La biodiversité lourdement affectée
Le changement climatique entraîne des risques majeurs pour la biodiversité africaine. L’Afrique abrite une faune et une flore terrestres et marines abondantes et diverses qui forment des écosystèmes complexes. Les aires protégées de l’Afrique couvrent une superficie importante d’environ 10,5 % de l’Afrique centrale et occidentale et de 14,5 % de l’Afrique australe et orientale. Or, selon les études, le dérèglement du climat pourrait à lui seul provoquer d’ici 2100 la disparition de plus de 50 % de certaines espèces d’oiseaux et de mammifères et entraîner une baisse d’environ 30 % de la vie végétale et animale qui se développe dans les lacs. Les changements dans les précipitations et les températures influencent la qualité de l’habitat et par conséquent, l’abondance des espèces fauniques. Par exemple, la sécheresse en Afrique australe accompagnée par des vagues de chaleur a entraîné la mort de plusieurs espèces sauvages. Les grands herbivores, tels les éléphants et les hippopotames en particulier, sont les plus vulnérables au changement climatique. La déforestation en Côte d’Ivoire est la plus forte d’Afrique. 90 % de la forêt a disparu au cours des 60 dernières années. Confrontés au braconnage et à la destruction progressive, les grands mammifères ont quasiment disparu. En outre, 34 espèces ont rejoint la liste rouge. Cinq espèces sont en danger critique d’extinction, notamment le crocodile à nuque cuirassée, la panthère, le cercopithèque Diane, le colobe magistrat et le chimpanzé, tandis que 9 espèces sont menacées d’extinction.
Le bassin du Congo, qui abrite la deuxième plus vaste forêt tropicale du monde, après l’Amazonie, est aussi menacé de déforestation. Il représente près de 10 % de la biodiversité mondiale avec plus de 400 espèces de mammifères, 1 000 espèces d’oiseaux et 10 000 espèces de plantes. Ce bassin constitue une source d’alimentation indispensable à plus de 60 millions d’êtres humains. En outre, la fonte rapide des derniers glaciers d’Afrique de l’Est alerte d’un changement imminent et irréversible du système terre. Les trois montagnes d’Afrique couvertes de glaciers, le massif du Mont Kenya (Kenya), les Monts Rwenzori (Ouganda) et le Mont Kilimandjaro (Tanzanie) ont enregistré un taux de recul supérieur à la tendance mondiale. Selon les experts, comprendre l’influence de ces facteurs climatiques sur les ressources fauniques est vital pour la gestion adaptative et la protection de la biodiversité.
Encore plus d’insécurité alimentaire
Les changements climatiques sont l’un des principaux facteurs de l’augmentation significative de l’insécurité alimentaire. « L’augmentation des précipitations, la hausse des températures et l’accroissement des phénomènes météorologiques extrêmes ont contribué à aggraver l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les déplacements de populations en Afrique en 2020, ce qui n’a fait qu’accentuer la crise socioéconomique et sanitaire déclenchée par la pandémie de Covid-19 », indique un récent rapport multi-institutions sur l’état du climat en Afrique 2020, coordonné par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Le rapport indique que l’Afrique s’est réchauffée plus rapidement que la moyenne mondiale, terres et océans confondus. L’année 2020 se positionne entre la troisième et la huitième année la plus chaude jamais enregistrée en Afrique. Selon ce rapport, d’ici 2030, on estime que jusqu’à 118 millions de personnes extrêmement pauvres seront exposées à la sécheresse, aux inondations et aux chaleurs extrêmes en Afrique si des mesures adéquates ne sont pas prises. En Afrique subsaharienne, la population touchée par l’insécurité alimentaire en 2020 a augmenté de près de 40 % par rapport à l’année précédente. Pour faire face à l’intensification de ce phénomène à fort impact, le rapport estime qu’il serait nécessaire d’investir dans « les infrastructures hydrométéorologiques et les systèmes d’alerte précoce ».
