Le 20 mai dernier s’est éteint le comédien, producteur de cinéma, chanteur et animateur radio-télé Samir Sabri, à l’âge de 85 ans, dans l’hôtel de luxe où il logeait ces derniers temps à Zamalek. Un hasard du destin, car il s’agit du jour même où est décédé, il y a un an, Samir Ghanem, une star de la comédie, atteint de coronavirus.
Avec Naglaa Fathi.
Le public, attristé de voir toute une génération disparaître, n’a de cesse insisté sur leur amour pour la vie. Tous ces symboles de la joie l’abandonnent l’un après l’autre, à un temps aussi difficile que morne. Alors, on a tendance à s’inquiéter et à idéaliser le défunt, énumérant ses bienfaits à l’égyptienne. Mais sans doute, cette génération qui a appartenu à une autre époque avait quelque chose de particulier.
A titre d’exemple, Samir Sabri, qui a tourné dans plus de 130 films, a travaillé jusqu’à la fin de ses jours. Quelques heures avant sa mort, il s’était réuni avec le critique de cinéma Qadri Al-Haggar, a confirmé le quotidien Al-Shorouk, afin de préparer la première édition d’un festival réservé aux films francophones. Sabri devait en être le président honorifique. Il était en forme, même si affaibli par l’âge et la maladie. Tout à fait alerte et précis, indique le critique.
Avec Soad Hosni.
Il a participé à la présentation de la cérémonie d’ouverture de la dernière édition en date du Festival international du film du Caire, en novembre 2021, accueillant la vedette Nelly, sur les planches, à l’occasion d’un hommage spécial qui lui était rendu. Deux mois après, il a été hospitalisé et devait subir une intervention chirurgicale au coeur. Une fois rétabli, il reprend ses activités professionnelles, poursuivant son émission de radio, suivie par tant d’auditeurs.
Mémoires à succès
En 2020, il a publié ses mémoires Hikayate Al-Omr Kollo (histoires de toute une vie), aux éditions Al-Masriya Al-Lobnaniya. Le livre a fait un tabac à sa sortie, car l’artiste a toujours une anecdote à raconter, datant du bon vieux temps. Bref, des histoires dont les gens raffolent.
Avec Nelly.
Ses mémoires nous plongent dans les coulisses de la vie artistique et politique égyptienne, notamment celle des années 1960 et 1970. Il y raconte ses débuts à la radio, où il s’est introduit par hasard grâce au chanteur mythique Abdel-Halim Hafez, qui était son voisin. Puis, il a conquis le monde de la télévision et du cinéma. Il s’est lié d’amitié avec les vedettes de la chanson, du journalisme, du septième art et de la politique.
Né le 27 décembre 1936 à Alexandrie, Mohamad Samir Galal Sabri, fils d’un général de l’armée, a fait ses études au célèbre collège Victoria, ayant regroupé précédemment Youssef Chahine et Omar Sharif. Ensuite, il s’est joint à la faculté de lettres anglaises.
Avec Demis Roussos.
Après le divorce de ses parents, pendant son enfance, il s’est installé au Caire avec son père et a habité le quartier huppé de Zamalek, dans le même immeuble que le chanteur Abdel-Halim Hafez. Celui-ci lui a permis de travailler pour la radio, au Programme européen, précisément dans le « Coin des enfants », en anglais.
Son premier programme de télévision, Al-Nadi Al-Dawli (le club international), dans les années 1960, était à l’occasion du premier Festival international du film du Caire; il y accueillait les artistes étrangers et égyptiens, invités du festival. Le programme est vite devenu célèbre, d’ailleurs, il est considéré comme le premier talk-show du Moyen-Orient. A travers cette émission hebdomadaire, il a interviewé les grandes personnalités du monde arabe, tels le sultan Qabous de Oman, le fondateur des Emirats arabes unis, le cheikh Zayed Al Nahyan, l’écrivain Tawfiq Al-Hakim, les chanteurs Demis Roussos et Charles Aznavour, la comédienne Claudia Cardinale... Il a également effectué un entretien exclusif avec l’imam chiite libano-iranien Moussa Al-Sadr, alors en visite au Caire.
Avec Claudia Cardinale.
Et ce, avant la disparition de son avion en Libye en 1978. Le journaliste de renom Moustapha Amin, fondateur avec son frère du journal Al-Akhbar, a été l’invité de Samir Sabri, juste après sa sortie de prison. Il était incarcéré sous Nasser pour ses positions politiques. Les entretiens exclusifs et les histoires se poursuivent ainsi. L’un des épisodes de l’émission Al-Nadi Al-Dawli fut consacré à l’ancienne reine d’Egypte Farida, une fois de retour en Egypte, dans les années 1970. « La censure s’y est opposée, sous prétexte que la reine savait très bien parler, ce qui allait attirer la sympathie et l’admiration des téléspectateurs. Pour les responsables de la censure, la diffusion de l’épisode pourrait donner l’impression que la télévision essayait de promouvoir la monarchie », explique Samir Sabri, dans le livre. Et d’ajouter: « J’ai pris l’enregistrement et me suis dirigé vers le bureau du ministre de l’Information à l’époque, Mansour Hassan (1937-2012), qui a tout de suite donné son accord. Cependant, Safouat Al-Chérif, alors président de l’Organisme général de l’information, a proposé de supprimer les paroles de la reine évoquant le souvenir de son ancien mari, le roi Farouq, car elles donnaient de lui une image différente de celle divulguée dans les médias ! ».
Samir Sabri était également réputé pour sa bienfaisance et son soutien des artistes dans le besoin, des stars retirées, etc. Du coup, il était très entouré, car on refusait de le laisser mourir dans la solitude.
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