Les images des fleuves asséchés du Tigre et de l’Euphrate au sud de l’Iraq sont devenues communes à tel point que l’on peut voir le lit des fleuves et les pylônes des ponts enjambant les cours d’eau. L’Iraq a perdu près de 70 % de ses ressources hydriques à cause des politiques de ses voisins en amont des fleuves. Après 2003, l’Iraq a été victime d’une autre guerre qui a visé ses ressources hydriques. Ses voisins, la Turquie et l’Iran, ont exploité le chaos qui régnait en Iraq pour se dérober à leurs engagements et violer la Convention de New York de 1997 sur l’utilisation des cours d’eau internationaux. Téhéran et Ankara ont commencé à mettre en place des mégaprojets hydriques sur le cours du Tigre et de l’Euphrate sans se soucier des intérêts de leur voisin iraqien. Alors que les débits des deux fleuves en provenance de la Turquie se chiffraient à 630 m3/s, ils atteignent à peine 500 m3/s depuis 2004, soit 20 % de la part légale de l’Iraq à cause notamment des projets hydriques turcs comme le barrage d’Ilisu, construit en amont du Tigre, dont la construction a débuté en 2006 et qui a commencé à fonctionner à pleine capacité en 2020, ainsi que d’autres barrages construits sur des affluents plus petits. Quant à l’Iran, il a rempli après 2003 le réservoir du barrage de Karkha. Ce qui a réduit de 90 % l’approvisionnement de la rivière Karkha en territoire iraqien. Bien plus, il a délibérément modifié le cours de plus de 42 grands fleuves et cours d’eau saisonniers et les a renvoyés à l’intérieur des frontières iraniennes pour les empêcher d’atteindre l’Iraq. Il s’agit notamment des rivières Karun et Sirwan. Ainsi, l’Iraq ne reçoit dans cette région que 12 % de sa part légale.
Le phénomène a été aggravé par les mauvaises pratiques d’irrigation avec notamment une exploitation à outrance de l’eau des fleuves, le ministère de l’Irrigation accusant les agriculteurs de ne pas respecter les espaces réservés par les autorités aux cultures.
Face à la pénurie, l’Iraq se trouve obligé de rationnaliser l’eau en fonction des besoins : irrigation agricole, eau potable et irrigation des marais. Le secteur agricole consomme la plus grande partie de l’eau, soit plus de 95 % des ressources hydriques du pays, en raison de l’utilisation d’anciennes méthodes d’irrigation. 65 à 80 % des terres agricoles iraqiennes, soit environ 48 millions de dunums, seront hors service d’ici 2030. Dans ce contexte, la Banque mondiale a appelé l’Iraq à « moderniser son irrigation », mais aussi à « réhabiliter et à mettre à jour les barrages », mettant l’accent sur la nécessité d’« améliorer la distribution de l’eau » et d’« adopter et d’augmenter le recours à l’agriculture intelligente face aux problèmes du climat ».
Changement climatique
Mais ce n’est pas tout. Selon les rapports de l’Onu, l’Iraq est le 5e pays du monde le plus touché par les changements climatiques avec des températures frôlant les 50°C, une baisse sans précédent des précipitations, des années de sécheresse qui s’enchaînent, ainsi qu’une désertification croissante. D’ici 2050, « une hausse de la température d’un degré Celsius et une baisse des précipitations de 10 % causeraient une baisse de 20 % de l’eau douce disponible en Iraq », prévenait la Banque mondiale fin 2021. Des phénomènes qui pèsent déjà lourd sur la vie de la population. Selon un rapport publié en août dernier par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), « la migration climatique est déjà une réalité en Iraq ». Plus de 3 300 familles auraient été déplacées à la fin mars 2022 dans 10 provinces du centre et du sud du pays à cause des conditions climatiques difficiles.
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