En outre, les enquêtes menées par le Fonds Monétaire International (FMI) auprès des ménages dans quelques pays africains, dont Malawi, le Mali, le Niger et la Tanzanie, ont révélé qu’il était possible de réduire le risque d’insécurité alimentaire en améliorant l’accès aux systèmes d’alerte précoce et aux informations sur le prix des denrées alimentaires et les conditions météorologiques. Ainsi, selon l’étude, informer les agriculteurs sur le moment de cultiver, d’irriguer ou de fertiliser permettrait de développer une agriculture tenant compte des facteurs climatiques.
Une nouvelle cause de migration
Les impacts du changement climatique inciteront de plus en plus les gens à migrer. Certains endroits deviendront moins vivables en raison du stress thermique, des événements extrêmes et de la perte des terres, tandis que d’autres zones pourraient devenir plus attrayantes en raison des changements induits par le climat, comme l’augmentation des précipitations. Selon une étude récente publiée par la Banque Mondiale (BM), l’Afrique subsaharienne pourrait enregistrer à l’horizon 2050 jusqu’à 86 millions de migrants climatiques internes. Bien qu’elle soit la région du monde qui contribue le moins au réchauffement planétaire, elle subit les effets les plus dévastateurs. Quant aux pays d’Afrique de l’Ouest et du bassin du lac Victoria, les données montrent que des points chauds de la migration climatique pourraient émerger dès 2030, en soulignant que sans action concrète en matière de climat et de développement, l’Afrique de l’Ouest pourrait voir jusqu’à 32 millions de personnes contraintes de se déplacer au sein de leur territoire.
Dans les pays du bassin du lac Victoria, ce nombre pourrait atteindre 38,5 millions. « L’ampleur des migrations climatiques internes pourrait toutefois être réduite de 30 % dans la région du lac Victoria et de 60 % en Afrique de l’Ouest grâce à des mesures immédiates et concertées pour favoriser un développement vert, inclusif et résilient », indique la BM. Et de conclure : « Se préparer à chaque phase de la dynamique migratoire est indispensable, afin que les migrations climatiques internes, utilisées comme stratégie d’adaptation, produisent des résultats positifs dans le domaine du développement ».
Le patrimoine africain menace
Le changement climatique et les événements météorologiques extrêmes menacent de détruire des sites et des monuments culturels inestimables du patrimoine mondial africain, vient de prévenir l’Unesco dans une étude récente, affirmant qu’une « intervention significative » est nécessaire pour sauver ces sites patrimoniaux. Certains pays sont mieux placés pour faire face à l’impact du changement climatique sur leur patrimoine culturel. L’Egypte, selon l’étude, est située dans une région de basse altitude à un risque grave d’inondations dans les prochaines décennies, mais elle est pourtant bien équipée pour faire face à certains défis. Quant aux sites considérés comme menacés, on peut citer Suakin, situé au nord-est du Soudan, qui était avant 3 000 ans un port extrêmement important sur la mer Rouge. Il renferme encore de beaux exemples de maisons et de mosquées. Mais, une grande partie de Suakin est en ruine à cause de l’élévation du niveau de la mer et l’érosion côtière. Au Kenya, selon l’Unesco, la vieille ville de Lamu, la colonie swahili la plus ancienne d’Afrique de l’Est, a été « sévèrement touchée par le recul du rivage », ce qui signifie qu’elle a perdu la protection naturelle autrefois offerte par le sable et la végétation. Le Ghana et les Comores, un archipel volcanique au large de la côte est-africaine qui possède plusieurs sites bien conservés, dont une médina et un palais vieux de plusieurs centaines d’années, sont parmi les endroits « les plus menacés » par l’élévation du niveau de la mer en Afrique.
Selon l’étude, d’ici 2050, la Guinée, la Gambie, le Nigeria, le Togo, le Bénin, le Congo, la Tunisie, la Tanzanie et les Comores seront tous menacés par l’érosion côtière et l’élévation du niveau de la mer. En Namibie, le site Twyfelfontein dans la région de Kunene, décrit par l’Unesco comme « un registre étendu et de grande qualité des pratiques rituelles relatives aux communautés de chasseurs-cueilleurs dans cette partie de l’Afrique australe sur au moins 2 000 ans », est menacé de disparaître à cause de l’humidité qui augmente dans les zones relativement arides et crée les conditions propices à la prolifération des champignons et de la vie microbienne sur les roches.
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