Entouré par diverses crises à l’intérieur comme à l’extérieur, pressé par des relations de plus en plus tendues avec l’Europe (voir sous-encadré), le président turc, Recep Tayyip Erdogan, se tourne vers l’Afrique. « Le partenariat avec ce continent est stratégique », a ainsi résumé Erdogan, qui a effectué la semaine dernière une tournée en Afrique de l’Ouest (Angola, Nigeria et Togo). Une tournée qui prépare au troisième sommet Turquie-Afrique qui doit se tenir à Istanbul en décembre.
Ankara veut donc passer à la vitesse supérieure sur le plan économique. Mais aussi et surtout, les perspectives se sont élargies à d’autres volets politiques et militaires. La Kigali Arena au Rwanda, une mosquée au Ghana, une base militaire en Somalie, un projet de chemin de fer entre l’Ethiopie et Djibouti: autant de chantiers emblématiques menés par des entreprises turques sur le continent et qui prouvent les différentes ambitions turques. D’ailleurs, une importante délégation de la Savunma Sanayii Baskanligi, l’agence qui pilote l’industrie militaire turque, était présente dans cette tournée.
Or, la Turquie n’est pas le seul pays à faire les yeux doux à l’Afrique. Elle a des concurrents puissants comme la Chine, la France, la Russie et Israël. Aussi, « conquérir » le continent n’est pas si facile pour Ankara. Selon Béchir Abdel-Fattah, spécialiste de la Turquie au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, il existe plusieurs défis. « Avec le recul de son économie, la Turquie ne pourra pas facilement rivaliser avec d’autres pays plus puissants comme la France et la Russie », souligne Béchir, expliquant que le cas est le même, que ce soit dans le domaine de l’investissement ou dans le domaine militaire
10 ambassadeurs occidentaux « persona non grata »
Pendant qu’Erdogan se tourne vers l’Afrique, ses brouilles avec les Occidentaux n’en finissent pas. Samedi 23 octobre, il a annoncé samedi ordonner à son ministère des Affaires étrangères de déclarer « persona non grata » dix ambassadeurs, dont ceux de la France, de l’Allemagne et des Etats-Unis, et ce, parce que ces ambassadeurs avaient appelé la semaine dernière à la libération immédiate de l’opposant Osman Kavala, bête noire du régime turc. Ces ambassadeurs « doivent connaître et comprendre la Turquie », a affirmé Recep Tayyip Erdogan en les accusant « d’indécence ». « Ils devront quitter » le pays « s’ils ne le connaissent plus », a-t-il ajouté. Mesure rare dans les relations internationales, déclarer « persona non grata » des diplomates ouvre la voie à leur expulsion ou leur rappel par leur propre pays. Le Conseil de l’Europe a récemment menacé la Turquie de sanctions, qui pourront être adoptées lors de sa prochaine session (30 novembre au 2 décembre) si l’opposant n’est pas libéré d’ici là. A l’intérieur, le chef de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu, a estimé que la menace d’une prochaine expulsion des ambassadeurs risquait de « précipiter le pays dans le gouffre »
Chiffres
30 : nombre de pays africains visités par Erdogan en 20 ans.
De 9 à 43 : augmentation des représentations diplomatiques turques en Afrique au cours des dix dernières années.
De 5 à 25 milliards de dollars : augmentation du montant des échanges commerciaux entre la Turquie et l’Afrique depuis 2003.
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