Projeté pour la première fois durant le Ramadan et actuellement repris par plusieurs chaînes de TV par satellite, le feuilleton historique à succès Ressalet Al-Imam (le message de l’imam) a remis son principal auteur, Mohamed Hicham Obaya, sous les feux de la rampe. « Le projet a débuté en juillet 2022. J’ai rejoint l’équipe d’écriture après que la scénariste Mariam Naoum s’était retirée. L’équipe d’auteurs regroupait déjà trois Syriens et trois Egyptiens. Le défi était comment représenter l’imam Al-Chaféï en l’an 2023 ? J’ai opté pour le fait de créer une oeuvre dramatique à partir de faits historiques », souligne Obaya, qui a laissé son empreinte dans le champ de l’écriture scénaristique ces dernières années. « La fiction nous a permis d’avoir des intrigues parallèles à la vie d’Al-Chaféï en Egypte et de faire focus sur tous les troubles et les conflits politiques à l’époque ; bref, de dévoiler une part de l’histoire méconnue du grand public ».
Le scénariste a su effectuer un va-et-vient entre l’Egypte de l’an 820 et celle de 2023. Un long travail de recherche s’est donc fait autour du personnage principal. Après avoir collecté tant d’informations historiques, Obaya a donné libre cours à son imagination, inventant parfois quelques incidents ou réinterprétant les textes de ses co-équipiers. « Tout est grâce à mon bon sens de journaliste », crie-t-il haut et fort.
Car il a commencé par se faire la main dans la presse d’opposition en Egypte. Sa plume satirique rendait ses articles plus attrayants que d’autres ; de même, ses enquêtes et reportages ne manquaient pas d’audace. « Je suis originaire de la ville de Cherbine dans le gouvernorat de Daqahliya. Mon père était ingénieur agronome et membre du parti du Travail. Il participait à la rédaction de l’organe du parti dans notre ville, lequel avait pour titre Al-Chaab Al-Cherbini (le peuple de Cherbine). Donc, le journalisme a toujours fait partie de ma vie », évoque-t-il.
Après avoir eu son bac, Mohamed Obaya s’est inscrit à la faculté de pédagogie, section sciences naturelles et physique. « Dans le temps, les diplômés en pédagogie étaient automatiquement embauchés dans les écoles et lycées gouvernementaux, mais cette décision officielle a été annulée une fois mes études achevées ». Obaya aime se moquer des circonstances, même des plus malheureuses. Au fond de soi, il savait qu’il n’était pas destiné à être enseignant. « Encore étudiant, j’envoyais mes articles à différentes revues basées au Caire. Je contribuais régulièrement aux courriers des lecteurs. A partir de ma petite ville natale du Delta, je voulais faire parvenir ma voix et celle des siens. Et pour ce faire, j’ai appris à fouiller dans l’Histoire, à la recherche de faits méconnus, afin d’y mettre l’accent dans mes articles. Puiser dans l’Histoire c’est un peu ma passion », raconte-t-il. Mais pour devenir un vrai journaliste professionnel, il fallait s’installer au Caire. « C’est la capitale, le centre de foisonnement intellectuel et des activités artistiques ».
Après avoir obtenu son diplôme universitaire en 2001, il travaille comme représentant commercial dans une boîte de produits cosmétiques, tout en continuant à publier des articles. « L’écrivaine Ghada Mahmoud, une bonne amie à moi, m’a parlé d’un site qui était sur le point d’être lancé, c’était Bos wa Toll (regardez pour se faire une idée), où j’ai beaucoup appris en y travaillant ».
A la Foire internationale du livre, j’ai fait la connaissance de l’écrivain et journaliste Ibrahim Eissa, qui a lancé en 2005 le journal Al-Dostour Al-Guédid, un nouvel organe de presse privée, réputé pour son style satirique. L’idée n’était pas sans lui plaire.
Le journal publiait, entre autres, des récits de voyage, des comics et des textes satiriques. « J’ai toujours voué un grand amour pour la littérature et je me rappelle que tout jeune, je fréquentais souvent le club littéraire du palais de la culture de Mansoura. A l’université, j’ai également rejoint le groupe littéraire étudiants ».
