Al-Ahram Hebdo : Les dirigeants des pays membres du groupe G5 Sahel ont tenu la semaine dernière leur premier sommet depuis 2021 pour relancer l’activité du G5. Qu’en est-il ?
Nermeen Tawfik : Le sommet extraordinaire du G5, tenu sous le thème « Coopération régionale en matière de développement et de sécurité », intervient alors que la région est exposée à d’énormes défis sécuritaires et politiques. L’importance du groupe G5, créé en 2014 par cinq pays, la Mauritanie, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et le Mali, provient de l’importance stratégique de cette région. Or, le Sahel souffre depuis 2011 de la montée des mouvements terroristes affiliés d’Al-Qaëda et de Daech, auxquels s’ajoutent d’autres groupes comme Nosrat Al-Islam au nord du Mali. Un lourd fardeau sur le G5 d’autant plus qu’avec le retrait des troupes françaises et la situation au Mali et au Burkina Faso, tous deux absents de la rencontre, cela ne facilite pas la tâche.
— Justement, comment le G5 peut-il fonctionner sans ces deux pays ?
— La situation est, en effet, délicate, surtout que le Mali est l’un des principaux fondateurs de ce groupe. De plus, il dispose de la plus grande force de la région ayant de l’expérience dans la lutte antiterroriste. Mais à mon avis, cette rupture ne va pas durer longtemps, car par nature, ces pays rejettent tout désaccord entre eux et optent pour la coopération. Les tentatives de rapprochement vont sans doute commencer pour un retour proche de ces deux pays.
— Moscou a proposé son aide aux pays du Sahel dans la lutte antiterroriste. La Russie est-elle en train de prendre la place de la France dans la région ? Et comment voyez-vous l’avenir de la lutte antiterroriste dans la région ?
— Les Russes veulent transmettre un message : la guerre de l’Ukraine ne va pas les empêcher de poursuivre leur rapprochement aux pays africains. Toute la question est de savoir si la France va laisser le terrain à son adversaire russe. La France estime que cette région lui appartient historiquement et n’entend pas laisser ses intérêts. Bien qu’elle se soit retirée du Mali et du Burkina, la France cherche à se repositionner dans d’autres pays comme le Tchad et le Togo. Avec toutes ces tensions, l’avenir est incertain. La guerre d’influence que se livrent les grandes puissances en Afrique n’arrange pas les choses. C’est pour cela que la solution doit être africaine, car les peuples de la région estiment que les étrangers ne cherchent que leur intérêt, que cela concerne les Français ou les Russes. Les Africains doivent s’unir et échanger leurs expériences en matière de lutte antiterroriste. La communauté internationale doit elle aussi soutenir le G5. Et enfin, il est nécessaire de miser sur le développement de ces régions pour combattre le terrorisme.
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