A en croire son visage enfantin et son sourire juvénile, peu de personnes peuvent savoir qu’ils ont affaire à une militante de haut calibre. Un petit bout de femme qui respire la paix et l’art révolutionnaire répond au nom de Nancy Momany. « Heureux qui communique » est un adage qui l’accompagne depuis ses débuts dans la vie associative, voire depuis sa tendre enfance. Comités, conférences, manifestations, pétitions et rapports sont des termes qui font partie de son jargon de tous les jours. Son militantisme est tel que la jeune femme ne se souvient plus exactement du nombre de pays qu’elle a visités dans son combat pour la paix. « Il faut que je refasse le compte à chaque fois que j’y pense », avoue-t-elle, timidement.
« Je me suis spécialisée en administration publique à l’Université de Jordanie. J’ai commencé à m’intéresser au volontariat et aux manifestations sociales depuis le début des années 2000. A l’époque, j’étudiais encore et je suivais à la loupe l’actualité socioculturelle de ma Jordanie natale. Ensuite, j’ai rejoint l’association des lauréats de mon université dans l’optique de donner naissance aux projets sociopolitiques que nous préparions en théorie. Ce fut un travail de longue haleine qui est sorti des limbes avec la naissance du Forum national pour la jeunesse et pour la culture. Lors de la première édition, nous avons pu collecter quelques soixante-dizaine de jeunes en provenance de toute la Jordanie. J’en étais la vice-présidente, cela date de 2006 », se souvient-elle, avant de poursuivre en toute modestie : « J’ai, par la suite, donné naissance à une initiative qui m’a toujours tenu à coeur, à savoir le dialogue interreligieux. J’ai, donc, été nommée à l’unanimité par mes coéquipiers, présidente et membre fondateur de l’URI (United Religions Initiative) ».
Il faut dire que la région MENA est le principal moteur du dialogue interreligieux. Et ce n’est pas Nancy qui dira l’opposé : « Contrairement aux apparences, ce n’est pas l’Occident qui est au coeur du dialogue interreligieux de par le globe. La région MENA grouille de différends interreligieux. Les innombrables pourparlers dans la région en sont la preuve ». En effet, en tête du peloton des différends de la zone arrive le sectarisme qui est une réalité au Liban, en Iraq et dorénavant à Bahreïn. « Nous sommes en train de redoubler nos efforts pour que cela ne contamine pas la quasi-totalité des pays arabes », précise-t-elle. Et d’ajouter : « J’ai commencé à m’intéresser au champ du dialogue interreligieux en tant que bénévole quand j’étais à l’université. Chemin faisant, j’en ai fait ma raison d’exister. Je suis restée au stade du bénévolat jusqu’en 2012. Aujourd’hui, je suis devenue un membre actif au sein du réseau Anna Lindh pour le dialogue des civilisations et des religions. Fondation dont je maîtrise les rouages depuis bien des années. J’ai aussi été vice-présidente du Forum national pour la sensibilisation et le développement, et ce, entre 2006 et 2012 ».
Certainement, le parcours de Nancy Momany n’a rien à envier à celui des plus grandes diplomates de par le monde. Selon ses termes, construire les ponts de l’amour et de la compréhension mutuelle entre les nations ne passera jamais par la langue de bois. La xylolalie s’assimile à un moulin à paroles sans but à escompter. « Tendre la main à l’Autre est une action et non une belle phrase. Voir en l’Autre son prochain, boycotter les médias de la haine qui ne font qu’enfoncer le couteau dans la plaie — faute de pouvoir les éradiquer — tel est le modus operandi du dialogue interreligieux », s’enhardit-elle à expliquer.
Effectivement, les actes finissent toujours par l’emporter sur les beaux discours longuement applaudis et vénérés. « Nous devrions minimiser, voire narguer nos différences ethniques et religieuses. Glorifier nos similitudes, c’est déjà apprécier ces fourmillantes choses qui nous unissent, à l’instar des belles réalisations que l’espèce humaine ait déjà commises », continue-t-elle, non sans engouement.
« Présentement, je travaille au sein de la fondation Handicap International. La cause des personnes à besoins spécifiques me tient également à coeur. Sillonner le Liban, la Jordanie, voire d’autres pays avoisinants dans le but d’assister ces personnes qui n’ont pas la même flexibilité corporelle que nous. Voici mon occupation du moment. Je le fais bénévolement. Cet état de choses s’inscrit, aussi, dans l’interminable liste des inégalités entre les peuples. Il y en a même qui oublient que bon nombre de personnes à besoins spécifiques ont des capacités intellectuelles qui nous dépassent de plusieurs années lumières. Quoi que les médias disent sur les campagnes de sensibilisation à cet égard, il reste beaucoup à faire pour boucler la boucle », témoigne-t-elle.
