Haïfa Wahbi (à gauche) et Elissa (à droite), deux pop stars.
Des vedettes de la pop libanaise, extrêmement populaires, font office d’icônes sacrées de la publicité. C’est ce que met en relief la jeune artiste Marwa El-Shazly à travers son exposition Fabriquée au Liban, à la galerie Machrabiya. L’exposition dégage un caractère léger, marrant ; son titre pince-sans-rire nous invite à changer un peu d’air loin de la politique.
L’artiste met en avant une beauté artificielle et colorée, celle des pin up libanaises, peintes sur tissus, en broderie et glitter, toutes glamour. Le kitch est de mise, oscillant entre rêve et réalité. Le monde du « showbiz » brille de mille éclats à travers les images de clips, de talk-shows et autres.
Mais il s’agit aussi de l’impact des médias, de leur pouvoir ... « A travers ces vedettes libanaises qui ont beaucoup de succès auprès du public égyptien, et qui sont à la tête des hit-parades, je relève le paradoxe de leur popularité au sein d’une société de plus en plus conservatrice ! Aujourd’hui, on ne dit plus écouter une chanson, mais surtout regarder une chanson. C’est tout un monde en paillettes qui fait vivre le récepteur dans une réalité éblouissante quoique feinte, artificielle et momentanée », déclare El-Shazly dépeignant un flot de vedettes libanaises de la chanson comme Nancy Ajram, Haïfa Wahbi, Carole Smaha, Pascal Machelani, Nawal Al-Zoghbi, Elissa, Cérine Abel-Nour. Celles-ci posent, jouant de leurs corps : lèvres pulpeuses, taille de guêpe, un air provoquant ...
Perception visuelle
L’artiste utilise une technique mixte, de montage et d’assemblage. D’ailleurs, tout le côté visuel provoqué par les médias est au service des peintures d’El-Shazly qui utilisent largement les photos de stars.
Pour chatouiller davantage son récepteur, El-Shazly recourt dans son travail de montage à la calligraphie arabe, mettant en évidence les multiples états d’âme de ces stars : amour, nostalgie, passion. « La calligraphie arabe, avec une ornementation kitch, peut nous placer dans le bon vieux temps des chansons d’amour, celles d’Abdel-Halim Hafez », précise El-Shazly. D’où un jeu de contraste entre passé et présent. Le passé est incarné par l’écriture calligraphique arabe. Et le présent par les multiples images de pin up libanaises. « L’art pop est une prise de position ironique vis-à-vis de la société. C’est un art qui met l’accent sur tout pouvoir qui s’impose en société, laissant au récepteur la tâche de le juger », indique El-Shazly, évoquant le pouvoir médiatique, mais aussi politique et religieux.
El-Shazly a déjà participé, juste avant la révolution du 25 janvier, à une exposition au centre Karmet Ibn Hanée, avec des portraits semblables de Moubarak, des figures de son régime et des vedettes médiatiques de l’époque. Ces derniers sont les « maîtres des dialogues », incarnant un autre genre du « pouvoir », celui de la rhétorique.
Cette exposition était suivie par une autre, en juillet dernier, intitulée Khadra, à Darb 1718, avec trois oeuvres de pop art, de grands formats tournant en dérision le monde politique. Celles-ci montraient Mohamad Morsi, Khaïrat Al-Chater, Mohamad Badie, comme des « icônes légendaires ». « Le langage pop se caractérise par un refus de l’émotion artistique subjective de la société de consommation et des médias. Son inspiration vient directement de la culture populaire et de la vie de tous les jours » conclut El-Shazly, comme pour décrire son style.
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