ll y aurait quelque 4 millions de réfugiés syriens en Turquie.
Ce sont les victimes collatérales de la campagne électorale turque. Les réfugiés syriens en Turquie, quelque 4 millions, se trouvent malgré eux au centre des débats de la campagne de l’entre-deux-tours de la présidentielle. Alors que cette campagne se tient actuellement en vue du second tour qui opposera, le 28 mai, le président sortant, Recep Tayyip Erdogan (49,51 % des voix lors du premier tour du 14 mai) contre le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu (44,88 %), l’immigration est devenue un enjeu central de la campagne. Le discours se durcit contre les étrangers et en premier lieu les Syriens. Tout comme le discours xénophobe, encouragé par la fibre nationaliste. Désormais, en vue du second tour, Kemal Kiliçdaroglu adopte un ton et des thèmes de campagne inspirés par l’ultranationalisme dans l’espoir d’attirer l’électorat ultranationaliste, alors que le président sortant est donné favori. Kiliçdaroglu a durci le ton cette semaine sur la question des réfugiés syriens, mais aussi celle du terrorisme, dans un appel du pied à l’électorat nationaliste. « Je ne me suis jamais assis à une table avec des organisations terroristes et je ne le ferai jamais (…) Je renverrai tous les réfugiés chez eux dès mon arrivée au pouvoir », a lancé le candidat de l’alliance de l’opposition jeudi dernier à Ankara pour sa première prise de parole en public depuis le premier tour du 14 mai. Il avait évoqué ces derniers mois un rapatriement « dans les deux ans » en cas de victoire.
Sinan Ogan, faiseur de roi
Ces deux promesses, aujourd’hui formulées d’un ton inhabituellement ferme, sonnent comme un message envoyé aux 2,8 millions d’électeurs (5,2 % des votants) ayant soutenu au premier tour le troisième homme du scrutin, Sinan Ogan. Le candidat ultranationaliste avait en partie axé sa campagne sur l’expulsion des 4 millions de réfugiés vivant sur le sol turc, syriens pour environ 90 %. Kemal Kiliçdaroglu, qui promet de longue date de renvoyer les réfugiés syriens, a également accusé son rival, Recep Tayyip Erdogan, de « faire venir de son plein gré 10 millions de réfugiés ». « S’il reste au pouvoir, il y aura 10 millions de réfugiés de plus (...) Il y aura des pillages. Les villes seront tenues par la mafia et les trafiquants de drogue. Les féminicides augmenteront », a-til ajouté.
Il ne s’agit cependant pas d’un réel revirement du candidat du CHP, classé au centre gauche de l’échiquier politique turc : Kiliçdaroglu a en effet toujours réclamé le départ des réfugiés, les Syriens notamment, mais ce qui change aujourd’hui, c’est la violence de son discours qui le rapproche des ultranationalistes proches d’Ogan.
Le troisième homme de la présidentielle devait annoncer cette semaine s’il soutient l’un des deux finalistes. Malgré son faible score, Ogan a de quoi se réjouir. Il voit ses thèmes placés au coeur de la campagne pour le second tour. Mais jouer la fibre nationaliste va-t-il profiter à Kiliçdaroglu ? Pas forcément, répond un diplomate qui a requis l’anonymat. « Kiliçdaroglu ne dispose pas de beaucoup d’options dans sa tentative de rattraper les près de 3 millions de voix de retard contre le président sortant Erdogan. Certes, le durcissement de ses promesses par rapport aux réfugiés syriens lui permettrait de séduire une bonne partie des nationalistes turcs, mais cette tactique ne sera pas, à mon avis, suffisante pour assurer l’écart qu’il doit rattraper ». D’autant plus qu’Erdogan, en bonne position pour remporter le second tour selon les analystes, a lui aussi ses cartes à jouer.
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