A l’approche de l’Aid, Taht Al-Rabea est fréquenté par des clients à la recherhe des grils. (Photo : Ahmad Agami)
Taht Al-Rabea à Gamaliya, dans le Vieux Caire. Ce quartier est célèbre pour ses ateliers où l’on fabrique toutes sortes d’objets. Ici, on fabrique surtout des grils et des barbecues. Il faut circuler à pied pour passer entre les boutiques situées dans des ruelles très étroites. A l’approche de l’Aïd, le quartier est fréquenté par des clients à la recherche de grils. « Aïd Al-Adha (grand Baïram) est la saison la plus importante pour nous. Les ventes de grils augmentent », explique Mohamad, vendeur.
(Photo : Ahmad Agami)
Les rituels de la fête exigent que les musulmans fassent un sacrifice en immolant une bête (généralement un veau ou un mouton) afin de suivre la tradition du prophète Ibrahim. Même ceux qui ne pratiquent pas ce rituel doivent acheter de la viande avant Aïd Al-Adha où la « Grande Fête » comme on l’appelle en raison de sa durée (4 jours). Aïd Al-Adha est connu aussi pour être « la fête de la viande », parce que tous les Egyptiens y mangent de la viande. La viande est généralement mangée, soit bouillie avec le célèbre plat de fatta composé de riz, de pain et de vinaigre, de sauce tomate et d’ail, ou grillée. Pendant les jours de l’Aïd, l’odeur du charbon se mélange à celle de la viande marinée.
(Photo : Ahmad Agami)
A Taht Al-Rabea, les trottoirs sont couverts de grils de différentes tailles, et les marchandises débordent jusqu’au milieu de la rue. Les grils exposés sont des modèles simples. Le gril est posé sur quatre pieds de hauteur variable (entre 15cm et un mètre). Selon Mahmoud Attia, propriétaire d’un magasin, ce modèle est le plus demandé car il est pratique et bon marché. Son prix varie entre 45 et 60 L.E. La plupart des grils fonctionnent au charbon. « Les grils électriques sont connus pour causer des maladies, ceux au charbon sont meilleurs », explique Mahmoud sur un ton sûr, en essayant de convaincre les clients. Outre les grils traditionnels et simples, qui occupent la plupart des surfaces, des grils modernes et plus sophistiqués sont également exposés. Ce sont des grils de luxe en acier inoxydable. Ils sont plus chers et peuvent coûter plus de 500 L.E. Ils se caractérisent par deux niveaux de cuisson et sont équipés d’un couvercle extérieur pour isoler le feu et empêcher la propagation de la fumée. « Ce type de gril n’est pas très demandé. En fait, il fait le même travail qu’un gril ordinaire mais avec un air un peu plus agréable. C’est la seule différence et chaque client choisit ce qui lui convient », commente Mahmoud. Et d’ajouter que ces grils sont souvent utilisés par les personnes qui possèdent de grandes maisons avec jardins ou terrasses. Plus nous avançons, plus les rues deviennent bondées. Les grils ici sont moins chers qu’ailleurs, et les marchands du quartier sont considérés comme des grossistes qui vendent au même prix à des individus ou à des détaillants. Ces derniers les vendent à nouveau à des commerçants plus petits et ainsi de suite. Plus on s’éloigne de la zone, plus les prix augmentent.
(Photo : Ahmad Agami)
Les secrets du métier
« J’ai appris à fabriquer les grils de mon père il y a plus de 40 ans. On les fabrique manuellement sur plusieurs étapes », dit Mohamad Yaqout. A l’intérieur de son atelier situé dans la cour d’un bâtiment très ancien dans une ruelle étroite du quartier, il poursuit ce que son père avait commencé il y a plus de 60 ans. A l’intérieur de l’atelier, il coupe les plaques de métal. Un ouvrier reçoit ensuite les plaques coupées et les plie. Puis, un autre ouvrier les amène dans une pièce où se trouvent d’énormes bassins remplis de liquide pour donner au métal une couleur argentée. Les plaques de métal passent ensuite dans une machine à souder. « C’est un métier difficile. Nous sommes constamment exposés à des blessures car les plaques de métal sont tranchantes », dit Yaqout dont les bras portent de nombreuses blessures. Il explique que la méthode de fabrication est la même depuis toujours. Seules quelques modifications ont été introduites, comme le remplacement des clous par la machine à souder. « En fait, les grils sont demandés toute l’année, mais la vraie saison c’est le Baïram. Nous commençons à nous préparer quatre mois avant la fête et nous produisons près de 100000 grils que nous distribuons aux commerçants du Caire, dans les provinces et dans d’autres pays comme la Libye. Nous attendons cette saison parce que nos gains nous aident à tenir le reste de l’année lorsque les ventes sont limitées », ajoute Yaqout. Et d’expliquer que « cette année, nous attendons avec impatience la saison après deux ans de conditions difficiles à cause de la pandémie de Covid-19 ».
(Photo : Ahmad Agami)
C’est un métier difficile car les plaques de métal sont tranchantes. (Photo : Ahmad Agami)
Les accessoires
A côté des grils et des barbecues exposés partout, il y a des éventails et des brochettes de fer qui facilitent la préparation des boulettes de viande. « Cette industrie n’est plus comme autrefois. Les éventails étaient faits autrefois avec des plumes de dinde. Aujourd’hui, ils sont faits avec des plumes de poulet et sont très faibles », dit Abou-Farha, marchand. Il explique que les éventails sont faits cette année avec des plumes vertes et orange pour attirer les clients. Quelques mètres plus loin, Al-Omda se tient devant sa boutique et montre aux clients les différentes tailles de « orma », une table ronde en bois à trois pieds utilisée pour couper la viande. Ces tables se trouvent généralement chez le boucher, mais le jour de l’Aïd, beaucoup s’en servent pour couper la viande de sacrifice. Pour attirer l’attention du plus grand nombre possible de clients et les encourager à acheter, certains vendeurs font un grand effort pour expliquer les avantages de leurs produits. Amr ne parle pas de ses produits mais préfère faire un spectacle. Il travaille dans un magasin qui vend des couteaux pour couper la viande et les os. Devant sa boutique, il fait un véritable spectacle pour vanter les mérites de chaque couteau qu’il vend et montrer son efficacité. Il soulève une feuille de papier vers le ciel puis la laisse tomber sur le couteau qui la coupe en deux, preuve que le couteau est tranchant. Après cette tournée, difficile de faire le trajet du retour à pied. Des chauffeurs de tok-tok se présentent et offrent leurs services, sachant que personne ne les rejettera, surtout avec les fournitures de barbecue pour l’Aïd.
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