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Washington, premier bénéficiaire de l'aide fournie à l'Egypte

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 27 août 2013

Evaluée à 1,3 milliard de dollars par an, l’aide militaire américaine à l’Egypte représente des intérêts stratégiques et économiques importants pour Washington.

Washington
Une partie de l'aide américaine sert à financer la formation des officiers et des soldats égyptiens. Ici, les manoeuvres Bright Star. (Photo: Al-Ahram)

Couper les ponts avec les militaires égyptiens semble être une décision très difficile pour l’Administration américaine, malgré les fortes pressions des députés au sein du Congrès pour supprimer l’assistance militaire à l’Egypte. Depuis le 30 juin, Washington, bouleversé par la chute du régime de Morsi, a pris des mesures punitives contre l’armée égyptienne, à commencer par l’annulation des exercices militaires conjoints, puis la suspension de la livraison de 4 avions de combat de type F-16 qui était prévue en septembre, pour enfin déclarer que « Washington est en train de réexaminer son aide militaire à l’Egypte ». Devant toutes ces menaces, l’Egypte s’est montrée très confiante. Hazem Al-Beblawi, le premier ministre, a adressé un message fort à Washington, prévenant que « la rupture de cette aide militaire serait un mauvais signal ».

Evaluée à 1,3 milliard de dollars par an, l’aide militaire a commencé en 1979, suite aux accords de paix de Camp David. Selon le Service de recherche du Congrès (CRS), l’armée égyptienne est le deuxième récipiendaire de l’assistance américaine après Israël. 80 % des équipements militaires égyptiens sont fabriqués aux Etats-Unis.

Quant à l’aide économique, elle est jugée modeste : seuls quelques 250 millions de dollars sont censés financer notamment des programmes de formation pour les fonctionnaires du gouvernement. La question qui se pose alors, et qui fait même débat dans les cercles américains : Les Etats-Unis oseront-ils suspendre leur aide à l’armée égyptienne ? Pour l’expert stratégique Talaat Mossallam, il est peu probable que les Etats-Unis mettent fin à une assistance militaire dont ils tirent profit plus que l’Egypte même. « Les mesures entreprises par Obama visent essentiellement à calmer les contestations américaines. Cette aide est importante pour Washington pour beaucoup de raisons stratégiques et même économiques », dit-il.

Le libre passage à travers le Canal de Suez et l’espace aérien égyptien est l’une des garanties mentionnées dans le cadre de la coopération militaire avec Washington, qui sera certainement mise en cause en cas de rupture des aides militaires. Entre 35 et 45 navires de la cinquième flotte américaine naviguent annuellement dans le Canal de Suez. Et plus de 2 000 avions militaires américains traversent l’espace aérien égyptien. Le Pentagone, qui souffre ces jours-ci d’un déficit budgétaire, va avoir du mal à changer de route pour transporter son matériel. Une partie de l’assistance militaire sert à financer la formation des officiers et des soldats égyptiens, surtout des forces spéciales, en organisant tous les deux ans l’opération Bright Star, une grande manoeuvre qui se déroule en Egypte avec la participation d’environ 25 000 militaires américains. Ces manoeuvres militaires conjointes, datant de 1981, ont été annulées 2 fois : la première en 2003 par l’Egypte comme protestation contre l’invasion de l’Iraq, et la deuxième en 2011 en raison des troubles politiques qui avaient conduit à la chute de Hosni Moubarak. « Ayant comme but d’améliorer la capacité des combattants des deux côtés, les Etats-Unis sont les plus grands bénéficiaires de ces exercices qui leur permettent de connaître et de s’adapter à l’atmosphère de la région », explique Mossallam.

Conséquences financières

Au-delà de ces considérations stratégiques, une annulation de l’aide américaine aurait des conséquences financières importantes pour les Etats-Unis. La majeure partie de cette somme est dépensée dans l’acquisition d’équipements américains, leur mise à niveau ou leur maintenance. De fait, l’aide, via le système de Financement militaire étranger (FMF), n’est pas versée à l’Egypte. C’est Washington qui passe directement les contrats avec les industriels de la défense américaine pour fournir les équipements militaires réclamés par Le Caire. En cas de rupture de l’aide à l’Egypte, Washington aurait toujours une obligation à l’égard des industriels et devrait s’acquitter de lourdes pénalités en cas d’annulation des contrats qui, dans ce domaine, s’étalent sur de nombreuses années. De gros contrats sont actuellement en cours avec un bon nombre de compagnies d’armement, allant de missiles Stinger et pièces détachées pour véhicules aux systèmes de reconnaissance des F-16, en passant par les capteurs pour hélicoptères Apache. Certaines de ces commandes égyptiennes devront prendre fin en 2018.

Certaines usines américaines d’armement risquent très gros en cas de suspension des aides, comme l’usine General Dynamics à Lima, où est construit le char M1A1 Abrams. La dernière commande par l’Egypte de 125 M1A1 permettra à cette usine de garder ses lignes de production ouvertes jusqu’en 2014 pour la fabrication de pièces détachées qui sont ensuite expédiées et assemblées en Egypte. Sans ce contrat, General Dynamics pourrait bien être obligée de fermer ses portes.

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