Depuis environ trois mois, l'Iran se montre de plus en plus explicite quant à ses espoirs de dégel des relations longtemps figés avec l'Egypte, mais Le Caire s'est soigneusement abstenu de faire le moindre commentaire officiel. Néanmoins, une source bien informée a rompu ce mutisme lundi niant tout rapprochement avec Téhéran et soulignant que la position du Caire reste « inchangée ». Selon la source, de telles discussions nécessiteraient des préparatifs minutieux et une liste de points d'engagements à examiner sur les niveaux bilatéral et régional, semblable à ce qui s'est produit avec la Turquie. « Je ne suis pas au courant d'un tel engagement jusqu'à présent », a ajouté la source.
La veille, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, avait declaré lors d’une interview avec l’agence de presse iranienne IRNA que Téhéran et Le Caire sont en contact direct par le biais de leurs sections d’intérêts respectives. « Les chefs de nos missions à Téhéran et au Caire ont eu des réunions positives », a t-il dit.
Le même jour, Fadahussein Maleki, membre du comité de la sécurité nationale et de la politique étrangère du parlement iranien, a parlé de « négociations en cours entre l’Iran et l’Egypte en Iraq », suggérant la possibilité d’une rencontre entre les présidents iranien et égyptien.
« Le silence persistant de l’Egypte est une position », a affirmé une autre source à l’Hebdo.
« Cette position indique un certain niveau de prudence, suggérant qu’une réévaluation de la question pourrait être nécessaire », affirme Mohamed Abbas, expert des affaires iraniennes. Les relations tendues entre Le Caire et Téhéran remontent à la révolution islamique de 1979, lorsque l'ayatollah Khomeini, chef de la révolution, a décidé de rompre les relations diplomatiques avec l'Egypte en réponse à l'accord de Camp David avec Israël. Les tensions se sont intensifiées lorsque le président Sadate a accordé l'asile au Shah d'Iran, Reza Pahlavi, en 1980.
Cependant, les liens diplomatiques ont partiellement repris onze ans plus tard, sous la présidence de Hosni Moubarak, au niveau des chargés d'affaires plutôt qu'au niveau des ambassadeurs.
L'ancien président iranien Khatami a rencontré Moubarak en 2003 lors du Sommet mondial sur la société de l'information à Genève. De plus, le ministre iranien des Affaires étrangères, Kamal Kharazi, ainsi que le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, Ali Larijani, ont visité l'Egypte respectivement en 2001 et 2006.
Les relations se sont encore améliorées après l'élection du président Mohammed Morsi en 2012, ce qui a donné lieu à des visites mutuelles au niveau présidentiel. Récemment, le ministre iranien des Affaires étrangères avec d'autres hauts responsables de l'administration du président Ebrahim Raisi ont constamment plaidé en faveur d'une nouvelle approche de « politique étrangère équilibrée » axée sur le renforcement des relations avec les pays voisins.
Dans son entretien de dimanche, il s’est dit optimiste quant à la politique de Raïssi visant à renforcer les liens régionaux qui ouvriraient la voie à des relations améliorées avec l’Egypte.
En juin de l'année dernière, l'Irak a exprimé l'espoir de « faciliter les pourparlers politiques et sécuritaires visant à rétablir les relations entre l'Egypte et l'Iran » et selon le quotidien émirati The National, dans son édition du 8 mai, les deux pays sont engagés dans des pourparlers de sécurité à Bagdad depuis mars.
Abbas estime que Téhéran est encouragé par la tendance générale à la normalisation des relations dans la région, y compris l'accord saoudo-iranien, le retour de la Syrie dans la Ligue arabe et le réchauffement des relations entre la Turquie et la Syrie, ainsi qu'entre la Turquie et Israël.
Depuis cet accord entre l'Iran et l'Arabie saoudite, l'Egypte a choisi d'observer en attendant des changements dans la politique régionale de l'Iran. Selon les sources de l'Hebdo, l'Iran doit faire preuve de sa volonté de ne pas s'ingérer dans les affaires internes des pays de la région. « Est-ce que l'Iran est disposé à soutenir les efforts de stabilité dans la région, qui est une priorité de la politique étrangère de l'Egypte ? », s'est interrogé Abbas, soulignant l'approche classique de bon voisinage de l'Egypte. Selon lui la politique actuelle de l'Iran dans la région est mise à l'épreuve.
« Mettre fin à une rupture de 40 ans avec l'Egypte, mettra complètement fin à l’isolement de l’Iran dans la région », déclare-t-il.
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