L’histoire contemporaine de l’Egypte dévoile un phénomène important qui mérite notre réflexion si nous voulons bâtir une nation démocratique solide. Dans chaque société, les citoyens sont organisés dans des institutions professionnelles, religieuses ou politiques. A l’instar des institutions professionnelles, citons les ouvriers d’une même usine, les professeurs d’université, la police ou l’armée. Quant aux institutions religieuses, elles représentent l’ensemble des fidèles qui fréquentent une mosquée ou une église, ou les partisans d’un courant religieux comme la confrérie des Frères musulmans, le salafisme ou le soufisme. Les institutions politiques sont le rassemblement d’un ensemble d’idées ou d’orientations socioéconomiques autour desquelles se retrouvent les citoyens de tous les secteurs et de toutes les classes sociales et les religions.
L’histoire contemporaine de l’Egypte a connu deux institutions importantes, l’armée et la confrérie des Frères musulmans. L’armée est une institution professionnelle, dont l’objectif est de préserver la sécurité de la nation. Il s’agit également d’une institution basée sur la discipline et l’exécution des ordres. Quant à la confrérie des Frères musulmans, elle est censée être une institution religieuse, dont la mission est de répandre l’islam et d’ancrer ses principes parmi les musulmans d’Egypte. Elle ressemble à l’armée du fait qu’elle est basée sur l’obéissance et l’exécution des ordres du guide spirituel et du bureau de guidance. Les deux institutions les plus fortes de la société égyptienne sont donc l’armée et la confrérie des Frères musulmans. Ce qui signifie qu’il n’existe pas d’institution politique forte en Egypte. Ces deux institutions se basent sur la discipline et l’obéissance. Cependant, selon les règles de la société démocratique contemporaine que l’Egypte espère devenir, ni l’institution professionnelle de l’armée, ni l’institution religieuse des Frères musulmans ne doivent jouer un rôle politique dans la gestion de l’Egypte, l’Etat contemporain démocratique puissant, car l’Egypte ne peut accepter ni un pouvoir militaire, ni un pouvoir religieux. Cependant, nous avons vécu une période où l’armée a dirigé le pays à la suite de la révolution du 25 janvier 2011, suivie d’une année de pouvoir de l’institution religieuse des Frères musulmans. Dans ce contexte, plusieurs questions s’imposent : Où sont les organisations politiques égyptiennes capables d’attirer des millions de citoyens afin de pousser l’Egypte vers l’avant ?
La révolution des jeunes du 25 janvier réclamait le pain, la liberté et la justice sociale. Elle n’avait pas de leader. Jusqu’à présent, aucune direction, ni organisation partisane politique n’a réussi à traduire les réclamations du peuple en un programme qui pose les fondements du développement de l’Egypte pour devenir une société développée assurant des offres d’emploi pour les jeunes et pour les grands, une société productrice puissante à l’intérieur comme à l’étranger. Deux années se sont écoulées depuis le 25 janvier dans une tentative des Frères musulmans de voler la révolution égyptienne dans l’objectif d’introduire l’Egypte dans le projet de la khélafa islamique sous la direction des nouveaux Ottomans de Turquie et de leurs alliés américains. Heureusement, la révolution du 30 juin s’est déclenchée avec le soutien de l’armée pour corriger la voie de la révolution du 25 janvier. Cependant, la carte politique égyptienne n’a pas changé. On n’y trouve que l’institution puissante et nationale de l’armée et l’institution religieuse puissante des Frères musulmans, mais qui se trouve désormais sous l’emprise de l’Etat afin d’effacer toutes les séquelles d’une année de leur pouvoir.
En parlant de l’avenir politique de l’Egypte, nous n’entendons actuellement parler que des noms passagers de candidats à la présidentielle comme s’il s’agissait d’un poste vacant qui nécessite une personne de confiance pour l’occuper, comme s’il ne s’agissait pas de l’avenir d’une nation. Avons-nous oublié que nous avons élu l’année dernière un président qui nous a promis un projet de renaissance sans qu’il nous présente son projet, et que nous avons ensuite découvert après son élection qu’il n’y a ni projet, ni renaissance, mais que son intention était d’exécuter le projet de la khélafa islamique ? L’année dernière, nous avons élu un individu ne possédant aucun programme clair. Allons-nous choisir maintenant un président sans une institution politique nationale qui traduise les espoirs du peuple : le pain, la liberté et la justice sociale, en un programme clair et évident pour les milliers de citoyens ?
Depuis la Révolution de 1952, Nasser, Sadate et Moubarak ont tenté de former l’institution politique égyptienne désirée. C’est ainsi que Nasser a échoué à former l’organisme de la liberté ou le parti socialiste. Quant à Moubarak, il a réussi à fonder le Parti national car il a été malheureusement formé selon le principe du parti des profiteurs du régime de Moubarak et de sa famille. Les autres partis sont encore fragiles, ils ne se sont pas renforcés par les deux révolutions. Où est l’institution politique nationale puissante capable d’attirer les milliers de révolutionnaires du 25 janvier et du 30 juin ? Est-il possible de fonder une institution politique puissante, large et globale qui exprime les espoirs et les objectifs de la révolution du peuple, qui ne se base pas sur le principe de l’obéissance et qui ne devienne pas comme le parti national, une association des profitants du nouveau régime ? Est-il possible d’élargir le slogan du pain, de la liberté et de la justice sociale pour devenir un programme ayant des objectifs déterminés et des procédés d’exécution précis ?
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