Le Musée de Mallawi, ravagé par les pro-Morsi.
« Mais que font les responsables de l’Unesco par rapport à la situation en Egypte ?». La question est restée sans réponse pendant plus de cinq jours.
C’est que depuis le 14 août dernier, avec la dispersion des sit-in pro-Morsi, le patrimoine culturel égyptien fait face à des attaques systématiques. La plus sérieuse a été le pillage et la destruction de monuments du Musée de Mallawi à Minya (sud), ou encore l’attaque de celui de Rachid à Alexandrie, Rommel à Marsa Matrouh. Sans compter celle de la Bibliotheca Alexandria, en plus de villas et palais historiques à travers le pays.
Ce n’est que le lundi 19 août la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, a exprimé sa vive inquiétude concernant le patrimoine culturel égyptien. « Je condamne avec fermeté les attaques contre les institutions culturelles du pays et le pillage de ses biens culturels », a-t-elle déclaré. « Il s’agit de dommages irréversibles pour l’histoire et l’identité du peuple égyptien », a-t-elle ajouté. Cette réaction tardive n’a eu lieu qu’à la suite d’une réunion de l’ambassadeur Mohamad Sameh Amr, délégué égyptien permanent à l’Unesco, avec les responsables de l’organisation pour éclaircir l’affaire.
Cette déclaration de l’Unesco intervient aussi à la suite de plusieurs appels officiels, dont celui du ministère des Antiquités. La semaine dernière, lors d'une conférence de presse, Moustapha Hégazi, le conseiller du président par intérim Adly Mansour, a condamné les vols au Musée national de Mallawi et la violence contre les églises à caractère historique aux quatre coins du pays.
Mohamad Ibrahim, ministre des Antiquités, a de son côté déclaré : « Un autre document avec photos des monuments volés doit être présenté au Conseil international des musées (ICOM), afin de placer ces antiquités sur la liste rouge mondiale pour faire cesser le commerce illégal des pièces répertoriées ». Des mesures sécuritaires ont été prises afin de protéger l’entrepôt d’Al-Achmounin à Minya où seront transférés le reste du musée ainsi que les pièces trouvées ou rendues par des citoyens.
Irina Bokova a également appelé les autorités égyptiennes à prévenir le trafic des biens culturels volés au Musée national de Mallawi. Elle a rappelé que l’Unesco était prête à fournir une aide technique dans ce domaine et à mobiliser les organisations partenaires de la Convention de 1970 contre le trafic illicite des biens culturels, notamment l’ICOM, l’ICOMOS, Interpol et l’Organisation mondiale des douanes. Une réaction tardive de la directrice générale de l’Unesco qui a exhorté les autorités égyptiennes à assurer la protection et l’intégrité des musées, des sites et des monuments historiques, notamment religieux.
Campagne sur Internet
Pour sa part, Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’Onu (1992 à 1997) et ex-secrétaire général de la Francophonie (1997-2002), a lui aussi appelé l’Unesco pour protéger les trésors égyptiens. Les jeunes archéologues de l’Association de la protection du patrimoine égyptien ont de même lancé une campagne sur Internet en plusieurs langues (arabe, anglais, français et allemand), afin de faire part de leur déception face à la position de l’Unesco qui avait pourtant réagi presque instantanément dans des situations similaires en Iraq, Syrie ou à Tombouctou au Mali. « Nous, Egyptiens, en particulier les groupes d’archéologues et employés au ministère des Antiquités, sommes mécontents et regrettons le lourd silence de l’Unesco (...). Nous appelons à des positions claires et explicites de l’Unesco sur la violation, le vol et la démolition des bâtiments et musées archéologiques en Egypte », a signé Ahmad Chehab, vice-président de l’association.
Au-delà de ces réactions, Salah Al-Hadi, coordinateur général de l’Union des archéologues arabes, a demandé au ministre des Antiquités de menacer les missions étrangères archéologiques des pays intervenant dans les affaires internes égyptiennes, et d’empêcher la poursuite de leur travail en Egypte en raison de leur soutien au « terrorisme ».
L’Unesco s’est finalement rattrapée. « Le patrimoine culturel exceptionnel de l’Egypte n’est pas seulement un héritage du passé, reflétant son histoire riche et plurielle, c’est également un legs pour les générations à venir et sa destruction fragilise les fondements de la société égyptienne », a conclu la présidente de l’Unesco .
Mesures de protection des antiquités
Face aux attaques contre le patrimoine, les archéologues réclament le renforcement des mesures de sécurité sur les sites archéologiques et les musées. Réagissant à ce qu’ils ont considéré comme des menaces contre le Musée de Manial au Caire, les habitants et les passionnés d’art et de culture ont décidé d’assurer sa sécurité eux-mêmes. Dans le même contexte, le Musée du Caire, place Tahrir, reste fermé pour une période indéterminée. Grâce à des numéros de téléphone mis en place pour faciliter la récupération des pièces disparues pendant le pillage du Musée national de Mallawi, 172 pièces ont été restituées depuis par des citoyens et 57 autres ont été déposées dans les entrepôts du musée afin de les protéger. Les autorités ont promis des récompenses financières en cas de restitution des oeuvres. En effet, les attaques contre le patrimoine égyptien ne sont pas seulement dues aux violences politiques : le ministère des Antiquités a annoncé que quatre familles ont tenté de pénétrer dans le site archéologique de Dahchour à Guiza et de piller des tombes privées. Les forces armées et les habitants sont intervenus pour les arrêter.
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