C’est dans un climat d’extrême tension interne et régionale que les Kurdes iraqiens ont voté samedi dernier pour élire leur Parlement régional. En effet, d’un côté, le Kurdistan iraqien est en crise avec le gouvernement central de Bagdad. De l’autre, la guerre en Syrie a d’importantes incidences sur les Kurdes, et ce, pour plusieurs raisons : d’abord l’existence de combats dans le nord de la Syrie opposant des «
djihadistes » à des Kurdes syriens. De même, ces élections interviennent au moment où la question de la «
nation » kurde revient en force sur la scène politique, surtout après la perte par le régime syrien du contrôle sur les régions kurdes du nord de la Syrie.
Malgré le climat d’insécurité général qui prévaut en Iraq et les violences qui ont émaillé la campagne électorale, ces élections, dont les résultats sont attendus la semaine prochaine, se sont déroulées sans incident notable. Pour la première fois, trois principaux partis se disputaient les 111 sièges du Parlement : le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) du président régional Massoud Barzani, l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK), que dirige Jalal Talabani, également président de l’Iraq, et la liste d’opposition Goran.
Déjà au pouvoir avec l’UPK, le PDK devrait remporter le plus grand nombre de sièges au Parlement, sans pour autant avoir une majorité absolue. L’UPK, dont le chef Jalal Talabani, victime d’une attaque cérébrale, est absent de la scène politique depuis plus de neuf mois, pourrait faire les frais d’une percée de la liste Goran. Goran, qui veut dire changement en kurde, avait déjà surpris les observateurs en 2009 en remportant plus de sièges que prévu et en s’affirmant comme un véritable parti d’opposition. Cette fois l’opposition a une réelle opportunité et elle est considérée comme le cheval gagnant de ces élections. Même Barham Saleh, vétéran de l’UPK, qui a été premier ministre de la région, reconnaît que son parti a probablement sous-estimé l’adversaire.
Le pétrole, un enjeu de taille
Parmi les thèmes abordés pendant la campagne électorale figurent notamment la lutte contre la corruption, l’amélioration de la vie économique et des services publics, et l’usage qui doit être fait des revenus tirés du pétrole. En effet, la situation économique est toujours liée aux tensions et questions politiques, les trois provinces du Kurdistan se démarquant de plus en plus du gouvernement fédéral en raison de nombreuses disputes. « L’opposition a souffert durant la campagne électorale. Plusieurs opposants ont été attaqués. L’opposition veut une indépendance totale de l’Iraq et elle est prête à lutter pour établir un Etat unifié avec tous les Kurdes. L’opposition croit que cette région peut être le noyau de leur futur pays tant désiré », explique Moatez Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire.
L’économie est aussi tributaire du pétrole, que se disputent Erbil et Bagdad. Riche en pétrole, le Kurdistan cherche à construire un oléoduc pour relier directement son territoire aux marchés étrangers. En attendant, la région autonome exporte du pétrole brut par camions vers la Turquie voisine, et a signé des accords de coopération avec des firmes étrangères.
Elle profite également d’un essor économique bien supérieur au reste du pays, qu’encourage un bon climat sécuritaire, pour faire appel aux investisseurs étrangers. Ceci provoque l’ire de Bagdad, qui estime que les exportations de pétrole par camions constituent de la contrebande et que les contrats passés avec des pétroliers étrangers sans l’accord du ministère fédéral sont illégaux.
Kurdistan et Etat fédéral sont également à couteaux tirés sur la question de la souveraineté de la région de Kirkouk, elle aussi riche en pétrole, que les Kurdes voudraient incorporer à leur territoire. La région est également touchée par le conflit en Syrie, des dizaines de milliers de Kurdes syriens ayant récemment trouvé refuge au Kurdistan iraqien voisin, après des heurts entre Kurdes et djihadistes opposés au régime de Damas.
Barzani, s’inquiétant du sort des Kurdes en Syrie, avait même brandi le mois dernier la menace d’une intervention de ses propres forces armées dans le conflit pour les protéger. Mais son gouvernement a ensuite tempéré ses propos laissant entendre qu’une intervention ne serait pas nécessairement militaire
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