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Téhéran: Espoir d'ouverture

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 03 septembre 2013

Un nouveau round de pourparlers entre Téhéran et l'AIEA est prévu le 27 septembre. Il s'agit des premières négociations depuis huit ans à se dérouler sous un président modéré.

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La dernière réunion de l'AIEA et l'Iran mi-mai n'a pas abouti.Photos: AFP

Un dialogue de sourds. Ainsi on peut décrire le dialogue engagé entre Téhéran et la commu­nauté internationale sur la question du nucléaire depuis l’accession du courant ultraconservateur au pou­voir en 2005. La victoire du prési­dent modéré Hassan Rohani n’a pas bouleversé la donne comme l’espé­rait l’Occident, car le nouveau lea­der a affirmé, dès la première minute, qu’il ne céderait pas d’un iota sur les droits nucléaires de son pays. Il s’agit simplement de chan­ger de moyens pour arriver à la même fin. Les propos de Rohani sont sans ambiguïté : « Les négo­ciations seront plus transparentes et dans un esprit d’entente construc­tive avec le monde, mais sans céder sur nos droits inaliénables », a affirmé le président iranien.

Dans ce contexte, mais aussi dans celui d’une frappe imminente contre le régime syrien, dont Téhéran est l’allié incontestable, la publication d’un nouveau rapport de l’Agence Internationale de l’En­ergie Atomique (AIEA) a ravivé les inquiétudes internationales au sujet du dossier nucléaire iranien. De même, ce rapport trimestriel est intervenu juste avant la reprise, le 27 septembre, à Vienne, des discus­sions entre l’Agence et l’Iran, inter­rompues depuis la mi-mai. Ces pourparlers sont dans l’impasse, tout comme les négociations avec le groupe des 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne). Il s’agira de la onzième réunion entre l’AIEA et l’Iran depuis début 2012 et surtout la pre­mière depuis l’élection de Rohani.

Comme les précédents, le nou­veau rapport de l’AIEA n’a rien dit de nouveau. « Téhéran dispose désormais de 1 008 centrifugeuses de deuxième génération (IR-2m) sur son site nucléaire de Natanz, contre près de 700 il y a trois mois. Aucune n’est toutefois entrée en production », affirme le document qui rajoute que Téhéran a augmenté le nombre de ses centrifugeuses de première génération (IR-1) à 15 416, soit environ 1 860 de plus que dans le précédent rapport. Avec un tel équipement plus performant, les Occidentaux craignent que l’Iran ne puisse plus facilement produire de l’uranium enrichi à un niveau de pureté nécessaire pour fabriquer l’arme nucléaire.

Nouvelle approche

L’Agence a également dressé une liste des points d’achoppement entre les deux parties au cours des dix précédentes réunions. D’où la question : cette onzième réunion sera-t-elle à même de résoudre ces points d’achoppement ? Selon cer­tains experts, la réponse semble positive car cette réunion se déroule dans une ambiance com­plètement différente des précé­dentes. De prime abord, c’est la première — depuis plus de huit ans — à se dérouler sous un prési­dent modéré plus « flexible » et plus « ouvert au dialogue » dans un seul objectif : alléger des sanc­tions devenues étouffantes. Même si Rohani n’est pas prêt à céder sur ses droits nucléaires, il est sérieux dans sa volonté d’arriver à un com­promis pour sauver son pays au bord d’une crise économique sans précédent. Samedi, le régime ira­nien a ouvertement affirmé que les prochaines négociations avec l’AIEA seraient « prises au sérieux et réaliseraient de grands progrès afin de résoudre le conflit avec l’Occident ». Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a même rajouté que son pays « respecterait ses engage­ments nucléaires afin de prouver au monde sa bonne volonté ».