Heureusement, la jeunesse jordanienne est suffisamment active dans ce sens. « Les médias sociaux tels que Facebook et Twitter sont vitaux pour les efforts de la société civile. Il s’agit d’un véritable tremplin dans ce sens. Il ne faut absolument pas minimiser l’importance des campagnes digitales de sensibilisation ».
Ce qu’il faudrait ajouter, c’est l’utilisation de l’outil digital dans les autres secteurs vitaux de la vie, à savoir l’éducation des masses, la crise du chômage et ainsi de suite. Il s’agit, ici, de droits fondamentaux inhérents à la dignité humaine. La jeunesse, qu’elle soit jordanienne ou en provenance d’ailleurs, a seulement besoin d’un déclic, d’un élément déclencheur qui lui servira de pouvoir en main. De nos jours, il est même devenu normal de voir des jeunes occuper des postes de décision à la trentaine sonnée, explique l’activiste. Et d’ajouter : « Pourvu que cela se propage dans la sphère sociopolitique. Ce qui était un rêve il y a une décennie est devenu une réalité grâce aux médias sociaux de nos jours ». De même, il faudrait également mentionner les aléas de la chose …
En effet, l’heure est également aux violations des droits de l’homme par le biais des médias sociaux. Le lynchage de la vie privée de telle ou telle personnalité publique est devenu monnaie courante. La sensibilisation se fait attendre sur ce point précis. Pour Nancy, en Egypte, il y a eu une espèce d’éveil national, galvanisé par l’art révolutionnaire et, selon ses dires, « cela se félicite et doit continuer ! ».
« J’étais l’une de ces personnes à supporter l’art révolutionnaire qui a porté ses premiers fruits il y a deux ans de cela. Quoi que l’on dise sur le Printemps arabe, je suis de ces personnes qui en touchent, du bout des doigts, les points positifs, que ce soit en Tunisie, en Egypte, en Syrie, en Libye ou au Yémen », renchérit-elle. Aujourd’hui, les jeunes n’ont plus peur de s’opposer aux décisions étatiques et c’est déjà quelque chose. Comme quoi, la jeunesse est une force en elle-même. « C’est ainsi, à mon sens, que les guerres civiles peuvent être évitées. La paix passe par l’art et par l’apolitisation de ce dernier et je pense ici à l’Egypte et à la Syrie », entrevoit-elle.
Mais il reste un tas de choses à mettre en action. Il faudrait, d’abord, unifier les voix des peuples, quitte à relancer les élections biaisées autant que les citoyens respirent. La liberté coûte cher et la démocratie est un chemin qui ressemble à un labyrinthe. Ceci est inhérent à toutes les révolutions de l’Histoire.
Cependant, les tohu-bohu médiatiques qui ont eu lieu en Jordanie en 2011 ne peuvent pas être qualifiés de révolution. Certains médias internationaux sont même allés jusqu’à qualifier ces manifestations de « révolution avortée », alors qu’il s’agit de citoyens qui revendiquaient un peu plus de dignité humaine, sans pour autant vouloir renverser le régime. Certains y ont songé, mais leur nombre est minime. En gros, les revendications les plus récurrentes s’intéressent à la cherté de la vie, au chômage dont les chiffres grimpent d’année en année.
« Quant à ma petite personne, je continue de croire dur comme fer en la magie des médias sociaux, le rôle de sensibilisation qu’ils réussissent avec brio. De plus, je reste sans mots quant à leur accessibilité et leur pouvoir de véhiculer les messages sociopolitiques les plus vitaux et les plus courageux. D’ailleurs, l’art révolutionnaire a vu le jour grâce à cet outil communicatif », conclut-elle. L’art, ce pouvoir magique qui ne différencie pas le juif du musulman, ni du chrétien ou de l’athée. Tous ces humains s’unissent dans l’unique but de chanter, dessiner ou sculpter leurs joies, leurs peines et espérances.
Jalons :
2000 : Elle entame son combat pour le dialogue interreligieux.
2006 : Elle chapeaute plusieurs projets relatifs à la paix dans le monde.
2011 : Elle sensibilise la jeunesse jordanienne quant à l’importance du dialogue interreligieux en temps de crise.
2012 : Elle prône le développement de la jeunesse jordanienne à travers une série de comités.
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