Les premières séances du Dialogue national ont été tenues dimanche 14 mai et ont été consacrées au volet politique. Il s’agissait de séances publiques auxquelles étaient présents des médias locaux et internationaux. Au cours des deux premières séances, c’est le système électoral qui a été discuté. Alors que pour les deux autres, il était question des moyens d’éliminer toutes formes de discrimination (comité des droits de l’homme) et du défi des coopératives (comité des syndicats et de la société civile).
Le système électoral a suscité un large débat entre les partisans du système de listes fermées actuellement en vigueur et le système de listes proportionnelles proposées par des partis et des politiciens. Les élections du parlement de 2020 ont été tenues selon un mode d’élection consacrant 50 % au scrutin individuel et 50 % au scrutin à liste absolue fermée. Le débat actuel vise à parvenir au mode électoral le plus adéquat à la situation politique du pays, où se trouvent plus de 100 partis politiques, alors que le taux de représentation de la majorité d’entre eux reste médiocre, voire quasi absent. En effet, dans le parlement actuel, seuls 20 partis sont représentés.
L’avis des partis politiques
Hussein Aboul-Atta, président du Parti des Egyptiens libres, affirme que son parti soutient la liste proportionnelle inconditionnelle, qui permet la représentation de tous les partis au sein des parlements, surtout les petits partis qui n’ont pas les moyens financiers de lancer de grandes campagnes électorales. « Or, l’adoption de ce système nécessite de modifier certains articles de la Constitution, ce qui est difficile à l’heure actuelle », indique Aboul-Atta, appelant à la modification des circonscriptions électorales dans les gouvernorats en fonction du nombre de la population de chaque gouvernorat. Le parti du Néo-Wafd et le parti salafiste d’Al-Nour soutiennent aussi la liste proportionnelle, comme l’ont affirmé leurs représentants. Un système qui n’est pas exclu, selon Mohamad Abdel-Ghani, rapporteur du comité sur l’exercice des droits politiques et la représentation parlementaire dans le Dialogue national, qui a affirmé que tous les constitutionnalistes ont confirmé qu’il n’y avait pas d’obstacle constitutionnel à la tenue d’élections législatives selon le système de liste proportionnelle, même en présence des quotas. « Tous les Egyptiens s’attendent à un système électoral qui assure la présence de leurs représentants et l’équilibre des trois pouvoirs. Ce qui implique de parvenir à un consensus sur ce sujet crucial », a exhorté Abdel-Ghani.
En revanche, 42 partis estiment que le système des listes fermées actuellement en vigueur est le plus adéquat et le plus représentatif des partis politiques. Ils pensent que la liste proportionnelle fragmente les voix. Achraf Rachad notamment, vice-président du parti majoritaire au parlement, Mostaqbal Watan, estime que la liste fermée est conforme aux droits constitutionnels stipulés dans la Constitution sur les quotas des femmes, des jeunes et des coptes, alors que le scrutin uninominal soutient les efforts de services nécessaires à une très grande partie des Egyptiens.
En ce qui concerne la proposition de combiner le système de liste absolue, de liste individuelle et de liste proportionnelle, Rachad s’est demandé si l’électeur égyptien est en mesure de voter trois cartes. « Le plus important est de faciliter le processus électoral. Un tel système fera que le dépouillement prendra au moins deux à trois jours, alors qu’auparavant, les résultats étaient annoncés le même jour. Et c’est impossible de demander aux électeurs de voter trois listes », affirme-t-il.
La controverse est donc toujours là. Diaa Rashwan, coordinateur général du Dialogue national, a décidé de donner une semaine aux partis pour envoyer le reste de leurs propositions sous forme de projets de loi au secrétariat technique du Dialogue national et pour s’accorder sur le mode de scrutin le plus approprié.
