La question est: comment et quand s’achèvera-t-il? Pour y répondre, il faut connaître les arrière-plans et les motifs du conflit qui se déroule entre deux agendas: le premier est américain et a deux objectifs, dont le premier consiste à maintenir la suprématie américaine dans l’ordre mondial et le second concerne la stratégie d’affrontement de la Chine aux niveaux économique, militaire, technologique et spatial dans le contexte de l’expansion de la puissance chinoise partout dans le monde.
Le second agenda est russe, et vise à avorter toute tentative de l’Otan d’atteindre les frontières de la Russie, car cela signifie la présence des forces américaines à ses frontières, ce qui constitue une humiliation politique pour Moscou. Il faut se rappeler l’amertume que le président Vladimir Poutine ressent en permanence à cause du démantèlement de l’Union soviétique en 1991. Il est possible de comprendre sa décision d’intervenir militairement pour mettre un terme à la volonté américano-européenne de joindre l’Ukraine à l’Otan. Si l’Occident avait réagi à temps, le conflit en cours aurait pu être évité. L’objectif de ce conflit est donc de reformuler l’ordre mondial à travers un choc militaire au goût d’une guerre mondiale par lequel Washington vise à neutraliser la Russie, afin de se concentrer sur la Chine, tandis que la Russie cherche à fixer les assises d’un ordre mondial multipolaire.
Alors est-il vraiment question d’une troisième guerre mondiale? La Première Guerre mondiale a donné naissance à un nouvel ordre mondial à travers la création de la Société des Nations, tandis que la Seconde Guerre mondiale a remodelé l’ordre mondial à travers l’Organisation des Nations-Unies. Puis il y a eu une troisième formation d’un système international à partir du démantèlement de l’Union soviétique. Et voilà que se déroulent des tentatives d’une quatrième formation de l’ordre mondial qui reflètent les capacités des différentes parties du conflit, ce qui nous pousse à poser la question: comment le conflit ukrainien prendra-t-il fin ?
Il y a deux éventualités. La première est que les Etats-Unis, l’Europe et la Russie, qui constituent les parties prenantes du conflit, en viennent à la conclusion qu’il n’y aura pas de vrai vainqueur de l’affrontement militaire et se sentent alors obligés de se mettre à la table de négociations. Cette éventualité semble être la plus probable à la lumière des messages échangés publiquement et discrètement et qui pourraient aboutir à des négociations. La seconde éventualité est la poursuite du conflit et, par conséquent, son extension à l’usage de l’arme nucléaire tactique. Là, le prix du conflit ne pourra être assumé par aucune partie et constituera une perte énorme pour le monde entier.
Si la première éventualité est la plus probable, ceci signifie que l’affrontement prendra fin au niveau militaire, mais non pas au niveau politique. Régler ce dernier nécessite des négociations longues et difficiles, ainsi que des concessions inévitables qui refléteront les poids des parties prenantes. Plusieurs facteurs peuvent accélérer le rythme des négociations, la Russie tenant à obtenir rapidement le minimum, qui est d’éloigner l’Otan de ses frontières. Quant à l’Europe, elle vise à mettre fin à sa souffrance économique et budgétaire qui se poursuivra encore pendant de longues années.
Qui sont les perdants et les gagnants? Il est évident que le premier perdant est l’Ukraine, dont la reconstruction nécessitera des années. Vient ensuite l’Union Européenne (UE), qui doit faire face au défi d’équilibrer ses relations avec les Etats-Unis. De nombreuses preuves démontrent le mécontentement caché de l’UE envers Washington parce qu’il l’a poussée dans un conflit qui aurait pu être évité et qui a beaucoup coûté à l’Europe. Pour ce qui est de la Russie, le gain minimum serait d’empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’Otan. Le maximum qu’elle puisse réaliser serait de déstabiliser la position des Etats-Unis à la tête de l’ordre mondial. Mais l’économie fragile de la Russie souffrira de répercussions douloureuses qui, pour être remédiées, nécessiteraient des réformes profondes.
Pour ce qui est des gagnants, il est évident que le premier est la Chine, qui a géré sa position envers le conflit à travers des équilibres intelligents et s’est imposée une position essentielle dans l’ordre mondial naissant. Il est vrai que la Chine devra faire face au défi américain énorme, mais elle possède des capacités technologiques et scientifiques sans pareil, en plus de capacités militaires énormes. Les Etats-Unis sont le deuxième gagnant, parce que l’Administration américaine gère le conflit avec le minimum de coûts économiques et militaires qu’elle pourrait compenser en quelques années. En plus, Washington a réussi sa stratégie visant à épuiser la Russie et à la neutraliser.
Lien court: