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Metaverse : GAFAM : Les nouveaux maîtres du monde

Abir Taleb , Lundi, 03 janvier 2022

Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft : ces géants du Web dominent aujourd’hui le monde par leur mainmise sur la technologie numérique et l’économie mondiale, mais aussi par leur influence politique. Un 5e pouvoir ?

GAFAM : Les nouveaux maîtres du monde

GAFA, GAFAM, ces acronymes vous disent-ils quelque chose ? Peut-être pas. Les sigles ne sont pas toujours connus de tous. Mais qui d’entre nous n’est pas familier avec ces noms : Google, Apple, Facebook et Amazon, auxquels on ajoute souvent Microsoft. Et comment ne pas connaître ces « Big Five » ! Nous surfons tous sur Google, avons entre les mains (ou rêvons d’avoir) le dernier Apple, le top des smartphones, passons des heures sur notre compte Facebook, faisons de plus en plus d’achats sur Amazon et installons Microsoft sur notre ordinateur. Bref, les GAFAM sont là, partout. Ils fascinent, émerveillent, inquiètent. Et ils restent intrinsèquement liés : surfer sur Google – qui concentre à lui seul plus de 90 % des requêtes sur Internet à travers le monde –, consulter son compte Facebook – un tiers de l’humanité en a un –, on fait cela sur notre ordinateur – 88 % des ordinateurs de la planète sont équipés de système Windows de Microsoft –, ou notre téléphone portable, souvent un Apple, selon les projections du cabinet d’analyse TrendForce, Apple devrait représenter, lors du 4e trimestre 2021, 23,2 % des parts de marché du secteur, passant de la deuxième à la première place. Les GAFAM envahissent nos vies : du travail à l’éducation, du shopping à la culture, de la sociabilité au divertissement.

Et la crise du Covid-19, qui a accéléré la transformation numérique, a amélioré la rentabilité de ces firmes, qui ont su être au bon endroit au bon moment. Ils dominent leurs marchés respectifs : le secteur des moteurs de recherche, de l’information, des réseaux sociaux et celui du e-commerce. « Mais pas seulement, ils sont devenus des géants tout court. Ils dominent l’ensemble de l’économie mondiale », estime Hussein Suleiman, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Et ne cessant de gagner en influence.

Economiquement parlant d’abord, parce que les GAFAM sont des sociétés qui font en premier lieu du business. Un simple regard sur les chiffres le prouve (voir sousencadré). Les « Big Five » font partie des dix entreprises américaines les plus cotées, elles sont toutes listées au Nasdaq et atteignent une capitalisation boursière de plus de 4,5 billions de dollars.

Oligopole et « Big Data »

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Or, ces entreprises, relativement jeunes (Facebook a été créé en 2004 et Google en 1998, Microsoft en 1975 et Apple en 1976), forment un véritable oligopole. Leur chiffre d’affaires dépasse les PIB de nombreux pays, et pas des moindres. A eux 5, les GAFAM sont davantage valorisés que le montant du PIB du Japon, de l’Allemagne ou de la France !

Pourquoi ces chiffres vertigineux par rapport aux entreprises traditionnelles ? « Parce que ces entreprises sont au coeur des nouvelles technologies numériques, et là, le leader rafle la mise en anéantissant toute concurrence », répond Hussein Suleiman, qui explique également que « les acquisitions, plus de 400 depuis 2004 pour les 5 entreprises, ont renforcé la puissance de ces entreprises ». « On est dans la logique du Winner Takes All (le gagnant remporte toute la mise). Un monopole qui écarte progressivement tout concurrent. C’est le Networking effect, l’effet de réseau où tout repose sur l’utilisation des usagers : la qualité du produit dépend de la quantité des utilisateurs. En gros, plus il y a d’abonnés au service que vous lancez, plus ce service est efficace et plus les nouveaux abonnés affluent. Au bout d’un moment, même ceux qui ne s’y intéressent pas n’ont pas d’autres choix que d’y venir, car le service devient indispensable. C’est le cas pour les Big Five », explique l’expert. Et plus il y a d’utilisateurs, plus les données personnelles sont collectées. C’est ce qu’on appelle le « Big Data ». Ces entreprises détiennent désormais plus d’informations sur les habitudes et les préférences des individus que les gouvernements !

