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Ahmed Sayed Ahmed : La montée en puissance de la Chine ne signifie pas une baisse de l’influence américaine

Ola Hamdi , Mercredi, 15 mars 2023

Dr Ahmed Sayed Ahmed, expert en relations internationales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, revient sur le rôle de la Chine dans l’accord de reprise des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Ahmed Sayed Ahmed

Al-Ahram Hebdo : Comment voyezvous le succès de la médiation chinoise en vue de rétablir les relations diplomatiques rompues depuis 2016 entre l’Arabie saoudite et l’Iran ?

Dr Ahmed Sayed Ahmed : La Chine a joué un rôle important dans la reprise des relations entre Riyad et Téhéran. Avant d’aboutir à la réconciliation, 6 rounds de dialogue ont eu lieu entre les deux pays en Iraq et au Sultanat d’Oman. La réussite de la médiation est due à plusieurs raisons : la Chine entretient d’excellentes relations stratégiques avec les deux pays. La Chine et l’Iran ont signé en 2021 un accord de coopération stratégique et commerciale pour une durée de 25 ans. De même, il existe des relations solides entre la Chine et l’Arabie saoudite, comme on l’a vu lors du Sommet arabo-chinois de Riyad en décembre dernier. Partant, les relations économiques fortes de la Chine avec les deux parties ont permis d’accélérer le processus de réconciliation. Par ailleurs, les crises mondiales et la polarisation entre les grandes puissances ont poussé la région arabe à redessiner sa politique étrangère et à travailler en vue d’aplanir les problèmes, afin de relever ces défis. Car la poursuite des tensions et des conflits signifie l’épuisement des capacités.

— La conclusion de cet accord peutelle renforcer les intérêts chinois dans la région ?

— Bien sûr, cet accord contribue au renforcement des intérêts chinois, qu’ils soient économiques ou stratégiques, dans la région. Sur le plan économique, il existe de fortes relations économiques entre la Chine et l’Iran, ainsi qu’avec l’Arabie saoudite et les pays du Golfe. La Chine dépend du pétrole iranien et saoudien. Les marchés iraniens et ceux du Golfe sont d’une grande importance pour les produits chinois. D’ailleurs, il existe d’énormes investissements chinois dans le cadre de l’initiative de la Route de la soie à laquelle participent l’Iran, les pays du Golfe et l’Arabie saoudite. Il est donc dans l’intérêt de la Chine de mettre fin à la tension entre l’Arabie saoudite et l’Iran, car cela renforce ses intérêts économiques et stratégiques dans la région du Moyen- Orient, dans le contexte de la polarisation internationale, surtout la concurrence avec les Etats-Unis. Cet accord reflète la volonté de la Chine de jouer un rôle positif dans la région et de construire des partenariats équilibrés avec les deux parties.

— Comment la région peut-elle profiter de cette montée en puissance de la Chine ?

— La montée en puissance de la Chine est d’une grande importance, car la Chine évolue économiquement et politiquement dans l’ordre mondial. Elle représente actuellement le plus gros budget de dépenses militaires après les Etats-Unis. Elle a des relations enchevêtrées dans tous les continents. Je crois que cette émergence profitera à la région arabe à travers la diversification des cercles de politique étrangère arabe et la formation de partenariats économiques. Je pense que les pays du Golfe, l’Egypte et les pays de la région ont oeuvré pour adopter une politique de neutralité positive, afin d’établir des partenariats avec toutes les parties sans s’aligner sur une partie aux dépens de l’autre. L’objectif est de renforcer les intérêts économiques et stratégiques des pays de la région, d’autant plus que l’importance stratégique de la région du Moyen-Orient a récemment crû, notamment après la guerre russo-ukrainienne.

— Quel impact sur l’influence américaine dans la région ?

— La Maison Blanche a annoncé qu’elle était au courant des négociations saoudoiraniennes. Toutefois, à mon avis, les Etats- Unis surveillent de près non seulement le rapprochement entre l’Iran et l’Arabie saoudite et ses répercussions sur les intérêts américains, mais aussi — et plus important encore — le rôle de la Chine dans cette médiation. Car les Etats-Unis savent que la Chine est son plus grand concurrent stratégique au Moyen-Orient. Cependant, la montée en puissance de la Chine ne signifie pas nécessairement une baisse de l’influence américaine, car Biden est venu dans la région en juin dernier pour combler les vides créés par l’Administration précédente en ce qui a trait à l’économie. Les Etats-Unis tentent de maintenir leur influence, comme on l’a vu lors de la visite du secrétaire d’Etat américain à la Défense, Lloyd Austin, en Iraq, en Egypte, en Jordanie et en Israël, pour confirmer les partenariats avec les pays de la région. Par conséquent, il y a une rivalité entre la Chine et les Etats-Unis au Moyen-Orient, mais je ne peux pas dire que la Chine remplacera complètement les Etats-Unis.

— Quelles conséquences de l’accord sur le différend sino-américain, notamment le dossier de Taïwan ?

— Les Etats-Unis utilisent Taïwan comme une carte de pression sur la Chine en lui fournissant des armes. Les visites récentes de responsables américains à Taïwan sont considérées comme un acte de provocation pour la Chine, qui a renforcé sa présence militaire dans le détroit. Pour la Chine, l’indépendance de Taïwan est une ligne rouge, et donc l’option militaire sera obligatoire si Taïwan proclame son indépendance. Les Etats-Unis refusent que Taïwan fasse partie de la Chine. Le Moyen-Orient est une arèneclé de la concurrence entre la Chine et les Etats-Unis. Les deux parties tentent de se maîtriser pour ne pas atteindre le stade de l’affrontement militaire qui aura un impact négatif non seulement sur les deux pays, mais aussi sur le monde entier.

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