« Du Caire au Cap, de Lagos à Mombasa et de Dakar à Dar es Salam pour accélérer la ZLECAF, dynamiser le commerce intra-africain et promouvoir les produits Made in Africa ». C’est sous ce slogan que la cérémonie d’allumage de « la flamme du commerce africain » a eu lieu au pied des pyramides le 21 janvier 2022 pour célébrer le premier anniversaire de l’entrée en vigueur de l’Accord de Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf). C’est en janvier 2021 que les échanges commerciaux sous le régime de la ZLECAf ont officiellement commencé. Il s’agit d’une démarche historique pour le continent, puisque depuis ce jour, l’Afrique dispose d’une zone de libre-échange de 1,2 milliard de consommateurs et un PIB combiné d’environ 3 000 milliards de dollars. Selon la Banque mondiale, cette zone panafricaine pourrait sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté. Alors que la Commission Economique des Nations- Unies pour l’Afrique (CEA) prévoit que cet accord portera le volume actuel du commerce intra-africain à 52,3 % du volume total du commerce sur le continent au lieu de 15 %. Les pays africains sont engagés aujourd’hui dans une véritable course contre la montre, afin d’adapter leurs règles commerciales à cette nouvelle réalité. « Contrairement à l’Organisation de l’Union Africaine (OUA), dont l’objectif principal était d’achever la décolonisation et d’abolir l’apartheid, l’objectif ultime de l’Union Africaine (UA) est de garantir l’intégration continentale par la coopération dans les domaines économique, social, culturel et politique », explique Hussein Hassan, directeur chargé de l’industrie au département du commerce et de l’industrie de l’UA, à l’Hebdo. Et d’ajouter : « Cet objectif doit être atteint en mettant en place de solides institutions d’intégration régionale et continentale dotées de mécanismes appropriés pour coordonner, mettre en oeuvre et suivre les politiques et les programmes d’intégration ». Selon Sally Farid, spécialiste en économie africaine à l’Université du Caire, le lancement de la ZLECAf « a marqué le début d’un long parcours pour parvenir à l’intégration africaine. Cette zone ne doit pas être un simple accord commercial, mais un instrument pour le développement de l’Afrique », dit-elle.
Ce qui a été accompli
Un an après, qu’est-ce qui a été réalisé et qu’est-ce qui reste encore à faire ? « Nous sommes sur la bonne voie, des progrès ont été faits, mais bien sûr il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, pour que la ZLECAf atteigne son plein potentiel », explique Hassan, en soulignant que plusieurs pas ont été franchis avec succès. « Premièrement, le nombre de pays ayant ratifié l’accord a augmenté pour atteindre 42 pays en janvier 2022. La ZLECAf est donc l’instrument le plus rapide à être ratifié dans l’Union africaine. Ce fait montre l’engagement sérieux des chefs d’Etat pour réaliser l’intégration des marchés », affirme Hassan. Sur un autre volet, 88 % des négociations sur les règles d’origine spécifiques aux produits ont été conclues, couvrant ainsi plus de 70 % du commerce intra-africain. Ce qui reflète une grande démarche consensuelle qui renforce la certitude et la prévisibilité du marché, ajoute Hassan. En fait, les règles d’origine sont la pierre angulaire pour stimuler le commerce intra-africain, car elles déterminent les marchandises qui bénéficieront d’un traitement préférentiel dans le cadre de cet accord. « Il n’est pas nécessaire d’attendre que nous parvenions à un accord à 100 % sur tous les produits. L’essentiel est de commencer à négocier sur la base des progrès qui ont été réalisés jusqu’à présent », affirme Hassan. Avis partagé par Sally Farid, qui souligne les listes douanières qui constituent l’obstacle le plus important pour la réalisation de l’intégration continentale entre les pays africains. « Cette question en particulier demande beaucoup de temps pour atteindre le point à partir duquel la libéralisation des échanges pourra être lancée. Surtout que les pays négociateurs sont au nombre de 55. Les chefs d’Etat ont donné un délai jusqu’en juillet 2022 pour unifier les règles d’origine », ajoute Sally Farid. Quant au protocole sur le règlement des différends, il est déjà opérationnel, comme l’explique Hassan. « Nous sommes en train de négocier les règles en vertu desquelles seront nommés les membres de l’organe de règlement des différends. C’est le signal que l’Afrique est prête à être régie par les règles du droit commercial, et cela stimulera le commerce et les investissements intraafricains », ajoute-t-il. Selon Albert Muchanga, commissaire au commerce et à l’industrie de la Commission de l’Union africaine, « la vitesse est importante, et un bon indicateur de vitesse est qu’à chaque étape, vous êtes en mesure de fournir des résultats tangibles »
