Al-Ahram Hebdo : Sur quelle base cette réconciliation entre les deux fractions d’Al-Nour a-t-elle pu se faire ?
Nader Bakkar :Les deux tendances, celle de la Réforme du président Emadeddine Abdel-Ghafour, et celle de la commission suprême n’avaient aucune intention de s’entendre. Toutes les tentatives d’apaisement avaient échoué et aucune des personnalités intervenues n’était acceptable ni pour l’une ni pour l’autre des parties. Une intervention de la commission de la prédication salafiste était indispensable. Seuls ces dirigeants respectés et influents pouvaient trancher l’affaire en toute objectivité. Au terme de 10 heures de négociations, ils ont formulé une proposition acceptée des deux côtés et qui place l’intérêt du parti avant tout. Celle-ci implique bien sûr l’annulation de toutes les décisions prises lors de la phase du conflit. Moustapha Khalifa, qui a été président par intérim, cède la place à Abdel-Ghafour. Une Assemblée générale sera tenue jeudi pour décider de la tenue de nouvelles élections à tous les postes-clés, y compris celui de la présidence du parti. Enfin, il incombe désormais à la Commission des cheikhs d’examiner toute plainte concernant des irrégularités.
— Les raisons à la base du conflit ont-elles disparu ?
— Abdel-Ghafour avait décidé de suspendre les élections internes dans 9 gouvernorats, après avoir reçu des plaintes pour irrégularité, et selon le règlement, le président du parti n’a aucun droit de suspendre les élections. Ceci incombe à la commission suprême. Ce n’est, en outre, pas à lui que doivent être soumises les plaintes. Or, ce n’était pas la première fois qu’il prenait une décision sans consultation. Il nous faut donc tout reprendre à zéro.
— Mais l’une des raisons de division n’était-elle pas les rapports qu’ont entretenus certains dirigeants du parti avec des figures de l’ancien régime et de la Sûreté d’Etat ?
— Il n’y a aucune relation entre les membres du régime déchu, ni avec des membres d’Al-Nour, ni avec le mouvement salafiste. Rencontrer Ahmad Chafiq n’était pas une erreur, puisque l’objet de la rencontre visait l’intérêt public. Il fallait s’assurer qu’après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle au cas où ce dernier ne les remporterait pas, il irait dans le sens d’un apaisement général. Cette rencontre était une nécessité politique et pour le bien de tous, rien d’autre.
— La crise d’Al-Nour avait atteint un paroxysme. Cette réconciliation n’a-t-elle eu lieu que pour éviter que le parti ne soit dissous ?
— Oui, c’est vrai, le parti était sur le point de subir un tel sort. Mais grâce à Dieu, nous avons pu surmonter la crise à la dernière minute. Le conflit était basé initialement sur des différends liés à l’application du règlement. Mais ces désaccords se sont étalés en public et dans les médias, ce qui a aggravé le problème et conduit à une division du parti. C’est une leçon inoubliable concernant l’exercice politique. Cela fait un an que nous sommes dans le champ politique, et il diffère totalement de celui de la prédication. En politique, le différend est acceptable alors qu’il est interdit dans la prédication où tout doit être respecté sans négociation. Mais c’est grâce à notre éducation religieuse que nous avons réussi à nous réconcilier, et la crise n’a duré qu’un mois. Personne ne peut nier qu'Al-Nour vient de donner un exemple d’exercice démocratique, contrairement au parti néo-Wafd qui, il y a des années, s’était très violemment déchiré sur le sujet du poste de président. Nous sommes fiers d’avoir coupé l’herbe sous les pieds de nos adversaires qui voulaient exploiter l’incident pour nous écarter de la scène politique.
— Certains prédicateurs salafistes réclament la dissolution du parti d’Al-Nour, affirmant qu’il a déformé l’image du mouvement salafiste. Qu’en pensez-vous ?
— Je n’ai pas de commentaire à faire. Chacun a le droit d’exprimer ses vues. Nous ne sommes pas le premier parti frappé par des différends. Le problème réside dans ce mélange fait entre le mouvement religieux et les institutions politiques.
— Ce conflit ne va-t-il pas affecter la popularité d’Al-Nour aux prochaines législatives ?
— Peut-être, mais la crise n’a pas eu d’influence sur la performance du parti. Nous sommes dans une phase de réorganisation et de réunification pour pouvoir bien mener notre campagne électorale. Nous sommes déjà en train de former les nouveaux cadres compétents parmi lesquels nous allons choisir nos candidats aux législatives. Nous menons aussi des activités sociales pour que notre programme parvienne au simple citoyen et pour gagner en popularité. Al-Nour est la deuxième force politique de l’Egypte, derrière le Parti Liberté et justice. Notre but est de dépasser les 24 % de sièges que nous avions remportés lors des dernières législatives.
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