Al-Ahram Hebdo : Comment voyez-vous la dynamique régionale visant à accélérer le retour de la Syrie dans le giron arabe après 12 ans d’isolement ?
Hussein Haridi : Le contexte international est en pleine évolution. Et son impact sur le Moyen-Orient a poussé les pays arabes à réévaluer le système régional arabe et travailler à résoudre les problèmes. Cette dynamique régionale, visant à briser l’isolement de la Syrie, s’inscrit dans les tentatives de rectifier une erreur stratégique commise en 2012 quand les Arabes ont décidé de suspendre l’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe et d’accorder le siège de l’Etat syrien à l’opposition syrienne. Ce qui a constitué une violation flagrante de la Charte de la Ligue arabe. Il ne faut pas oublier une autre erreur stratégique majeure concernant l’armement des groupes d’opposition en Syrie dans le but de renverser le régime. Ceci n’a pas laissé d’autre choix à Damas que de se jeter dans les bras de l’Iran. Par conséquent, l’influence iranienne en Syrie a augmenté de façon spectaculaire, provoquant d’une part des tensions dans les relations entre l’Iran et le Golfe et d’autre part dans les relations irano-arabes. L’objectif de renverser le régime en Syrie a échoué notamment après l’intervention militaire russe en septembre 2015 qui a changé la donne. Je pense que la réussite de la résistance de l’armée arabe syrienne face à toutes ces tentatives est l’un des facteurs de changement au Moyen-Orient et dans la région du Golfe. Aujourd’hui, tous ceux qui ont participé à la décision de suspendre l’adhésion de la Syrie se rendent compte que cette politique n’a pas eu les résultats escomptés.
— Quelle est la répercussion du retour de la Syrie sur les alliances régionales ?
— Quand on parle de la Syrie, on parle de l’histoire de la Syrie, de la géographie de la Syrie, de la civilisation arabo-islamique de la Syrie, et non pas du régime du président Bachar Al-Assad ou du régime du parti Baas à Damas. Cette appréciation est erronée et a porté atteinte à la sécurité nationale arabe, la sécurité de la région du Golfe, ou celle de l’Egypte, car la Syrie est la porte d’entrée orientale de la sécurité nationale égyptienne. Je pense que le retour de la Syrie apportera beaucoup d’avantages et renforcera la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient.
— Vous avez déclaré que ce retour aura un impact positif sur la question palestinienne. Pourriez-vous nous expliquer votre opinion ?
— Oui, sans doute. Israël est un pays fondé sur la propagation de la discorde entre les pays arabes, notamment entre l’Egypte et la Syrie. L’Etat hébreu sait bien que l’alliance égypto-syrienne sera le plus grand obstacle face à ses agressions et son expansion dans la région du Moyen-Orient. Par conséquent, au moment où l’Egypte et la Syrie se trouvent unies dans le même camp pour soutenir la question palestinienne, les calculs israéliens seront déstabilisés. En effet, décidant de suspendre l’adhésion de la Syrie, les Arabes n’avaient pas pris en considération les effets négatifs de cette décision sur la cause palestinienne et sur la sécurité nationale des pays du Levant.
— A votre avis, que devrait-on attendre de la Syrie pour faire réussir les initiatives arabes ?
— Pour instaurer la paix en Syrie, une coopération est indispensable entre le gouvernement syrien, l’opposition nationale et la société civile. L’avenir de la Syrie est entre les mains de ces trois parties et non entre les mains d’aucune autre puissance arabe, régionale ou internationale. La résolution n° 2254 du Conseil de sécurité de 2015 est le cadre dans lequel le gouvernement syrien, l’opposition nationale et la société civile syrienne doivent travailler pour l’avenir de la Syrie, car tout le monde est conscient que le retour de la Syrie nécessitera qu’elle ne revienne pas comme elle était avant 2011. Avant son retour, le régime syrien doit adopter de nouvelles tendances plus ouvertes, basées sur un système politique qui consacre le pluralisme politique et qui respecte les droits de l’homme et le principe de la passation pacifique du pouvoir.
— L’Arabie saoudite a annoncé qu’elle envisage d’inviter la Syrie au Sommet arabe prévu en mai prochain. Pensez-vous que les chances de retour de la Syrie dans la Ligue arabe soient grandes ?
— Nous saluons la prise de position saoudienne qui constitue un grand pas en avant. Une fois l’invitation envoyée au président Bachar Al-Assad pour participer au Sommet arabe de Riyad, cette démarche marquera une déclaration officielle de la fin de ce que j’appelle « l’automne arabe », et non le Printemps arabe, comme l’appellent certains médias. Elle sera également une annonce officielle du retour de la Syrie à son siège à la Ligue arabe.
— Comment voyez-vous l’évolution des relations égypto-syriennes après la série de visites bilatérales entre les deux pays ?
— Quand on parle de l’Egypte et de la Syrie, on parle d’une seule nation. Car les victoires des Arabes et les victoires de la civilisation arabo-islamique ont toujours eu pour base l’alliance égypto-syrienne. Toutes les défaites subies par la civilisation arabo-islamique résultaient de l’éloignement de ces deux pays. Le retour de la Syrie dans la Ligue arabe est un atout majeur pour la sécurité nationale égyptienne. Nous ne devons pas oublier que l’armée syrienne a combattu aux côtés de l’armée égyptienne lors de la guerre d’Octobre. N’oublions pas non plus que la rupture des relations diplomatiques entre l’Egypte et la Syrie a eu lieu à l’époque des Frères musulmans.
— Comment Washington voit-il l’ouverture arabe envers la Syrie ?
— Washington a annoncé son opposition à l’ouverture arabe envers la Syrie. Je pense qu’il est temps de trouver des solutions arabes aux conflits arabes. L’avis des Etats-Unis ou celui de l’Union européenne dans les affaires arabes ne devrait pas affecter la décision arabe.
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