Une nouvelle étape vient d’être franchie vers l’intégration financière de l’Afrique ; le Système panafricain de paiement et de règlement (Papss), une plateforme destinée à faciliter les paiements transfrontaliers instantanés en monnaie locale entre les pays, a été lancé le 13 janvier à Accra. Ce système a déjà été expérimenté dans 6 pays de la zone monétaire ouest-africaine, à savoir le Ghana, le Nigeria, la Gambie, le Liberia, la Guinée et la Sierra Leone. En fait, les paiements transfrontaliers sur le continent nécessitent l’intervention d’une 3e devise, en général le dollar américain ou l’euro. Ainsi, grâce à cette plateforme, le continent pourra économiser plus de 5 milliards de dollars en coûts de transaction de paiement chaque année. Le but est également de réduire les délais, il faut compter en moyenne entre 2 et 14 jours pour les paiements infrarégionaux. Selon le secrétaire général du secrétariat de la ZLECAf, Wamkele Mene, « c’est une solution africaine à un problème africain. Nous avons plus de 42 monnaies en Afrique. Nous voulons réduire et, à terme, éliminer ce coût de 5 milliards de dollars, car il limite la compétitivité de nos PME et rend le commerce coûteux ». Et d’ajouter : « Il s’agit de la réalisation la plus pratique et la plus importante en faveur de l’intégration du système de paiement sur le continent depuis l’indépendance de la domination coloniale ».
Ce qui reste à faire
Bien que les échanges aient été officiellement lancés, les négociations sur de nombreuses questions doivent être résolues avant que l’accord ne puisse pleinement fonctionner. Selon Hassan, il faut disposer régulièrement d’informations et de statistiques fiables, adéquates et mises à jour sur les marchés africains. En fait, selon beaucoup d’observateurs, le manque d’informations sur la ZLECAf constitue un problème majeur. Une enquête réalisée par le Comité panafricain du commerce et de l’investissement du secteur privé (PAFTRAC) a montré que la majorité des personnes interrogées (62,3 %) ne savent où ni comment trouver des informations sur la ZLECAf. Cependant, l’African Trade Gateway, en cours des négociation, sera une plateforme numérique qui fournira des informations sur le marché africain. Actuellement, le site Web du secrétariat renferme des informations sur une série de questions dont les règles d’origine, la liste des concessions tarifaires et les obstacles non tarifaires, et donne accès au mécanisme de notification des obstacles non tarifaires. Selon Hassan, il faut également réglementer et accorder certains privilèges aux PME, aux jeunes et aux femmes, ce sont des catégories qui dominent le secteur informel qui représente 85 % de l’activité économique totale du continent. « En ce qui concerne les femmes africaines, il existe des directives de la part des chefs d’Etat, afin d’élaborer un protocole global sur les femmes et le commerce en Afrique, leur autonomisation économique et les moyens de renforcer leur rôle », souligne-t-il.
Selon beaucoup d’observateurs, il faut promouvoir les avantages de la ZLECAf pour approfondir la participation active du secteur privé qui, selon Sally Farid, joue un rôle central dans la mise en oeuvre des règles fixées par les gouvernements de même que dans le financement et la création d’emploi. « Le secteur privé veut faire partie intégrante des négociations », affirme Amany Asfour, présidente de l’Africa Business Council. « Ce ne sont pas les décideurs politiques et les négociateurs du secteur gouvernemental qui mettront en oeuvre la ZLECAf, mais c’est le secteur privé », ajoute Asfour, soulignant que ce secteur est majoritairement composé de PME, dont beaucoup sont dirigées par des femmes et des jeunes.
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