Facebook assemble des informations sur votre travail, vos revenus, vos origines ethniques, votre religion, vos opinions politiques ou encore les publicités sur lesquelles vous cliquez. Ces informations s’ajoutent à des détails personnels comme votre numéro de téléphone, votre adresse e-mail, votre emplacement géographique ou les appareils que vous utilisez. « C’est leur point fort, mais surtout c’est ce qui inquiète le plus. Ils guident nos modes de consommation, nous poussent à acheter tel ou tel produit. Par exemple, si vous êtes amateur de fromage et que vous avez consulté quelques pages en relation sur Facebook, vous allez être bombardé de publicités sur une marque donnée, on vous incite ainsi à acheter cette marque précise », explique Mohamed Shadi, économiste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Et ce n’est pas tout : les GAFAM développent des technologies qui modifient nos méthodes de réflexion. Ils nous télécommandent presque. Et cela n’est pas près de finir : « Avec les nouvelles technologies de reconnaissance faciale, l’inclusion financière et le Metaverse, le pouvoir de ces entreprises va augmenter », dit-il.

De l’emprise économique à l’influence politique

GAFAM : Les nouveaux maîtres du monde
A eux 5, les GAFAM valent l’équivalent du 3e PIB mondial.

Un tel pouvoir est préoccupant et fait l’objet de critiques incessantes. Procédures en justice, enquêtes parlementaires, projets de loi : la bataille se joue sur plusieurs fronts et dans plusieurs Etats. La Russie a condamné le 24 décembre Google et Meta à des amendes record pour n’avoir pas supprimé des contenus « interdits ».

Le 21 décembre, les eurodéputés ont apporté leur soutien à un projet de loi qui pourrait forcer ces mastodontes à s’attaquer à leurs contenus « illicites ». Les élus américains du Congrès sont remontés contre cette toute-puissance qui leur échappe, ils tentent de légiférer, et une enquête parlementaire sur d’éventuels abus de position dominante dure depuis près de deux ans. Mais la tâche s’annonce difficile. « Malgré le scandale de Facebook, il y a trois mois, après les révélations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, le Congrès n’a pas pris de mesures fortes », explique Mohamed Shadi. Selon lui, les simples utilisateurs comme les politiciens sont soumis au pouvoir des GAFA « qui ont dépensé plus de 10 milliards de dollars en 2016, année électorale aux Etats-Unis ».

Pour ces firmes, poursuit-il, « la question n’est pas de soutenir les Républicains ou les Démocrates, mais d’avoir un pouvoir, d’être influents ». Autre exemple, « en menaçant de fermer le compte de l’ancien président américain avant de passer à l’action, les réseaux sociaux faisaient pression sur Donald Trump », ajoute l’expert. Mais en même temps, il n’y a pas de doute que c’est à travers les réseaux comme Facebook qu’il y a eu une mobilisation lors de l’invasion du Capitole en janvier 2020 par des supporters de Trump qui rejetaient les résultats des élections. Et les exemples d’autres mobilisations ayant pesé sur des événements politiques d’envergure dans différents pays ne manquent pas …

Puissance financière, technologique, économique, politique et de sécurité : le pouvoir des GAFAM sur la société moderne est immense, sans doute excessif. « Un vrai danger face auquel il faut réagir », avertit Mohamed Shadi. Les titans du digital font aujourd’hui la pluie et le beau temps. Si, depuis des millénaires, le monde était dirigé par des Etats, aujourd’hui, les géants du Web érigent peu à peu ce dont tous les leaders ont jadis rêvé : un empire mondial couvrant la planète tout entière.

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