son père, employé. Ce dernier voulait lui trouver un emploi au ministère de l’Electricité en 2010. Mais Soliman n’était pas du tout satisfait. Pour lui, c’était un travail provisoire. « Les énergies négatives de mes directeurs et de mes collègues m’agaçaient. Ils critiquaient même mon ambition et menaçaient mon équilibre intérieur », avoue Soliman qui n’a jamais renoncé à son rêve.
Après son arrivée aux Etats-Unis et après avoir travaillé au CalTech, Ahmed Soliman a rencontré le prix Nobel Ahmed Zoweil et a passé avec lui une journée inoubliable. A l’époque, Zoweil me félicitait : « Tu es une fierté pour l’Egypte. Très jeune, tu es devenu prof dans l’une des plus prestigieuses universités américaines et chercheur auprès de la NASA ». Le jeune Soliman a été très ému par l’encouragement de ce célèbre savant égyptien qu’il considère comme un exemple à suivre. « Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais imaginé faire partie d’une équipe de la NASA, l’endroit où l’impossible devient possible. Ici, nous travaillons en équipe avec un objectif, à savoir publier nos recherches et faire avancer nos travaux », raconte-t-il avec dévouement. « Nous sommes les seuls acteurs de notre réussite. Grâce à notre foi en nous-mêmes, nous pourrons réaliser l’impossible », conclut Soliman.
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