Cette semaine, alors que l’on commémore le 75e anniversaire de la Nakba, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a évoqué la cause palestinienne avec une délégation du Congrès américain en visite au Caire. Il a mis l’accent sur les constantes égyptiennes quant à la justesse de cette cause et le droit légitime des Palestiniens à leur Etat conformément aux résolutions des Nations-Unies. Le chef de l’Etat a noté que le règlement de la cause palestinienne constituera un point de départ pour régler d’autres crises dans la région. Car celle-ci est utilisée par plusieurs parties régionales pour créer des conflits et par les organisations radicales comme prétexte religieux pour justifier leur extrémisme en opposition à l’extrémisme radical en Israël sous les gouvernements de droite successifs.
Cette perspective reflète la vision égyptienne adoptée par le régime du 30 Juin 2013. Il est vrai qu’elle n’est pas nouvelle pour l’Egypte, mais son adoption avec force par le régime du 30 Juin représente un facteur fondamental, étant donné qu’elle redonne à la cause palestinienne sa considération. Sans oublier les efforts de l’Egypte pour combler la fissure palestinienne en raison des divisions continues entre le Fatah et le Hamas, en plus de ses efforts en vue d’un règlement notamment auprès des Israéliens qui justifient leurs tergiversations par l’aggravation de la situation interne et qui profitent du fait que le monde est actuellement occupé par la guerre en Ukraine et les mutations du nouvel ordre mondial.
Règlement politique, la meilleure solution
L’Egypte accorde un grand intérêt au règlement politique de la cause palestinienne par le biais de négociations conformes aux références internationales. C’est l’une des leçons tirées des guerres israélo-arabes, y compris celle de 1948. Il est vrai qu’Israël a gagné cette guerre malgré la présence d’une force arabe, mais la défaite des Arabes n’était pas seulement liée à la question des armes. Elle se rapportait aussi aux décisions et aux réactions internationales qui ont renforcé la position d’Israël face aux Arabes. Le soutien international à Israël depuis le début du mouvement sioniste, qui voulait établir un Etat juif en Palestine au début du XXe siècle, s’est manifesté via la création d’un fonds pour collecter des dons et financer ce projet, et aussi via le soutien apporté aux activités de l’Agence juive pour l’immigration vers les territoires palestiniens des décennies avant la décision de diviser le pays. Puis, il y a eu la reconnaissance internationale immédiate de la création d’Israël et l’apparition d’un équilibre des forces en faveur d’Israël représenté par l’octroi d’énormes capacités militaires à celui-ci, y compris les armes nucléaires.
Confirmant l’hypothèse selon laquelle la solution pacifique constitue la meilleure approche pour toutes les parties, l’Egypte (bien qu’elle ait changé l’équation du conflit lors de la guerre de 1973) a entamé des négociations de paix qui se sont achevées sur la libération de son territoire et lui ont permis de récupérer le Sinaï grâce aux négociations, puis à l’arbitrage international en ce qui concerne Taba. L’Egypte considère que le recours à la diplomatie au lieu de la force des armes permettra de réaliser les intérêts des deux parties dans la stabilité. En effet, Israël fait face à la résistance palestinienne et fait face au défi d’être encerclé par l’Iran, représenté par le Hamas et le Djihad à Gaza ou le Hezbollah au Liban puis en Syrie également. Donc Israël n’est plus stable en matière de sécurité. La guerre a pour Tel-Aviv un coût matériel et humain élevé. Bien plus, l’entrée de l’Iran dans cette équation est plus difficile pour Israël comparé aux Arabes qui ont signé des accords de paix avec Israël (Egypte et Jordanie), alors que l’Iran ne le reconnaît toujours pas.
C’est dans ce contexte qu’a été récemment lancé le processus d’Aqaba. De nombreuses réunions ont eu lieu entre la ville jordanienne d’Aqaba et la ville égyptienne de Charm Al-Cheikh avec la participation de plusieurs pays arabes avec à leur tête l’Egypte et la Jordanie. Mais Israël insiste sur la priorité des arrangements sécuritaires et veut ajourner le dossier du règlement. Les observateurs en Egypte sont convaincus que cette méthode n’est pas dans l’intérêt de la partie israélienne et qu’elle aggravera l’état d’instabilité interne en Israël à cause de la réaction palestinienne face à l’aggravation de la violence israélienne dans les territoires palestiniens occupés en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem. Alors que le rôle des factions de résistance palestiniennes à Gaza est bien connu, les tentatives permanentes d’Israël de saboter le processus d’Oslo, en poursuivant sa politique de colonisation systématique, se sont heurtées à la résistance palestinienne en Cisjordanie. Et le bloc arabe à Jérusalem est devenu un bloc critique face à la politique israélienne.
La Nakba de 1948 a conduit à un autre déséquilibre qui est le statut de Jérusalem. Il est vrai que la décision de diviser la ville a conféré un caractère particulier à Jérusalem en tant que ville à caractère religieux qui porte l’identité des trois religions monothéistes (islam, christianisme et judaïsme). Mais Israël n’a pas respecté la résolution, comme les autres résolutions internationales d’ailleurs, et a continué à attaquer les lieux saints islamiques et chrétiens et à judaïser systématiquement la ville par la force. Et ce, malgré le statut de la ville de Jérusalem depuis la décision de partage et qui jusqu’à présent penche pour les Arabes en tant que majorité démographique, en plus de la sensibilité des musulmans et des chrétiens envers leurs lieux sacrés dans la ville. Une question qui ne concerne pas seulement les Palestiniens et les Arabes, mais aussi les musulmans et les chrétiens du monde entier. Malgré la complexité de ce dossier d’un point de vue religieux, un règlement juste lui a été trouvé, à savoir : le droit des Palestiniens à Jérusalem-Est. Un droit historique que l’Egypte défend constamment.
Donc, le conflit israélo-palestinien, depuis ses débuts, n’appartient pas seulement aux Israéliens et aux Palestiniens. L’Egypte et de nombreuses puissances arabes reconnaissent qu’il n’y a pas de véritable partenaire pour la paix en Israël, et que la position palestinienne soutenue par les Arabes n’excède pas ce qui est convenu aux niveaux arabe et international, à savoir : un Etat palestinien possédant des frontières et une capitale, que ce soit dans le cadre de la solution des deux Etats selon les références internationales ou même en vertu de la solution d’un seul Etat que Mahmoud Abbas dit acceptable s’il y a des garanties qui protègent les droits des Palestiniens. Mais Israël refuse le principe d’un règlement en soi. Cependant, l’Egypte poursuit ses efforts, partant du principe que la cause palestinienne est une cause juste et de son rôle historique dans la cause palestinienne et dans la région. Le Caire s’investit pour faire de la cause palestinienne sa cause et la cause centrale des Arabes, peu importe le temps que cela nécessitera.
*Expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram
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