Quelques semaines nous séparent du 32e Sommet arabe prévu pour le 19 mai en Arabie saoudite. La question, qui se répète à l’approche de chaque sommet, s’impose cette année avec force : la Syrie va-t-elle revenir au sein de la Ligue arabe après 12 ans d’isolement régional ? L’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe a été suspendue en novembre 2011, quelques mois après le début de la guerre civile. Mais depuis les deux tremblements de terre meurtriers qui ont frappé le nord-ouest du pays en février dernier, les démarches destinées à normaliser les relations entre la Syrie et les pays arabes s’accélèrent. L’Arabie saoudite, pays hôte du sommet, vient de déclarer son intention d’inviter la Syrie. Les médias saoudiens ont même annoncé que le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan, doit se rendre à Damas dans les prochaines semaines pour remettre au président syrien une invitation officielle pour participer au sommet. Ceci, au moment où Riyad et Damas préparent la réouverture de leur ambassade respective après le petit Baïram.
Intense activité diplomatique
Selon bon nombre d’observateurs, c’est le séisme du 6 février qui a provoqué le retour de la Syrie dans le giron arabe. « Visites et appels téléphoniques. Les efforts arabes d’aide humanitaire après le séisme se sont vite transformés en une intense activité diplomatique pour briser l’isolement régional de la Syrie », explique Mohamed Abdel-Razek, chercheur au Centre égyptien des études stratégiques (ECSS). Le 20 février, Bachar Al-Assad a été accueilli en grande pompe dans le Sultanat d’Oman. Il s’agissait alors de la première visite du président syrien à l’étranger après le tremblement de terre. Une semaine après, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, arrivait dans la capitale syrienne le 27 février pour transmettre un message de solidarité au président syrien. C’était la première visite d’un responsable égyptien de ce rang dans la capitale syrienne depuis une décennie. Au lendemain du séisme, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a appelé son homologue syrien, Bachar Al-Assad, pour exprimer le soutien de l’Egypte et son assistance à Damas pour faire face à la catastrophe. Depuis, le rapprochement égypto-syrien s’accélère. Le 1er avril, le ministre syrien des Affaires étrangères, Faisal Al-Meqdad, arrivait au Caire pour rencontrer son homologue, Sameh Choukri. Au cours de cette rencontre, les deux ministres ont convenu de « renforcer le dialogue » entre l’Egypte et la Syrie.
Dans le cadre de ce rapprochement progressif entre les pays arabes et la Syrie, la Tunisie a également annoncé sa volonté de rétablir les relations diplomatiques avec Damas. Le président tunisien, Kais Saïed, a donné cette semaine ses instructions pour nommer un nouvel ambassadeur à Damas. La Jordanie, elle, vient de lancer une initiative en coordination avec les Nations-Unies qui vise à « trouver une solution arabe à la crise syrienne, à réduire progressivement les sanctions imposées sur Damas et à travailler en faveur de la reconstruction et du retour des réfugiés ». Autre visite historique. Le président des Emirats arabes unis, cheikh Mohamad bin Zayed Al Nahyan, a reçu le président syrien le 20 mars. Il a déclaré qu’« il y a un consensus croissant sur le fait que le statu quo actuel ne peut durer et qu’il est temps que Damas revienne dans le giron arabe ». Pour rappel, les Emirats arabes unis étaient le premier pays arabe à rouvrir son ambassade à Damas en décembre 2018.
Un contexte régional en évolution
Pourquoi maintenant ? Selon Abdel- Razek, « la conjoncture régionale et internationale qui empêchait auparavant le retour de la Syrie semble être en train de changer ». D’un côté, la page des différends saoudo-iraniens est sur le point d’être tournée après la signature, le 10 mars 2023, d’un accord historique entre ces deux puissances régionales sous le parrainage de la Chine. D’un autre côté, la Turquie tente de rectifier ses relations avec un certain nombre de pays de la région, notamment l’Egypte, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et même la Syrie (grâce à une médiation russe). Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, était en Egypte le 17 mars 2023. Le Caire et Ankara ont annoncé leur intention de normaliser leurs relations diplomatiques au plus haut niveau. « Le système régional arabe connaît de rapides évolutions à cause de la crise ukrainienne, qui a incité les grandes puissances à nouer de nouvelles alliances. Fait qui a conduit à une redistribution des cartes dans la région », souligne Abdel-Razek.
Il ajoute : « Une nouvelle approche arabe vis-à-vis de la Syrie est en train d’être établie selon laquelle le retour de Damas au sein de la Ligue arabe est la clé de la stabilité dans la région, et le dialogue avec Damas est la meilleure alternative pour régler la crise syrienne ». Avis partagé par l’ambassadeur Hussein Haridi, ancien adjoint au ministre des Affaires étrangères, qui pense que la suspension de la Syrie de la Ligue arabe était « une erreur stratégique » qui a entraîné une augmentation des interventions étrangères dans la région.
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