Al-Ahram Hebdo : Quelle était l’origine de votre expérience ? Et comment aviezvous travaillé dessus ?
Sherin Hegazy : L’idée était celle du chorégraphe, auteur et compositeur écossais Billy Cowie. Le spectacle a été coproduit par Kyoto Experiment et South East Dance avec le soutien d’Arts Council England et de l’Université de Brighton ; il s’agissait d’une oeuvre de danse de 30 minutes filmées en 3D. Et alors que Cowie était en train de revoir son spectacle filmé à travers des lunettes spécifiques, une danseuse impressionnée par la musique entre accidentellement dans le cadre. Ainsi, il a eu l’idée de juxtaposer des danseuses 3D virtuelles avec une danseuse en direct. Une expérience qui a impressionné la société Orient pour la production, qui a décidé d’inviter le spectacle lors du Festival D-CAF en 2016. J’ai été choisie pour accompagner les danseuses virtuelles. J’avais dû passer 9 heures de répétition par jour durant toute une semaine, afin de pouvoir être en harmonie avec les danseuses virtuelles, car il fallait y avoir une sorte de dialogue entre nous.
— Quelles étaient les difficultés rencontrées ?
— La plus grande difficulté était celle de pouvoir bien conjuguer le spectacle, entre moi qui danse sur scène en réel et les danseuses virtuelles. Et comme ces dernières sont japonaises, leurs dimensions sont tout à fait différentes de la mienne, même si nous avons la même taille. A titre d’exemple, elles ont les bras plus longs et les épaules beaucoup plus larges. Ceci a impliqué de m’installer dans des points de position bien déterminés, afin de garder des angles qui permettent la synchronisation entre toutes les danseuses. Et puis, le fait qu’elles soient virtuelles ne rend pas le rapport évident. La danse n’est pas seulement des gestes, mais il y a des réactions humaines derrière.
— Comment était la réception du public ?
— Le spectacle a connu un grand succès, notamment auprès du jeune public qui avait hâte de vivre une expérience différente.
— Comment concevez-vous le futur de la danse contemporaine à la lumière des nouvelles technologies, telle la VR ?
— La danse a toujours existé sans ce qu’on appelle les nouvelles technologies. Par ailleurs, avec Internet, nous assistons à une accélération de sa mutation. A titre d’exemple, le e-learning et les formations en ligne ont le vent en poupe depuis quelques années. Ils sont pratiques quand vous ne pouvez pas vous déplacer, comme ce fut le cas avec le Covid-19, ou que vous avez des horaires qui ne correspondent pas à ceux des écoles classiques. Je donnais des cours en ligne et j’avais des étudiants en Egypte évidemment, mais aussi en Turquie, Allemagne, Indonésie et aux Etats-Unis. Mais quand on arrive au spectacle, c’est autre chose. La danse s’exprime à travers un travail sur le geste, et celui-ci est toujours en relation avec le milieu. Et le spectateur fait plus que participer à la construction du sens, il constitue l’oeuvre elle-même en thématisant son fonctionnement et son sens : il y a une activité cognitive outre que sociale et culturelle. Enfin, écouter de la musique sur SoundCloud par exemple n’est plus comme lorsque vous assistez à un concert live. De même pour la danse : le réel restera à jamais le coeur du spectacle.
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