Le nouveau président malien affrontera certains défis, dont la réconciliation et l'économie.
(Photo: AP)
Elu avec un score écrasant de 77,6 % des voix contre 22,3 % de son rival Soumaïla Cissé, Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, cet ancien premier ministre dans les années 1990, doit prendre rapidement des mesures concrètes pour redonner confiance à des Maliens choqués et divisés par le chaos qui s’est répandu dans le pays pendant plus de dix-huit mois. Son premier défi sera d’unir les Maliens. Fort de ce succès exceptionnel,
IBK souhaite mettre en place un gouvernement de large union. A plusieurs reprises, il a indiqué que sa première tâche serait « la réconciliation ». « Je ramènerai la paix et la sécurité. Je renouerai le dialogue entre tous les fils de notre nation », a-t-il répété pendant sa campagne électorale. Cette réconciliation est en particulier avec la minorité touareg du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad), qui souhaite obtenir une autonomie sur une partie du Nord-Mali, mais se sent marginalisée
par les djihadistes liés à Al-Qaëda. Après un coup d’Etat militaire qui, le 22 mars 2012, a renversé le président Amadou Toumani Touré, les djihadistes ont laminé la rébellion touareg et l’armée malienne et commis d’innombrables exactions avant d’être en grande partie chassés par l’intervention militaire franco-africaine toujours en cours. Par ailleurs, un accord intérimaire signé en juin dernier à Ouagadougou entre des représentants du régime malien de transition et les rebelles touaregs prévoit l’ouverture de « pourparlers de paix » dans les soixante jours suivant la mise en place du nouveau gouvernement. Outre la réconciliation et l’affrontement des djihadistes,
la crise économique et la relance de l’économie nationale sont l’autre grand défi majeur du nouveau président malien. Le coup d’Etat et les affrontements au nord ont fait plonger l’activité économique.
Seule une pluviométrie favorable a permis à l’agriculture, et donc à toute l’économie de tenir plus ou moins le choc. L’agriculture malienne est un secteur auquel Keïta et son gouvernement devront consacrer beaucoup de temps et d’argent. Selon Emmanuel Dupuy, spécialiste des relations internationales au sein de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) qu’il dirige, les Maliens attendent aussi du président une homogénéisation des richesses entre le centre et les périphéries du nord et du sud du pays. « Le nouveau pouvoir devra oeuvrer à la mise en valeur du sous-sol malien, désigner les entreprises étrangères qui pourront l’exploiter et répartir ensuite la manne financière sur l’ensemble du pays », indique Dupuy.
Par ailleurs, IBK pourra compter dans ses missions sur l’appui de la communauté internationale qui, après avoir salué le bon déroulement et la transparence du scrutin, a promis une aide massive de 3,2 milliards d’euros au Mali. Consciente que les inégalités territoriales sont responsables de l’instabilité, la communauté internationale a d’ailleurs conditionné l’octroi de ses 3 milliards d’euros d’aide au fait qu’ils soient équitablement redistribués, notamment dans le nord.
IBK, un diplomate chevronné
Ancien premier ministre entre 1994 et 2000 sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré et ancien président de l’Assemblée nationale, Ibrahim Boubacar Keïta, aujourd’hui 69 ans, connaît bien les rouages de la diplomatie pour avoir été ambassadeur du Mali en 1993 en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Burkina Faso et au Niger, puis ministre des Affaires étrangères. Il est diplômé en politique et relations internationales.
Il a enseigné à l’Université Paris Tolbiac et était chargé de recherche au CNRS. Connu pour son discours populiste, de nombreux observateurs pensent que Keïta incarne le type de leader dont le Mali a besoin pour régler la crise politico-militaire. Membre de l’International socialiste, beaucoup le disent proche de la France, l’ancienne puissance coloniale, notamment des membres du gouvernement socialistes français.
Keïta a bénéficié du soutien de nombreux chefs religieux lors de la campagne électorale du deuxième tour. Il est également réputé proche de l’ex-junte qui avait renversé l’ancien président Amadou Toumani Touré en mars 2012.
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