Entrée de l’exposition sur Kieslowski.
Chargé d’organiser cette rétrospective à l’honneur du grand réalisateur polonais Krzysztof Kieslowski, le scénographe et chef décorateur égyptien Onsi Abou-Seif a plongé pendant plusieurs mois dans son univers, découvrant ce qu’il avait de plus exceptionnel. «
Faire des films sur les gens, sans être explicitement politiques. Ses fictions montrent plutôt l’effet de la politique sur les gens », souligne Onsi Abou-Seif, à qui le Festival d’Al-Gouna a rendu hommage l’an dernier et a consacré une exposition similaire, au même emplacement, dans le campus de l’Université allemande (TUB).
Quelque 70 photos et affiches de films de Kieslowski, provenant pour la plupart de la collection du Musée de Lodz, sont bien agencées, de manière à nous faire vivre une belle expérience visuelle, tout en étant fidèle à l’univers de ce réalisateur hors pair. Né à Varsovie en 1941, il y est mort en 1996, après une chirurgie du coeur. En dehors de cette ville qui lui était si chère, il se sentait constamment étranger, alors qu’il a tourné partout dans le monde, comme il l’affirme dans le documentaire de dix minutes, projeté dans l’une des salles de l’exposition. Intitulé Krzysztof Kieslowski, I’m so-so, celui-ci est réalisé par Krzysztof Wierzbicki, offrant un entretien passionnant avec le metteur en scène sensible et exigeant.
Il y raconte son enfance pauvre dans son pays natal, notamment après l’atteinte de son père de tuberculose, ainsi que ses années d’études à l’Institut du cinéma au Lodz Film School jusqu’en 1968. Il a d’abord réalisé une vingtaine de films documentaires, décrivant la société polonaise, avant de passer à la fiction en 1976. Ses longs métrages s’inscrivent dans le courant du cinéma de l’inquiétude morale et du mouvement réaliste polonais, qui aborde des questions sociales complexes. Au fur et à mesure, le traitement visuel de ses oeuvres devient plus sophistiqué, contrairement à la forme ascétique du départ.
Cycle de films
Amir Ramses, directeur artistique du festival, lors du vernissage.
Outre l’exposition, le Festival d’Al-Gouna projette quelques-uns de ses chefs-d’oeuvre, tels La Double vie de Véronique et La Trilogie : Bleu, Blanc, Rouge. Le premier film trace deux histoires qui cheminent en parallèle, celles de deux femmes identiques, qui ont une belle voix, l’une vivant en France et l’autre en Pologne. Et la trilogie, l’oeuvre qui a scellé sa renommée internationale, deux ans avant sa mort, explore comment fonctionne aujourd’hui la trinité de la révolution française : liberté, égalité, fraternité. Le réalisateur interroge l’impact de ces trois mots sur les plans humain, intime et personnel, plutôt que philosophique, politique et social.
Du coup, il a collaboré comme d’habitude avec son partenaire, avocat de formation, lequel a écrit avec lui plusieurs de ses films dont Le Décalogue, Brève histoire d’amour et La Double vie de Véronique. Car Krysztol Piesiewicz partageait avec lui le même prénom, qui veut dire Christophe en français, mais aussi le même penchant de s’inscrire dans le réel d’une société, au lieu de planer dans un monde métaphysique. « De quoi lui avoir attiré, de son vivant, les foudres des uns et des autres, étant souvent décrié par les gens au pouvoir, leurs opposants et tous ceux qui ne voulaient pas voir les choses en face », fait souligner Mohamad Atef, programmateur des films de la compétition sur les courts métrages à Al-Gouna, ajoutant que la consécration de sa trilogie à Cannes l’a placé sous les feux des projecteurs, alors qu’il tournait depuis plus de 20 ans. On a commencé à redécouvrir son oeuvre, comme on le fait aujourd’hui avec cet hommage que lui rendent les organisateurs du festival.
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