Al-ahram hebdo : La situation économique est très difficile. Comment entendez-vous agir pour sortir l’Egypte de la crise ?
Mounir Fakhri Abdel-Nour : C’est vrai que la situation est difficile. Cela ne sert à rien de cacher la réalité. Il y a une instabilité politique et sécuritaire, et cela se répercute sur l’économie. Le gouvernement actuel a été nommé le 16 juillet dernier, soit 16 jours après le début de l’année fiscale 2013/2014. Le déficit budgétaire était de 240 milliards de L.E., soit 13,8 % du PIB, le déficit commercial a atteint 212 milliards de L.E. et le taux de chômage a dépassé les 13 %. Mais la structure de l’économie égyptienne est solide, ce qui nous donne l’espoir de sortir de la crise, surtout avec l’aide financière arabe reçue après le 30 juin.
— Qu’entendez-vous par « structure solide » en parlant de l’économie ?
— Le pays a témoigné de turbulences politiques au cours des 3 dernières années. Cependant, le citoyen n’a jamais ressenti de crise réelle. Il y a eu seulement une pénurie d’énergie et des coupures de courant en juin dernier. Il n’y a jamais eu de pénurie au niveau des denrées de base. Par contre, et de manière surprenante, il y a quelques indices positifs. Les exportations par exemple ont augmenté. On peut comprendre une telle hausse au cours de l’année qui a suivi la révolution si nous prenons en considération les anciens contrats, mais qu’en est-il pour les deux années suivantes ? Si le gouvernement actuel travaille, il réalisera ses objectifs, et les indices économiques passeront dans le vert.
— Quels sont vos objectifs pour l’année fiscale en cours ?
— Nous voulons réduire le déficit budgétaire à 9 % du PIB au lieu de 13,8% et réaliser un taux de croissance de 3,5 %.
— Mais le secteur industriel tourne au ralenti ...
— C’est vrai. Il y a beaucoup de problèmes à résoudre : pénurie d’énergie, absence de financement, et surtout, insécurité. Mais nous travaillons sur ces problèmes en vue de les résoudre.
— Le gouvernement parie sur le retour des investissements locaux et étrangers. Mais ne pensez-vous pas qu’une relance des investissements soit difficile dans les circonstances actuelles ?
— Le gouvernement travaille sur plusieurs dossiers, notamment la sécurité et l’investissement. Je crois que la sécurité revient peu à peu. L’Organisme du développement industriel a élaboré une « carte industrielle » qui indique l’emplacement des terrains industriels dans toute l’Egypte. Il s’agit des terrains dépendant des gouvernorats, du ministère de l’Investissement, et de celui de l’Industrie et du commerce. Cette carte fournit toutes les informations nécessaires à l’investisseur, comme l’emplacement du terrain et le fait qu’il soit doté de l’infrastructure ou pas.
— Quels sont les privilèges accordés aux investisseurs en ce qui a trait aux terrains ?
— D’abord, le premier ministre a annoncé que 3 milliards de dollars seront consacrés à l’infrastructure de ces terrains. De même, en ce qui concerne les terrains des gouvernorats lointains, nous étudions une réduction des prix, ou des facilités de paiement. Il s’agit de droits d’exploitation de 49 ans. Il n’y aura pas de vente de terrains industriels. De même, le ministère précisera à l’avance les activités industrielles dont le pays a besoin.
— La question des subventions à l’énergie est très importante. Le gouvernement maintiendra-t-il ces subventions ?
— Le gouvernement n’a pas pris encore de décision. La part des subventions accordées à l’énergie dans le budget est intenable. Nous avons demandé à un bureau de consultants international d’effectuer une étude sur l’énergie en Egypte et les moyens de la développer, mais cela ne veut pas dire que nous remettrons la décision de libéraliser les prix de l’énergie jusqu’à la fin de l’étude. Nous étudions également un nouveau projet avec le ministère de l’Electricité, pour fournir de l’énergie renouvelable aux usines. Nous n’avons pas d’emploi de temps précis, mais le gouvernement prendra les décisions nécessaires à la relance de l’économie, même si elles affectent les classes défavorisées.
— L’Union Européenne (UE) est l’un des partenaires commerciaux importants pour l’Egypte ... Ne craignez-vous pas que les tensions politiques actuelles ne menacent les relations économiques avec l’UE ?
— Comme vous venez de le dire, les relations entre l’Egypte et l’UE sont axiales. Elles n’ont été et ne seront jamais influencées par les tensions politiques. Nous parlons d’une balance commerciale de 23 milliards d’euros, (8 milliards d’exportations égyptiennes et 13 milliards d’importations), et d’investissements européens d’une valeur de 41 milliards de dollars. Les relations avec l’UE devraient continuer à se développer. Car, avec la hausse des coûts de production en Europe et celle de la main-d’oeuvre, les produits européens ne seront pas concurrentiels sur les marchés internationaux. C’est ainsi que pour réduire le coût des produits, les pays de l’UE sont obligés de déplacer leur production au sud de la Méditerranée. Les intérêts de l’UE empêchent donc ses pays de suspendre leur activité économique en Egypte.
— Y a-t-il des transactions à l’ordre du jour actuellement avec les Européens ?
— Oui. Une délégation d’hommes d’affaires français, présidée par le ministre du Commerce, se rendra en Egypte début octobre, pour discuter de projets communs dans 4 domaines, à savoir l’automobile, l’agriculture, les mines et l’énergie renouvelable. Une délégation italienne arrivera vers la fin octobre pour discuter également de projets communs, surtout dans le domaine du cuir.
— Vous avez annoncé que dès votre nomination, vous restructuriez les conseils d’affaires. Pourquoi ?
— La composition actuelle des conseils d’affaires est le reflet d’intérêts personnels. Ces conseils sont censés jouer un rôle important dans la relance des affaires en Egypte. Mais cela n’a jamais été le cas. J’ai commencé par restructurer les 3 plus importants conseils, à savoir ceux des Etats-Unis, de la France et de l’Italie. Maintenant, c’est au tour des conseils saoudien et koweïtien. J’ai reçu plusieurs plaintes de la part des Saoudiens pour le choix de l’homme d’affaires islamiste Hassan Malek à la tête de ce conseil.
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