Lancé le 24 mai dans le cadre de la 58e Assemblée annuelle qui s’est déroulée la semaine dernière à Charm Al-Cheikh, le rapport annuel de la Banque Africaine de Développement (BAD) sur les perspectives économiques en Afrique prévoit que le continent consolidera sa reprise avec une croissance de son PIB de 4% en 2023 et de 4,3% en 2024, contre 3,8% en 2022. Toutefois, ces chiffres moyens ne sont pas les mêmes pour les 54 pays du continent. Quelque 22 pays enregistreront des taux de croissance supérieurs à 5%, aussi bien en 2023 qu’en 2024. Selon les projections de la BAD, l’Afrique devrait être la deuxième région à la croissance la plus rapide après l’Asie, en 2023-2024, malgré les multiples chocs mondiaux auxquels le continent est confronté. « Les pays africains qui ont franchi des étapes importantes sur la voie de la reprise post-pandémie sont confrontés à de nouveaux défis liés à la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, au ralentissement de la croissance mondiale et au resserrement des conditions financières à l’échelle mondiale. Ces pressions extérieures se font sentir alors que les défis à plus long terme, comme les conflits, les changements climatiques et la pauvreté continuent de poser des difficultés majeures », note le rapport.
L’énergie et la sécurité alimentaire au coeur des défis
Composé de 220 pages, le rapport présente les cinq grandes priorités du développement en Afrique appelées « High 5s » et auxquelles est liée la stratégie 2013-2023 de la BAD. Il s’agit d’éclairer et de fournir de l’énergie à l’Afrique, de nourrir l’Afrique, d’industrialiser l’Afrique, de réaliser l’intégration en Afrique, et d’améliorer la qualité de vie des Africains. Selon la BAD, ces cinq domaines sont essentiels pour transformer la vie de la population africaine et cadrent avec le programme des Nations-Unies relatif aux Objectifs de Développement Durable (ODD).
En matière d’accès à l’énergie, l’Afrique a réalisé des progrès évidents. Selon le rapport, la couverture électrique est passée en sept ans de 42 à 56%. En 2022, la capacité électrique totale installée sur le continent était de 245 GW, soit environ 50% de plus qu’en 2015. Cependant, une croissance plus rapide est nécessaire pour répondre aux besoins énergétiques. Dans le domaine de l’énergie solaire, le rapport de la BAD cite, entre autres, le parc solaire égyptien de Benban comme l’un des plus grands au monde et qui fournit de l’électricité à plus d’un million de foyers.
Avec plus de 40% des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine, l’Afrique est bien positionnée pour jouer un rôle important dans les chaînes de production de l’énergie propre essentielle à la production des Véhicules Electriques (VE), des batteries de stockage à grande échelle et de l’hydrogène vert. L’Afrique du Sud, la RDC et le Mozambique sont les principaux fournisseurs. Cependant, le principal défi consiste à garantir une extraction responsable et durable sans nuire à l’environnement.
Le 2e chapitre du rapport, intitulé « Nourrir l’Afrique », aborde la productivité agricole dans de nombreux pays africains. En 2022, le déficit commercial agricole net du continent a été de 38,7 milliards de dollars, chiffre en hausse par rapport aux 36,3 milliards de dollars de 2021 et comparable à celui de 2015 (38,9 milliards de dollars). « L’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué des pénuries et a haussé les prix des engrais azotés, potassiques et phosphorés. Combinée à l’augmentation des coûts des autres intrants agricoles et à des taux d’intérêt élevés, cette situation a créé un contexte difficile pour l’agriculture africaine. Dans ces conditions, il est indispensable de moderniser l’agriculture africaine en développant la transformation des produits agricoles et en créant de meilleures opportunités d’emploi dans le secteur », indique le rapport.
Industrialisation et intégration de l’Afrique
Selon le rapport, le continent noir dispose d’un immense potentiel de développement industriel. En Afrique du Nord, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie, dont les secteurs industriels sont bien développés, produisent des automobiles, des produits textiles, des produits chimiques et des matériaux de construction. L’Ethiopie, le Kenya, le Malawi, le Sénégal et l’Afrique du Sud ont également créé des emplois dans des secteurs comme les matériaux électriques, les machines et les équipements de transport. Dans le cadre de son soutien aux politiques industrielles, la BAD a élaboré l’Indice d’industrialisation en Afrique (AII), le tout premier du genre à couvrir l’ensemble du continent. L’AII classe l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie et l’île Maurice dans le quintile supérieur en matière d’industrialisation.
Le 4e chapitre du rapport, intitulé « Intégrer l’Afrique », souligne le rôle important de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA) qui offre l’opportunité de promouvoir le commerce intra-africain. « Le début des échanges dans le cadre de la ZLECA le 1er janvier 2021 — après un retard de six mois — est un symbole puissant de l’engagement croissant de l’Afrique en faveur de l’intégration. Les règles d’origine pour 87,7 % des marchandises couvertes par la ZLECA ont fait l’objet d’accords en 2022, mais il reste du travail à faire. Sensibiliser les entreprises africaines à la ZLECA et à ses avantages est également un problème, comme en témoigne une enquête récente qui montre que 60% des entrepreneurs nigérians ignoraient l’existence de la ZLECA. Le développement de l’infrastructure douanière, nécessaire à la mise en oeuvre de l’accord, a également progressé lentement », note le rapport.
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