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Hassan Al-Tourabi : Omar El-Béchir partira, de gré ou de force

Samar Al-Gamal, Mardi, 08 octobre 2013

Penseur islamique et ancien ministre, Hassan Al-Tourabi est l'architecte du coup d'Etat militaire qui a porté le général Omar El-Béchir au pouvoir. Aujourd'hui, il affirme que le régime est acculé et que la transition est déjà planifiée.

Hassan Al-Tourabi
Hassan Al-Tourabi

Al-Ahram Hebdo : Qui sont les manifestants opposés au régime de Béchir?

Hassan Al-Tourabi : Dans les révolutions, les manifestations commencent toujours de façon spontanée. Quand je posais la question aux Egyptiens après la révolution, ou même aux Tunisiens, ils me disaient que personne ne s’y attendait. Ce qui se passe au Soudan est similaire à ce qui s’est passé en Tunisie. C’est une révolution nationaliste, comme en Egypte. Ces choses arrivent soudainement quand on porte atteinte aux libertés, quand l’oppression touche le citoyen en personne et que les conditions économiques affectent tout un chacun.

Les étudiants et les travailleurs non déclarés sont tous sortis le premier jour pour exprimer leur colère. C’était à la périphérie de Khartoum. Les manifestations ont été réprimées de manière dure et brutale. Aux deuxième et troisième jours, les manifestations ont atteint la capitale et les milieux intellectuels comme la classe la plus aisée. Le discours a alors été politisé pour dépasser les coupures des subventions sur les carburants et la hausse des prix. La colère dans les régions opprimées a dégénéré. Puis sont entrées en jeu les forces politiques, non pas pour exploiter l’occasion, mais parce que depuis longtemps elles travaillent pour renverser le régime. Les partis politiques sont très importants parce que le Soudan est un pays armé et que les choses risquent de mal tourner. Toujours, après les révolutions, éclatent les demandes refoulées. La mission des partis consiste à éviter un chaos durant la transition, chaos qui peut complètement déchirer le Soudan.

Des protestations ont également éclaté l’année dernière contre la corruption et la hausse des prix, mais le régime est resté en place. En quoi la situation diffère-t-elle aujourd’hui?

Le régime a beaucoup étudié ce qui s’est passé ailleurs et a fait ce qu’aucun autre régime soudanais n’avait fait en dépensant énormément dans les services de sécurité et sur la formation de la police. La dernière fois, il n’avait pas arrêté beaucoup de personnes. Mais aujourd’hui, les arrestations se font dans l’ensemble du pays. Beaucoup ont été tués et des massacres ont été commis à Khartoum et ailleurs. La crise économique est plus vive et la guerre à l’ouest s’intensifie, elle atteint le Kordofan et s’approche de Khartoum. La révolte est plus large, le régime commence à faiblir.

Qu’est-ce qui vous pousse à croire que Béchir acceptera de partir?

Nous savons que les révolutions dans le monde, et pas seulement au Soudan, sont suivies par un chaos. Donc, nous lui disons que nous préférons qu’il parte volontairement, au moins pour éviter ce qui a été fait au Darfour : meurtres, arrestations, corruption et monopole du pouvoir. Un pardon et des excuses sont nécessaires, comme en Afrique du Sud. Nous savons, certes, qu’il y a peu de chance qu’un tyran accepte de quitter le pouvoir. Il perçoit tout ce qui se passe comme un sabotage et donc la rue doit faire pression. Il partira de gré ou de force

Qui pourrait trancher la situation ? L’armée?

La première fois que l’armée a pris le parti de la révolution c’était en 1964. Et elle n’est pas intervenue dans la période de transition. La deuxième fois, elle a dirigé un conseil laissant un gouvernement transitoire géré le pays pour un an. Il est très probable que l’armée se révolte contre Béchir. Je ne dis pas que l’armée s’abstiendra complètement de toute ingérence, mais je crois qu’elle ne veut pas tuer son peuple pour des projets en échec. Les Soudanais ont connu à trois reprises un régime militaire depuis l’indépendance et ne veulent plus d’une armée pour régner.

Quel est le scénario pour la période post-Béchir?

Nous nous sommes entendus sur des règles constitutionnelles transitoires. Nous parlerons de liberté et de justice pour les choses urgentes, puis nous organiserons des élections pour une assemblée constituante. Certains parlent d’un Etat civil, libéral, occidental ou islamique, à nature arabe ou africaine ... nous allons laisser ces choses être décidées par des élections. Nous nous sommes juste accordés sur les règles transitoires.

Et qui gérera cette transition?

Un conseil présidentiel honorifique qui dirigera un Conseil des ministres avec un autre conseil plus large qui représentera le pouvoir législatif temporaire pour répondre aux questions pressantes. Dans chaque Etat, en raison de notre système fédéral, se formera des plus petits conseils et puis nous discuterons du contenu de la Constitution.

Qui nommera ces conseils présidentiel et ministériel et combien de temps durera la de transition?

Toutes les forces politiques se rencontrent et s’entendent sur des noms. La transition doit durer environ 30 mois, pour rédiger la Constitution, qui sera soumise au référendum. Nous nous sommes entendus sur la plupart des textes, mais la rédaction et la signature ne sont pas encore atteintes. Des consultations sont en cours.

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