Je voudrais attirer l’attention sur Bassara Baraja (diseuse de bonne aventure), l’une des chansons qu’il a composées en 1914 pour Mounira Al- Mahdiya, écrite par le parolier Younès Al- Qadi. L’oeuvre exprime l’inquiétude de la rue à cette époque quant à l’absence de la justice sociale et des droits des citoyens. La chanson est construite sous la forme légère de la taqtouqa et brosse un magnifique tableau du contexte historique, socioéconomique et culturel à l’approche de la Première Guerre mondiale. Darwich a recours au maqam Ajam, en adoptant une mélodie sautillante : voix, violon et trille évoquent un tremblement, alors que le luth tient un rôle rythmique. Le violon et le qanoun (cithare orientale) accompagnent le chanteur. Il a emprunté le style de la chanson à la tradition de musique tzigane.
Nahla Mattar, professeure de théorie et de composition à la faculté de pédagogie musicale de l’Université de Hélouan.
Parler de Sayed Darwich renvoie à un nombre de dichotomies héritées des sociétés arabes, allant du local à l’international, de l’officiel au populaire, des gouvernants aux gouvernés. Sa musique représente un exemple expressif de la dialectique du conflit entre ces duos, à un moment déterminant de l’histoire de l’Egypte moderne.
Dès qu’une personne entend le mot « cheikh », cela évoque l’image de quelqu’un en cafetan et en turban. Or, sur ses dernières photos, il apparaissait toujours en costume-cravate. A sa naissance, vers la fin du XIXe siècle, Alexandrie était un point de rencontre entre le monde oriental et occidental, donc un lieu de brassage culturel. D’où, éventuellement, son ouverture sur les diverses tendances artistiques. Il est l’imam des compositeurs, un musicien de génie, de toutes les époques.
Marwa Tamim, chercheuse en Histoire à la faculté des lettres de l’Université du Caire et auteure du livre L’Orient et l’Occident dans la musique de Sayed Darwich : une rencontre inachevée.
Sayed Darwich était un classique et un bohème. Il savait suivre le pouls de la rue. Un révolutionnaire plein d’humour, passionné de l’Egypte. Le charme juvénile de Sayed Darwich dépassait les temps et les barrières, lui permettant d’exercer une grande influence sociale. Il s’est inspiré de l’absurdité du paysage sociopolitique de son époque.
Marwan Fawzy, professeur de théorie et composition à la faculté de pédagogie musicale de l’Université de Helwan.
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