Autre facteur à susciter l’espoir : le changement de la plupart des responsables iraniens chargés du nucléaire et leur remplacement par des experts plus modérés et plus pragmatiques. De quoi créer une ambiance positive. « Désormais, l’AIEA et tout l’Occident sont sûrs que Téhéran ne cédera pas sur ses droits nucléaires. Il existe trois pommes de discorde. Premièrement, l’Agence veut parvenir à un accord, lui donnant un accès plus large à des sites, individus et docu­ments iraniens afin de pouvoir répondre à tous les points soulevés dans son très critique rapport de novembre 2011. Deuxièmement, elle exige la fermeture du site sou­terrain suspect de Fordo où Téhéran pourrait fabriquer une bombe nucléaire loin des yeux de l’Agence. Et enfin, la suspension de l’enrichissement de l’uranium en Iran ou son enrichissement en dehors du pays », explique l’expert Mohamed Abbas.

Auparavant, Téhéran avait ali­menté l’inquiétude de l’AIEA en s’opposant à l’inspection de cer­tains sites comme celui de Fordo (souterrain) et le site militaire de Parchin, où l’AIEA soupçonne le pays d’avoir procédé à des tests d’explosion applicable au nucléaire. Selon les experts, la seule issue à cette crise est que Téhéran réussisse à « bâtir une nouvelle confiance » avec la communauté internationale, en acceptant de suspendre l’enri­chissement de l’uranium ou au moins procéder à cet enrichisse­ment en dehors du pays en contre­partie d’un allègement des sanc­tions. Ce n’est pas difficile d’y arriver : quand Hassan Rohani était chef des négociateurs nucléaires (2003-2005), l’Iran avait accepté la suspension de l’enrichissement à la suite des négociations avec la troïka européenne (France, Grande-Bretagne et Allemagne). Or, depuis l’accession au pouvoir en 2005 du courant ultraconservateur guidé par le président Ahmadinejad, l’Iran conduit des négociations stériles avec l’AIEA et les grandes puis­sances. Ce qui a coûté au pays plu­sieurs trains de sanctions qui ont miné l’économie, envenimé l’exis­tence du peuple et plus gravement rapproché le spectre de la guerre.

Une équipe plus modérée

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Rohani a donné un nouveau sang aux institutions nucléaires iraniennes.Photo: AP

Soucieux de redonner vie aux négociations nucléaires au point mort, le président modéré Hassan Rohani a tenté, depuis son arrivée au pouvoir, de pom­per du sang nouveau dans les veines des institutions nucléaires iraniennes. Aussi a-t-il procédé à plusieurs changements dans l’équipe de négociations qu’il veut mener avec plus de « transparence » afin d’obtenir la levée des sanctions économiques qui frappent dure­ment l’économie de son pays.

Le 1er septembre, Reza Najafi, directeur général des affaires politiques et internationales au ministère des Affaires étrangères, a remplacé Ali Asghar Soltanieh comme ambassadeur auprès de l’AIEA. Ce dernier occupait ce poste depuis 2005 mais n’a pas réussi à mener à bien les négociations, ce qui a coûté au pays de graves sanctions. Les experts jugent le choix de Najafi fort « prometteur » car il s’agit d’un expert réformateur dans le domaine du désarmement et qui a effectué plusieurs missions auprès de l’Onu et l’AIEA. Deux semaines auparavant, Rohani avait nommé l’ex-chef de la diplomatie, Ali Akbar Salehi, à la tête de l’Organisation iranienne de l’énergie nucléaire. Considéré comme un pragmatique modéré, M. Salehi était le représentant iranien auprès de l’AIEA entre 1997 et 2005, sous la présidence du réformateur Mohammad Khatami. Sa désignation est aussi promet­teuse pour le nucléaire. Finalement, M. Rohani doit trouver un successeur à l’actuel négociateur en chef iranien face au 5+1, Saïd Jalili. En poste depuis 2007, il faisait partie de la frange dure du régime et son mandat a été marqué par la confrontation avec les grandes puissances. La presse iranienne a évoqué la possibilité que le nouveau chef de la diplomatie Javad Zarif supervi­sait les négociations avec les grandes puissances. Personnalité modérée, M. Zarif avait joué un rôle actif dans les négociations nucléaires entre 2003 et 2005, lorsque Rohani était chef des négocia­teurs nucléaires. L’Iran avait accepté à l’époque la suspension de l’enrichissement à la suite des négociations avec la troïka européenne (France, Grande-Bretagne et Allemagne) .

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