Réalisée par billy wilder, la comédie romantique américaine The Seven Year Itch (la crise des sept ans) est sortie dans les salles en 1955. D’après la pièce en trois actes de George Axelrod, le film mettait en vedette Marilyn Monroe et Tom Ewell ; il était d’ailleurs coécrit par Wilder et Axelrod. Le titre était en référence à une croyance populaire, qui a été ensuite reprise par les psychologues, selon laquelle le bonheur dans un mariage ou une relation amoureuse à long terme diminue après environ sept ans. Partant de cette même idée, le feuilleton Al-Harcha Al-Sabéa (la crise des sept ans) retrace la vie d’un couple (interprété par Amina Khalil et Mohamad Chahine) depuis la première année de leur mariage jusqu’à la septième où tout s’effondre.
Le scénario de la série, réalisée par Karim Al-Chennawi, est le fruit d’un atelier d’écriture supervisé par Mariam Naoum. Par ailleurs, la série Mozakérat Zoug (journal d’un époux) est une adaptation d’un ouvrage éponyme de l’écrivain satirique Ahmad Bahgat (1932-2011). Ce livre regroupait une série d’articles satiriques écrits vers la fin des années 1960, et leur compilation remonte aux années 1980. Le livre de Bahgat a été d’abord adapté à la radio, avec comme héros principal Amin Al-Héneidi, puis en feuilleton télévisé en 1990, avec Mahmoud Yassine et Fardous Abdel-Hamid. Donc, cette nouvelle version de 2023 est une réadaptation de Mohamad Soliman Abdel-Malek. Elle est réalisée par Tamer Nady.
Les deux feuilletons, projetés actuellement et traitant de la vie de couple, reflètent brillamment les problèmes conjugaux de nos jours. En fait, ils touchent notamment aux couples qui sont nés dans les années 1970-80, c’est-à-dire ceux qui dépassent aujourd’hui la quarantaine et la cinquantaine. Dans les deux cas, il s’agit de la bourgeoisie cairote d’aujourd’hui ou de la classe au-dessus de la moyenne. Les couples en question sont assez cultivés, ont profité d’une bonne éducation, sont issus de bonnes familles et ont de belles carrières. On est témoin alors des débuts de leurs histoires d’amour, évoqués parfois en flash-back, puis on passe aux séquences qui traduisent les fardeaux de la vie quotidienne, les problèmes, le divorce ou la séparation.
Mozakérat Zoug (journal d’un époux).
Réalité, rêve, humour
Dans Al-Harcha Al-Sabéa, l’équipe de scénaristes met à nu les crises des couples, surtout après la naissance des enfants. Le feuilleton évoque avec sincérité la dépression post-partum d’une mère qui n’arrive même pas à prendre sa douche ! Les hauts et les bas se poursuivent, la routine s’installe, la jalousie aussi, et l’amour commence à faner.
Le réalisateur Karim Al-Chennawi a opté pour les confrontations au sein des couples, d’où des face-à-face très intenses. La plupart des scènes entre Nadine (Amina Khalil) et Adam (Mohamad Chahine), mais aussi entre les couples secondaires : le beau-père et la belle-mère qui se séparent au bout de 30 ans de mariage, les amis Salma et Chérif (interprétés par Asmaa Galal et Ali Qassem) reflètent vraiment la divergence des points de vue ou l’absence totale de la communication. Chacun est filmé par un zoom out : la femme cache ses émotions, l’homme perd son tempérament et se met à pleurer dans la rue. Et lorsqu’il s’agit du vieux couple, divorcé après 30 ans, souvent l’un d’entre eux occupe le premier plan et l’autre est légué à l’arrière-plan. Il y a toujours une sorte d’opposition, alors que Chérif et Salma sont quasiment emprisonnés dans des cadres restreints. Les images et les cadres sont subtils et très symboliques, laissant prévoir une grande séparation.
Les événements de Mozakérat Zoug (journal d’un époux) surviennent à un rythme plus rapide. Dès le premier épisode, on est marqué par l’humour noir du scénario. Raouf, un aiguilleur de l’air, souffre de la monotonie de la vie avec une femme très stricte sur tous les détails. Pendant la nuit, il rêve de la tuer.
Deux nouveaux personnages sont venus s’incruster dans le scénario, semant beaucoup de rires, à savoir le life coach et psychologue Taha Ayad (interprété par Khaled Al-Sawi) et sa partenaire, également life coach, qui s’intéresse à l’astrologie et aux sciences de l’énergie, Naguiba. Ces deux derniers offrent des consultations en ligne pour les couples en difficulté et mènent eux-mêmes un style de vie atypique, pour échapper à la routine.
Séparé de sa femme, Raouf, l’aiguilleur de l’air, part à la recherche de sa liberté. Il rencontre un nouvel amour, il ne veut guère se remarier, mais cherche plutôt à rattraper le temps perdu. Le dévasement ressenti après le divorce chez les deux partenaires Chérine et Raouf constitue un vrai tournant dans leur vie. Chérine plonge dans la tristesse et le désarroi pendant quelques jours, mais reprend vite son travail, suit des cours de danse, apprend à être plus tolérante à l’égard de son entourage, tandis que Raouf perd complètement la boussole.
Chanter ses peines
Les chansons et la musique jouent un rôle essentiel dans les deux feuilletons. Les chansons des deux génériques annoncent les problèmes auxquels on va assister. La chanson Kélma (un mot), un duo chanté par Hani Al-Dakak (fondateur du groupe Massar Egbari), et Boustan Magdi, est douce et mélodieuse.
Dans Al-Harcha Al-Sabéa, les chansons enrichissent également le déroulement dramatique et viennent illustrer les sentiments compliqués de part et d’autre. Citons par exemple les duos Donia Waël et Al-Waily dans Bikia et Al-Qahéra dans les premier et deuxième épisodes, Sokkar (sucre) par Yuma (Tunisie) dans le troisième épisode, Leh Beteddayeq ? (pourquoi est-on triste ?) dans le quatrième, Haky Ma Enqal (parole n’est jamais dite) par Rand (Liban) au sixième épisode et Law (si) de Samar Tareq et Al-Waily. S’ajoute à cela la bande sonore mélancolique de Khaled Al-Kamar où les violons et le fredonnement de Nouran Abou-Taleb dominent.
La chanson du générique de Mozakéret Zoug, Min Dol ? (qui sont-ils ?) est interprétée par la star des années 1990, le compositeur et chanteur Hamid Al-Chaéri, l’idole d’une génération aujourd’hui mûre. Elle évoque l’idée d’une personne qui se sent trahie par le temps, surprise d’avoir pris de l’âge et de ne plus avoir 20 ans. La chanson est assez rythmique et gaie, et la bande sonore d’Achraf Al-Zeftawi est également radieuse et remarquable avec un arrangement basé sur l’accordéon, donnant à l’ensemble un air de nostalgie. On voit sa vie défiler devant soi et la musique réitère ce sentiment, non sans ironie.
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