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Barrage de la Renaissance : Nouvelle manoeuvre éthiopienne

Chaïmaa Abdel-Hamid , Jeudi, 13 juillet 2023

L’Ethiopie a annoncé cette semaine qu’elle était prête à reprendre les négociations avec l’Egypte et le Soudan sur le barrage de la Renaissance. Au Caire, on s’interroge sur les vraies intentions d’Addis-Abeba.

Barrage de la Renaissance : Nouvelle manoeuvre éthiopienne
Le quatrième remplissage du barrage de la Renaissance permettra de stocker entre 20 et 25 milliards de m3 d’eau.

 « Nous ferons en sorte que le quatrième remplissage du barrage de la Renaissance se prolonge jusqu’en septembre prochain car nous ne voulons pas nuire aux pays en aval, Egypte et Soudan », a déclaré cette semaine Abiy Ahmed devant le parlement éthiopien. Le premier ministre éthiopien a également prétendu que les trois remplissages précédents n’ont nui ni à l’Egypte ni au Soudan. Les experts voient en ces propos une nouvelle manoeuvre de la part du responsable éthiopien. Les deux pays en aval exigent depuis plus de deux ans la reprise des négociations, appelant l’Ethiopie à arrêter ses agissements unilatéraux en attendant qu’un accord consensuel soit conclu sur les modalités de remplissage et de fonctionnement du barrage. Des appels qui sont restés vains, alors que la construction et le remplissage du barrage se poursuivent. A noter qu’avec le quatrième remplissage, l’Ethiopie pourrait stocker entre 20 et 25 milliards de m3 d’eau, soit une quantité qui équivaut au total des trois remplissages précédents (17 milliards de m3 d’eau).

Dans une déclaration prononcée au nom du ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, l’ambassadeur Ossama Abdel- Khaleq, représentant permanent de l’Egypte auprès des Nations- Unies à New York, a déclaré lors de la réunion ministérielle du Mouvement des pays non alignés à Bakou, la capitale d’Azerbaïdjan, les 5 et 6 juillet, que l’Egypte souhaite « maintenir l’esprit de coopération, de bonne foi et de respect du droit international ». Le Caire souhaite qu’aucun pays du bassin du Nil ne subisse des dommages en raison du remplissage du barrage.

Un discours trompeur

Pour Nader Noureddine, professeur de ressources hydriques à l’Université du Caire, le discours du premier ministre éthiopien est vide de toute information de valeur. Il n’a pas indiqué quelles seront les quantités stockées en vertu de ce remplissage. « Son unique objectif est de tromper l’opinion publique éthiopienne et mondiale en assurant à son peuple que le remplissage se poursuit sans interruption et en prétendant qu’aucun dommage ne touchera les pays en aval », explique l’expert. Et d’ajouter que, techniquement parlant, toutes les assurances éthiopiennes sont irréalisables. « Le premier ministre éthiopien a affirmé que le remplissage se ferait graduellement jusqu’à mi-septembre. Mais l’Ethiopie a élevé le mur central du barrage, ce qui empêche le passage de l’eau jusqu’à ce que le lac soit rempli. Comment peut-il prétendre que le remplissage sera graduel et que les pays en aval ne seront pas affectés ? », s’interroge Noureddine, expliquant que « si le remplissage se poursuit jusqu’à septembre, c’est tout simplement parce que les quantités d’eau qui seront emmagasinées sont beaucoup plus importantes que celles qui avaient été stockées lors des précédents remplissages, soit respectivement 5 milliards puis 3 milliards et 9 milliards de m3 ».

L’expert en ressources hydriques Abbas Sharaky pense, lui, que le stockage de 17 milliards de m3 d’eau durant les remplissages précédents du barrage a causé des dommages à l’Egypte. « La retenue de cette quantité d’eau a empêché l’Egypte d’étendre ses cultures de riz. Une denrée dont l’Egypte a besoin », signale Sharaky, qui affirme qu’un million de feddans de riz rapportent annuellement 6 milliards de dollars à l’Egypte. En plus, explique-t-il, l’Egypte s’est trouvée obligée ces dernières années de mettre en place des stations de traitement de l’eau à usage agricole, afin de compenser ses pertes en eau dues au barrage de la Renaissance, une alternative qui coûte à l’Etat d’énormes sommes d’argent. « Par exemple, la station de Bahr Al-Baqar, construite il y a 2 ans, a coûté 18 milliards de L.E. à l’Etat égyptien », poursuit-il.

Il est donc urgent que les trois pays (l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie) parviennent à un accord avant l’achèvement des travaux de construction du barrage de la Renaissance entre 2024 et 2025. « Les récents propos du premier ministre éthiopien n’ont aucun sens. L’objectif des négociations c’est de parvenir à un accord sur le fonctionnement des 13 turbines et le remplissage du barrage et ce, avant toute action unilatérale de l’Ethiopie et non pas après. Il n’est jamais trop tard pour parvenir à un accord, mais il faut que toutes les parties aient la volonté de le faire », conclut Noureddine.

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