Bachar Al-Assad pourra assister au prochain sommet arabe « s’il le souhaite », a précisé le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit
Ce siège vide depuis une douzaine d’années pourrait très bientôt être occupé à nouveau par Bachar Al-Assad. La Ligue arabe, réunie dimanche 7 mai au niveau des chefs de la diplomatie, a décidé de réintégrer la Syrie dans le giron arabe. Un communiqué publié à l’issue de la réunion précise que la Syrie pourrait, à partir du 7 mai, « reprendre la participation aux réunions du Conseil de la Ligue arabe, ainsi qu’à toutes les organisations et agences qui lui sont affiliées ». La déclaration de la Ligue arabe intervient dix jours avant un sommet arabe qui se tiendra en Arabie saoudite le 19 mai et Assad pourra y assister « s’il le souhaite », a précisé le secrétaire général de la Ligue, Ahmad Aboul-Gheit.
Sans la moindre objection ou réserve, la ré-inclusion de la Syrie, mise sur le banc par ses confrères arabes en 2011 sur fond de « répression brutale » des manifestants, a été approuvée par consensus.
L’Arabie saoudite, qui avait initié la rupture, a pris à son compte depuis quelques mois le réchauffement des relations avec Damas, peu après son accord de réconciliation avec l’Iran. Deux réunions, l’une à Djeddah mi-avril, l’autre à Amman début mai, avaient permis de convaincre même les plus réticents, à l’instar du Koweït et du Qatar, d’exaucer le souhait de Riyad. Motivés sont-ils par une volonté que « les pays arabes prennent en charge le règlement de leurs problèmes », a précisé Sameh Choukri, chef de la diplomatie égyptienne et président de la rencontre.
L’Arabie saoudite espère tenir le prochain sommet sur une note positive qui marque son empreinte dans la diplomatie dans la région, selon les observateurs. « Il y a un fort désir (en Arabie saoudite) pour que ce sommet marque en pompe le retour de la Syrie aux côtés d’autres dossiers », a déclaré un diplomate au Caire. Il estime que les Saoudiens pourraient offrir encore une nouvelle approche sur le dossier palestinien.
Approche graduelle
Pour l’instant, l’approche arabe envers la Syrie sera « graduelle » selon la décision des ministres arabes. Le « pas à pas » guidera leur démarche. Ainsi, ils attendent de Damas de tenir les engagements approuvés lors de la rencontre d’Amman sur le statut des réfugiés syriens et le trafic de drogue.
La formation d’un comité ministériel dit 5+1, regroupant l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, l’Iraq et le Liban, en plus du secrétaire général de la Ligue arabe, a ainsi été établie sur proposition de la Jordanie et servira de mécanisme de surveillance pour la mise en oeuvre de ses engagements. « Une approche différente envers Damas était nécessaire et les pays arabes ont demandé quelques mesures positives d’Assad envers l’opposition, mais il était très réticent », a déclaré un haut diplomate arabe qui a servi en Syrie. Selon lui, c’est pourquoi certains pays arabes s’opposaient au réchauffement des relations avec la Syrie. Certains d’entre eux avaient en effet soutenu les rebelles contre le pouvoir.
En tout cas, les pays arabes ne sont en aucun cas contraints à normaliser leurs relations avec Damas. « C’est une décision souveraine qui incombe à chaque Etat individuellement », a précisé Aboul-Gheit. Le Qatar a été le premier à l’annoncer : le froid sera maintenu avec le régime syrien.
Selon le diplomate arabe, les ministres des pays arabes ne cachent pas leur volonté de voir Assad « prendre des mesures pratiques et efficaces en vue d’une solution à la crise, même s’ils voient leur récente décision indépendamment d’un tel développement ». « Cela ne signifie pas que la crise en Syrie a été résolue, au contraire », a dit le chef de la Ligue arabe. « Mais cela permet aux Etats arabes, pour la première fois depuis des années, de communiquer avec le gouvernement syrien pour discuter de tous les problèmes ».
Ce qui compte d’abord est de « préserver la souveraineté, l’unité territoriale, la stabilité et l’intégrité régionale de la Syrie », dit la déclaration. Damas mise pourtant sur une pleine normalisation avec les pays arabes, notamment les riches monarchies du Golfe, pour financer la reconstruction du pays aux infrastructures ravagées par les conflits et par les sanctions internationales.
L’opposition syrienne a bien sûr très mal reçu la décision, estimant que « les Arabes ont mis leur propre realpolitik cynique et leurs agendas diplomatiques au-dessus de l’humanité », dit Laila Kiki, directrice exécutive de la Syria Campaign dans des déclarations à AP. Selon elle, cette décision a « cruellement trahi des dizaines de milliers de victimes des crimes de guerre du régime ».
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