Devenu rédacteur en chef adjoint au journal Al-Tahrir, une autre expérience journalistique de Eissa qui remonte à l’après-2011, il a aussi travaillé comme correspondant du journal libanais panarabe Al-Safir. Et en 2015, il est devenu rédacteur en chef de l’hebdomadaire Al-Youm Al-Guédid (un jour nouveau), financé par le businessman Ahmed Al-Talawy.
« Entretemps, j’avais toujours eu un oeil pour le cinéma. Dès mon plus jeune âge, j’allais chaque semaine regarder un film, avec mes parents et mon frère. J’étais épris du grand écran, des dialogues entre les personnages. J’avais même essayé de m’y entraîner tout seul, mais j’ai vite constaté que l’écriture scénaristique est tout un art qu’il faut vraiment maîtriser », estime-t-il. Et d’ajouter : « Il m’était de plus en plus difficile d’écrire ce que je voulais en tant que journaliste, ce qui m’a poussé davantage à l’écriture dramatique ». Il lit alors plusieurs livres portant sur la méthodologie de l’écriture scénaristique et n’hésitait pas à suivre des stages et des ateliers de formation. « Avant de quitter mon poste au journal, j’ai envoyé un message à un ami, Waël Hamdi, également journaliste et scénariste, lui faisant part de mon désir d’écrire un scénario. Ce dernier m’a encouragé et m’a promis de m’indiquer des adresses de stages. Le mois suivant, il m’a proposé de rejoindre l’équipe du télé feuilleton Soqout Horr (chute libre) ».
En 2015, il participe à un stage de six mois organisé par la productrice Dina Ossama Al-Ghazaly. Celui-ci visait à soutenir six auteurs, afin de développer leurs textes et d’en faire des films. « J’en ai beaucoup profité et j’ai réussi à écrire le scénario du long métrage Banzine 80 (essence 80), qui n’a malheureusement pas vu le jour ».
Persévérant et sarcastique, il ne se lasse guère et se contente de participer à des scénarios collectifs ou de rédiger quelques épisodes dans une série TV. « Après avoir participé à l’écriture du scénario du feuilleton Fi Kol Osboue youm Gomaa (dans chaque semaine, il y a un vendredi), d’après l’oeuvre éponyme d’Ibrahim Abdel-Méguid, j’ai reçu un coup de fil de la part de la productrice Mariam Al-Ahmadi m’invitant à écrire un projet sur les causes féminines. Alors, j’ai signé mon premier vrai scénario, 60 Deqiqa (60 minutes), une série diffusée sur la plateforme Shahid. Je l’ai rédigé après mon divorce et le considérais comme une thérapie ».
De succès en succès, Obaya signe aussi la série Betloue Al-Roh (rendre l’âme), diffusée durant le Ramadan 2022, qui abordait la vie des femmes de Daech et leur sort tragique. « Vous remarquez ? L’esprit journalistique ne me quitte pas. Bien au contraire, il alimente constamment mes oeuvres. Jusqu’ici, je n’ai révélé que 40 % de mon talent de journaliste, j’ai encore beaucoup à expérimenter dans la presse. En 2020, j’ai lu une enquête d’investigation publiée dans le journal londonien Al-Hayat sur les femmes dans les camps de Daech. J’ai voulu creuser le sujet ».
Le mélodrame a connu une énorme réussite, et la même année, l’auteur a également célébré la parution de son recueil de nouvelles Al-Chéour bil Zanb min Al-Safar Gawanne (se sentir coupable pour avoir voyagé par avion).
Aujourd’hui, Obaya a plein d’autres projets sur les rails. Il travaille sur l’adaptation des romans May, Layali Isis Copia (May, les nuits d’Isis Copia) de Wassini Laredj, Dam Ala Nahd (du sang sur le sein) d’Ibrahim Eissa et Banat Al-Pacha (filles de pacha) de Noura Nagui, afin de les adapter pour écran. « Poussé par mon amour pour la littérature, je crois que le rôle du scénariste est de partir à la rechercher d’oeuvres littéraires riches en lignes dramatiques et de les porter à l’écran pour être visionnées par des millions de spectateurs, au lieu d’avoir des milliers de lecteurs », conclut-il.
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