
Les séries turques ébranlent le trône égyptien.
Au maroc, l’invasion des séries étrangères est, plus que jamais, de mise. Diffusées sur les trois premières chaînes nationales, des séries turques, sud-coréennes, sud-américaines ou indiennes concurrencent les séries égyptiennes qui, jadis, généraient une grande part d’audience dans le pays.
Du point de vue sociologique, beaucoup de femmes au foyer et autant de fonctionnaires publiques marocaines avouent n’avoir d’yeux, désormais, que pour ces séries qui apportent une sensation de « jamais-vu » au public marocain. Donne confirmée par Averty, un institut de sondage de la place. Celui-ci démontre, d’ailleurs, que le choix de l’arabe marocain n’est pas fortuit : les conversations entretenues, les scènes de vie, aussi différentes puissent-elles être, s’adressent à l’inconscient du spectateur et lui donnent l’impression qu’elles lui parlent …
Cependant, du point de vue culturel, les critiques fusent de partout dès que la question de l’identité marocaine est soulevée. Preuve en est ces producteurs marocains qui s’accordent à augurer un avenir incertain à la production télévisuelle nationale. Pour ces derniers, le doublage ne joue pas à fond le jeu de la « marocanisation » et le concept lui-même reste vague, voire loin de l’innovation. Plug-in Studio n’est autre que la première agence de doublage en arabe marocain dans le pays. Au quartier huppé casablancais, Mâarif, nous avons été sidérés devant le nombre de candidatures déposées par les artistes de voix off. Pour Jérôme Boukobza, patron du studio, « doubler des séries étrangères en arabe marocain a été initié par nos soins, non sans la collaboration de la deuxième chaîne marocaine il y a quelques années. Suite à l’intérêt que cela a suscité auprès de la masse, nous avons jugé nécessaire de continuer sur notre lancée ». Et de continuer : « S’adresser à un public dans son langage parlé n’est pas qu’un procédé marketing. Beaucoup souhaitent voir des séries turques ou occidentales qui s’intéressent, d’une manière ou d’une autre, au vécu de la famille marocaine.
En traduisant le script, nos interprètes rapprochent le vécu étranger du nôtre et raccourcissent les distances linguistiques. Quoi de plus alléchant pour le public marocain qui est constamment avide de renouveau et de fraîcheur ». Quoi que l’on dise, nombreux sont ceux qui ont du mal à « digérer le concept ». Ceux-ci mettent à l’index, la plupart du temps, les dissemblances des classes sociales entre le Maroc et le pays originaire de la série, ainsi que la quasi-absence du contexte religieux qui est, pourtant, inhérent à la vie marocaine. De ce fait, réalisateurs et producteurs audiovisuels s’accordent à dire que les séries égyptiennes sont de loin plus naturelles et proches du contexte marocain, malgré les différences raisonnables. Toutefois, le seul arbitre reste le téléspectateur.
Pour Maroc-métrie (branche de la société française Médiamétrie), en 2008, les séries étrangères doublées étaient aussi regardées que celles égyptiennes. Les séries turques arrivent en tête. A l’époque, le taux de diffusion de ces oeuvres doublées était nettement inférieur à celui de ces deux dernières années. Aujourd’hui, la donne a changé, invasion de ces séries provenues d’ailleurs oblige. Maroc-métrie en déduit que ces productions, locales malgré les circonstances, s’accaparent des trois quarts de la part d’audience réservée aux séries télévisées. Mais grâce aux chaînes satellitaires, ces statistiques restent approximatives. Autrement dit, les familles marocaines qui n’ont d’yeux que pour les chaînes égyptiennes, libanaises ou émiraties sont légion et le cinéma du pays des pharaons réussit, de cette manière, à pénétrer les petites lucarnes des amoureux des mélodrames à l’eau de rose qui raflent trophées et oscars lors des festivals de ce même pays .
Et les séries locales ?
Les séries télévisées entièrement tournées en dialecte marocain ont toujours été synonymes du mois du Ramadan. Producteurs et réalisateurs cherchent, de cette manière, à amuser le téléspectateur et meubler ses longues heures de jeûne. Pendant les autres mois de l’année, le téléspectateur marocain avait droit à des séries américaines doublées en français mais aussi à des séries provenues d’ailleurs, souvent doublées en arabe classique. Les séries égyptiennes et syriennes, elles, ont le plus souvent fait et font encore parti du PAM (Paysage Audiovisuel Marocain). Toutefois, lors de cette dernière décennie, les maisons de production ne lésinent plus sur les moyens pour réaliser, bon an, mal an, un nombre considérable de séries « maroco-marocaines ». Pour le Centre Cinématographique Marocain (CCM), le taux de production des séries marocaines reste aléatoire. Les chaînes marocaines, elles, diffusent entre 3 et 5 séries locales par an, sitcomcomprises
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