Consensus sur la lutte contre la discrimination
Le comité des droits de l’homme et des libertés publiques a tenu une autre séance sur l’élimination de toutes les formes de discrimination. A ce sujet, se trouve un large consensus sur le fait que le respect de l’être humain est l’un des piliers du système politique. La session a souligné les droits des citoyens à l’accès au logement et aux soins, ainsi que leur droit de ne pas être soumis à des agressions physiques ou psychologiques. Les participants ont surtout mis en relief l’importance de l’élaboration d’un projet de loi sur la création d’un commissariat de prévention de la discrimination entre les citoyens. Un organe qui serait indépendant. D’ailleurs, les participants ont appelé à revoir toutes les lois relatives à la lutte contre la discrimination et à adopter un programme national de suivi de toutes les formes de discrimination. Des revendications qui constituent une échéance constitutionnelle en vertu de l’article 53 de la Constitution de 2014 et qui verra prochainement le jour comme a annoncé le député Tareq Radwan, président de la commission des droits de l’homme au Conseil des députés. « Le Conseil des députés étudie actuellement un projet de loi sur la prévention de la discrimination. Le parlement va aussi réviser les lois sur les violences familiales, la loi sur le statut personnel, sur la nationalité et sur le travail pour vérifier qu’il n’existe aucune discrimination », a indiqué Radwan.
De son côté, Manal Al-Tibi, activiste pour les droits de l’homme, a souligné que « la non-discrimination inclut les catégories les plus vulnérables de la société, dont les réfugiés et les migrants ». Elle appelle à la promulgation d’une loi déterminant les formes de discrimination et précisant le rôle et les pouvoirs du commissariat proposé. Vision partagée par la députée Marsa Mahrous, qui a regretté qu’en dépit des garanties constitutionnelles sur la non-discrimination, « nous constatons qu’il existe encore des formes de discrimination, que ce soit sur base de religion, de sexe, de race, de couleur ou de niveau social, politique ou économique ».
Coup de pouce aux coopératives
Quant à la séance sur les défis des coopératives, les participants ont souligné l’importance d’activer le rôle des coopératives et des associations, ainsi que de développer des solutions à tous les défis auxquels elles sont confrontées. Car elles participent avec l’Etat à la fourniture de services concrets à but non lucratif. Hamdi Ahmad, directeur général de l’Union coopérative arabe, a souligné que le principal défi auquel est confronté ce secteur en Egypte consiste dans les lois régissant le secteur. « Il faut avoir une loi unifiée sur les coopératives remplaçant les sept lois en vigueur qui ont provoqué la dispersion des autorités de surveillance et de réglementation du secteur, aggravant leurs crises », a appelé Ahmad. De même, il a appelé à la création d’une banque coopérative pour attirer les fonds des membres et les financer avec des prêts à faible intérêt afin de les aider à établir des projets. D’ailleurs, il a jugé évidente l’expansion de la création de coopératives pour inclure l’exportation, les fonds d’investissement, la santé et l’éducation, et la mise en place de projets conjoints avec les syndicats. Un plan soutenu par Oussama Mohamad Ahmad, président de l’Union coopérative centrale de production, qui a indiqué que le taux du secteur a atteint 12 milliards de L.E. en 2022. « Ce qui confirme que des millions d’Egyptiens bénéficient des services de ce secteur ».
Dans son ensemble, le premier jour des séances du Dialogue national a témoigné d’une ambiance positive et démocratique avec une diversité d’avis et de représentants. « Nous sommes face à un dialogue libre mais organisé, où la grande diversité en termes de participants représente une force pour la nation », s’est félicité Rashwan, soulignant que cette diversité des points de vue sur les dossiers discutés prouve qu’il n’existait pas d’orientation quelconque au sein du conseil d’administration du Dialogue national, et que seuls les participants sont juges du dialogue, de sa constitution et de sa logique. Mardi 16 mai (ndlr : résultats non communiqués au moment de l’impression du journal) et jeudi 19 mai, c’est au tour des séances consacrées aux volets économique et sociétal.
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