« Nous avons pensé que c’était peut-être notre tour de mourir. Mais nous ne voulions pas mourir. Alors, nous avons décidé de partir », ce témoignage de Sahar, 25 ans, réfugiée syrienne au Liban, rapporté par le HCR, résume la tragédie des réfugiés syriens. Plus de 12 ans après le début du conflit en Syrie, le pays reste au coeur de la plus grande crise de réfugiés au monde. Des millions de personnes ont fui le pays pour chercher la sécurité au Liban, en Turquie, en Jordanie et au-delà. La réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe va-t-elle encourager le retour volontaire des Syriens à leur pays ? Selon le HCR, il existe 13,4 millions de personnes dans le besoin en Syrie et 6,6 millions de réfugiés syriens dans le monde, dont 5,6 millions dans les pays voisins. La Turquie accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens, plus de 3,6 millions. Le Liban en accueille environ 1,5 million et la Jordanie accueille 760 000 Syriens. L’Iraq est également un pays d’accueil important pour les Syriens, avec quelque 244 000 réfugiés enregistrés, tandis qu’en Egypte, le HCR offre son assistance à plus de 130 000 Syriens. Depuis 2015, près de 60 000 réfugiés syriens se sont réinstallés au Canada. En 2015, 1,3 million de Syriens ont demandé l’asile en Europe et aux Etats-Unis. Selon le HCR, la grande majorité des réfugiés Syriens dans les pays voisins vivent dans des zones urbaines, et seul un sur 20 est hébergé dans un camp de réfugiés. Au Liban, 9 réfugiés sur 10 vivent dans l’extrême pauvreté. Alors qu’en Jordanie, environ 4 réfugiés syriens sur 5 (soit près de 80 %) vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Les conditions d’un retour ne sont pas réunies
La vie quotidienne des réfugiés syriens est un combat pour survivre. Ces mauvaises conditions de vie ont poussé les pays d’accueil à mettre en place un plan pour le retour volontaire et sécurisé des réfugiés syriens dans leur pays. Une réunion consultative a regroupé le 1er mai à Amman les chefs de diplomatie de l’Egypte, de la Syrie, de la Jordanie, de l’Arabie saoudite et de l’Iraq pour « discuter des moyens de faciliter le retour des réfugiés syriens ». Cette réunion est intervenue quelques jours après la déclaration du président turc, Recep Tayyip Erdogan, selon laquelle la Turquie a entamé « la construction d’un nouveau complexe résidentiel au nord de la Syrie dans le but d’y réinstaller des réfugiés syriens ». Au Liban, des milliers de réfugiés syriens vivent avec la peur au ventre, surtout que les autorités mènent une vaste campagne de rapatriement depuis le mois d’avril. De son côté, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a affirmé que l’Union européenne ne soutenait ce retour que « s’il est volontaire ».
« Les conditions d’un retour des réfugiés syriens sont loin d’être réunies », explique Rabha Seif Allam, experte au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram et spécialiste des affaires syriennes. « Le retour des Syriens est un processus très compliqué. La plupart des Syriens ne retrouveront pas leurs logements après leur retour. Plusieurs bâtiments, écoles et hôpitaux ont été détruits durant la guerre. Et le gouvernement syrien, qui passe par une grave crise économique, n’a guère la capacité de les reconstruire. Il est impossible de demander à un réfugié qui a commencé une nouvelle vie à l’étranger de retourner à son pays où l’avenir est incertain, sauf les réfugiés qui vivent toujours dans des tentes », explique Rabha Seif Allam.
Le défi de la reconstruction
Où en est la Syrie aujourd’hui ? Après 12 ans de guerre, 90 % de la population vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. La guerre a fait reculer le niveau de vie, détruisant les systèmes de santé, les écoles et les installations d’eau potable. La Syrie est en proie à une grave crise économique. La livre syrienne a perdu 99 % de sa valeur face au dollar fin 2022, ce qui a créé une inflation galopante et a détruit le pouvoir d’achat de millions de Syriens. En outre, les ressources en eau potable ont diminué de 40 % après la guerre. Mais est-ce que le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe peut ouvrir la porte à la reconstruction du pays et donner la chance aux réfugiés de retourner dans leur pays ? Les cinq pays arabes qui ont participé à la réunion d’Amman ont exprimé leur soutien à la Syrie et aux efforts légitimes visant à rétablir le contrôle du gouvernement syrien sur son territoire, à mettre fin à la présence des groupes armés et à faciliter le retour des réfugiés. Cependant, l’acheminement de l’aide internationale en Syrie reste difficile. « La loi américaine César, promulguée en juin 2020, interdit toute transaction avec la Syrie. Faire pression sur les Etats-Unis afin d’alléger les sanctions sur la Syrie pour entamer sa reconstruction reste l’enjeu majeur pour mettre fin à plus de 12 années de souffrance », conclut Rabha Seif Allam.
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