En février 2023, ils étaient plus de 8 millions de réfugiés ukrainiens qui ont fui leur pays, selon le dernier recensement du Haut-Commissariat de l’Onu pour les réfugiés. Ils se sont réfugiés dans des pays voisins, notamment la Pologne, qui a accueilli plus de 1,5 million de personnes. Plus d’un million se sont dirigés vers l’Allemagne, tandis que la France a accueilli près de 120 000 réfugiés ukrainiens. Selon ce même rapport, près de 15 % des exilés ukrainiens sont des femmes de plus de 35 ans avec un ou plusieurs enfants, et ce, parce que la mobilisation générale, décrétée le 24 février en Ukraine, a interdit aux hommes de 18 à 60 ans de quitter le pays. Par ailleurs, nombreux sont les Ukrainiens qui ont préféré s’exiler dans les pays limitrophes ayant une histoire et une culture proches, d’autres ont préféré se diriger vers l’Europe de l’Ouest qui n’a pas tardé à ouvrir ses frontières face à l’afflux des réfugiés ukrainiens. Face à cette situation, l’Union Européenne (UE) a eu recours à un mécanisme qui n’avait jamais été pratiqué jusqu’alors : il s’agit de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001, sur l’octroi d’une « Protection temporaire ». Cette procédure permet aux réfugiés ukrainiens de bénéficier des droits communs dans toute l’UE, comme le permis de séjour, la possibilité de travailler, l’accès au logement et à l’aide sociale et médicale.
Deux poids deux mesures
« La mise en oeuvre du processus de Protection temporaire souligne la politique de deux poids deux mesures avec laquelle l’UE traite le dossier des migrants », explique la chercheuse Asmaa Refaï El Shohari dans son étude publiée par le Centre d’information et de soutien à la prise de décision (IDSC) du Conseil des ministres. Selon la chercheuse, l’ouverture des portes de l’UE devant les réfugiés ukrainiens s’oppose drastiquement aux mesures décrétées en 2015 par le Groupe des 27 face aux réfugiés syriens. Il s’agit, en effet, d’un décret promulgué en 2015 qui exige la détention des réfugiés syriens pour une durée de 18 mois pour des raisons sécuritaires relatives à la lutte contre le terrorisme. Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a décrit les réfugiés du Moyen-Orient comme étant des « envahisseurs musulmans ».
C’est ce même état d’esprit qui a poussé la dualité européenne à faire la différence entre les réfugiés ukrainiens et ceux d’autres nationalités résidant en Ukraine. De nombreux rapports indiquent que la priorité a été donnée aux citoyens ukrainiens, tandis que les personnes d’autres nationalités continuaient de lutter pour franchir les frontières. « Cette dualité s’explique par un certain nombre de facteurs, comme la proximité géographique, historique et culturelle entre l’Ukraine et l’Union européenne », explique la chercheuse Asmaa El Shohari. Et d’ajouter que l’Ukraine est un pays européen qui partage les mêmes normes et expériences que les autres pays européens. Mais si les pays européens ouvrent leurs frontières face aux réfugiés ukrainiens, ce n’est pas uniquement pour des raisons humanitaires. « Les Ukrainiens constituent une main-d’oeuvre sollicitée en Europe étant donné qu’ils sont parmi les peuples les plus éduqués, selon les estimations de l’Unesco », estime la chercheuse Asmaa El Shohari.
Arme à double tranchant
En dépit de ces avantages, « la crise des réfugiés ukrainiens est une arme à double tranchant qui aura des conséquences futures pour l’ensemble de l’Europe », explique Asmaa El Shohari.
Il s’agit premièrement du défi économique, « l’afflux des réfugiés ukrainiens pèse lourdement sur les économies des pays d’accueil qui souffrent encore des répercussions du Covid-19 et d’un taux élevé de chômage », ajoute-t-elle. Tandis que sur le plan politique, il existe des craintes que la question des réfugiés ukrainiens ne soit exploitée par les partis d’extrême droite, comme cela a été le cas avec la crise migratoire de 2015. En outre, l’afflux des réfugiés ukrainiens dans les pays européens fait craindre au sein des sociétés européennes que les taux d’infection au coronavirus n’augmentent à nouveau, surtout que l’Ukraine a connu une nette augmentation des infections au cours du mois de février 2022. Les données montrent qu’environ 60 % des tests de coronavirus qui ont été récemment effectués en Ukraine étaient positifs, ce qui impose des charges supplémentaires aux systèmes de santé européens souffrant toujours des répercussions de la pandémie de Covid-19. Quant aux conséquences sécuritaires, « beaucoup d’observateurs craignent que des groupes criminels organisés dans le domaine du trafic de migrants n’exploitent la politique d’ouverture des frontières en dirigeant leurs agents vers le territoire ukrainien, puis vers les frontières orientales de l’Union européenne », conclut Asmaa El Shohari.
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