L’allée des béliers était utilisée pendant la fête d’Opet qui se déroulait chaque année et qui était l’une des festivités les plus importantes de l’Egypte Ancienne. Organisée après la saison des récoltes pendant les mois d’octobre et de novembre, elle était dédiée à la triade locale de Thèbes : le dieu Amon, son épouse la déesse Mout et leur fils Khonsou. Sous le règne de Thoutmosis III, les célébrations duraient 11 jours, ensuite la durée des festivités a été prolongée à 24 jours et à 27 jours sous le Nouvel Empire. «
Pendant ce festival, il y avait une procession qui débutait et terminait son parcours au temple de Karnak.
On plaçait 3 statues représentant les dieux dans des barques portées par des prêtres le long de la grande allée pour arriver au temple de Louqsor puis revenir », raconte Magdi Chaker, archéologue au ministère du Tourisme et des Antiquités, soulignant que les rituels de la fête d’Opet sont détaillés sur les parois de la chapelle d’Hatchepsout au temple de Karnak.
D’après l’archéologue Essam Nagui, qui dirige une mission de fouille à la chapelle d’Osiris Ptah-Neb-ânkh, dans le Xe pylône de Karnak, les rituels de cette fête sont indiqués à plusieurs endroits.
« A part les inscriptions de la chapelle d’Hatchepsout au temple de Karnak, on les trouve aussi sur les parois est et ouest de la grande cour des colonnes au temple de Louqsor édifié sous le règne du jeune roi Toutankhamon, de même qu’au temple du dieu Khonsou à Karnak et dans les temples du Ramesseum et de Habou situés à quelques kilomètres des temples de Louqsor et de Karnak », explique-t-il.
Chaker affirme que « les inscriptions révèlent les nombreuses caractéristiques de cette fête comme la musique, la danse, les marches militaires, la présentation des offrandes et autres ». Selon lui, l’inauguration de l’Allée des béliers ressuscite en quelque sorte cette fête importante chez les Anciens Egyptiens.
La chapelle de la reine Hatchepsout
Hatchepsout, la reine de la XVIIIe dynastie, a commencé à bâtir sa chapelle au sein du temple de Karnak vers la fin de son règne entre l’an 17 et 20, celle-ci a été légèrement modifiée par son successeur Thoutmosis III.
La fête est inscrite sur différentes parois
des temples thébains.
Destinée à servir d’abri à la barque sacrée du dieu de Thèbes, Amon, cette chapelle, de forme rectangulaire, conserve différentes inscriptions religieuses et politiques à travers lesquelles Hatchepsout défend la légitimité de son règne. La chapelle est nommée « Set-Ib-Imen », ce qui signifie « la place favorite d’Amon ». C’est grâce au Centre Franco-Egyptien d’Etudes des Temples de Karnak (CFEETK) que des experts ont pu, au début du XXe siècle, à travers des travaux d’anastylose, reconstruire la chapelle et découvrir son décor.
« Sur la paroi sud, les inscriptions montrent la fête d’Opet. On peut voir le début de la fête et le principal événement qui est le transfert de la barque sacrée d’Amon dite la barque Ouserhat des temples de Karnak au temple de Louqsor », indique l’archéologue Essam Nagui. Il affirme que sur la paroi nord figure une autre fête qui est « La Belle Fête de la Vallée », illustrée également avec le transfert de la barque d’Amon jusqu’au temple de la reine à Al-Deir Al-Bahari.
« Le retour de la barque sacrée Ouserhat lors de la fête d’Opet, ainsi que son retour de la Belle Fête de la Vallée sont aussi représentés sur les parois de la chapelle », explique Chaker, ajoutant que la chapelle renferme aussi de nombreuses scènes d’offrandes aux différentes divinités, dont notamment Amon. « Par ces décors et ces inscriptions, Hatchepsout montrait son adoration du dieu Amon et son remerciement pour le fait qu’il l’avait désignée comme pharaon légitime devant tout le peuple », conclut Chaker.
Comment l’Opet était fêtée ?
La fête commençait par le roi qui allumait l’encens, offrait du vin en l’honneur du dieu Amon et lui présentait des bouquets de fleurs.
Le roi déposait les offrandes dans les barques transportant la triade de Thèbes : Amon, son épouse Mout et leur fils Khonsou.
Ces barques étaient ensuite portées par les prêtres, chauves et vêtus de lézards, du IIIe pylône, construit par Amenhotep III, jusqu’au Nil.
Le cortège comprenait des porteurs de drapeaux, des soldats, des groupes de musiciens et d’orchestre avec des joueurs de trompettes et de tambours, ainsi que des danseuses qui accompagnent gaiement la foule.
Cette triade quittait le temple de Karnak, transportée sur une barque de célébrations à destination du temple de Louqsor, où elle séjournait un certain temps.
Arrivées au temple de Louqsor, les barques étaient de nouveau accueillies par des soldats piétons, d’autres sur leurs chars, des danseuses, des musiciens et des porteurs d’offrandes. C’est ici que les bouchers commençaient à sacrifier des boeufs.
Les barques étaient à nouveau portées par des prêtres de même allure, traversant une seconde cour hypostyle jusqu’à l’intérieur du temple de Louqsor, où elles prenaient place dans de petites chapelles créées spécialement pour cette fête.
Après le séjour au temple de Louqsor, le cortège refaisait le trajet pour retourner au temple de Karnak.
L’hymne d’amour à Amon-Rê
La parade entre les temples de Karnak et de Louqsor sera accompagnée de l’hymne d’Amon-Rê. En voici un extrait.
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Le radieux, seigneur des devenirs, multiple d’aspects,
Les coeurs sont rassasiés de ton amour !
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Soleil né du ciel, qui crée la terre, qui crée les eaux et les montagnes,
Qui fait venir à l’existence tous les êtres !
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Tu as illuminé la terre plongée dans les ténèbres,
Tu surgis hors du Noun, hommes et dieux viennent à ta suite.
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Le puissant, aux noms multiples, que nul ne connaît
Celui qui nous regarde de loin, mais proche pour nous entendre.
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Aux bras vigoureux, seigneur de la force, prompt à la colère,
L’irritable qui terrasse ses ennemis !
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Le miséricordieux, seigneur des bienfaits, riche d’amour et de bonté,
Qui écoute les plaintes, venant vers celui qui l’appelle !
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Qui engendre tous les hommes, qui crée leur subsistance,
L’unique, le fort qui fait vivre ! Il ne se lasse pas !
Extrait du papyrus hiératique 3049 de Berlin
P. VIII, lignes A 1-7, XXIIe dynastie, vers 945-715 av. J.-C.
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