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Un rôle dans la peau

Mavie Maher, Lundi, 08 octobre 2012

Traducteur de plus de 40 ouvrages, du russe et du français vers l’arabe, Bachir Al-Sébaï est un érudit, passionné notamment d’histoire et de poésie. Il s’est consacré, entre autres, aux œuvres de Trotski, Henry Laurens, Georges Hénein et des surréalistes égyptiens.

La traduction n’est pas seulement le simple fait de transmettre les œuvres d’une langue à une autre. C’est plutôt une mission de faciliter la communication entre les civilisations, de défendre l’identité, l’Histoire, et de préserver le patrimoine. Telle est la devise de Bachir Al-Sébaï, pour qui la traduction est une recherche continue. Voire une mission.

Il est né le 1er janvier 1944 à Charqiya, a étudié la littérature à l’Université du Caire, d’où il est sorti diplômé de la faculté des études philosophiques et psychologiques en 1966. La volonté d’en savoir plus et d’aller au-delà des barrières linguistiques ont incité Bachir à s’intéresser, 2 ans avant son diplôme de l’université, à étudier l’anglais et le français. Plus tard, il apprend le russe, de 1968 à 1972, au centre russe au Caire. Puis il se consacre à la traduction en professionnel au ministère de la Communication jusqu’à sa retraite en 2004.

Une passion missionnaire

un role
Il a traduit plus de 40 œuvres dans différents domaines : histoire, littérature, poésie et autres. Avec, entre autres, l’œuvre de Trotski Qu’est-ce que le Fascisme ?, de Laurens La Question palestinienne, en 6 tomes, et de Georges Hénein Le Mouvement surréaliste en Egypte. Pourtant, sa passion et sa mission étaient la traduction de l’histoire moderne et contemporaine de la région arabe.

La traduction de La Question palestinienne d’Henry Laurens a, pour Al-Sébaï, une importance particulière. D’après lui, la cause palestinienne a contribué à formuler l’histoire de l’Egypte contemporaine, la preuve en est les guerres de l’Egypte de 1948 à 1973. Le défi d’une documentation objective de la cause palestinienne consiste en ce que les archives des faits historiques liés à cette cause se trouvent en différentes langues étrangères, tandis que les traducteurs et les historiens égyptiens ne connaissent normalement que deux langues étrangères. Ce qui les prive de consulter les différentes archives à ce sujet. C’est un manque remarquable dans l’écriture de l’histoire de la cause palestinienne. Ce qui a incité Al-Sébaï à se consacrer à la traduction de cet énorme ouvrage.

La Question palestiniennetraite le sujet palestinien dès la colonisation française en 1799. Il reprend le sujet d’une façon différente de la narration historique normale et montre comment les forces impérialistes occidentales sont entrées en conflit pour s’accaparer de la région arabe et satisfaire leurs propres intérêts. Et comment ils ont trahi en quelque sorte le respect des droits de l’homme en traitant la question palestinienne. Al-Sébaï conclut :« Ce n’est pas une description de la cause palestinienne, c’est plutôt une présentation analytique de la question palestinienne dès le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui ». De l’histoire à la poésie, Al-Sébaï décrit son expérience : « C’est une expérience d’unification passionnelle avec l’autre ». Il compare son rôle de traducteur à celui du comédien. Il explique qu’il est impossible pour un comédien de bien jouer un rôle sans s’unir avec le caractère joué. De même, le traducteur de poèmes doit s’unir avec ce qu’il traduit. « C’est une unification indispensable », dit-il.

Fervent supporter de la révolution

Al-Sébaï est orienté sur les droits de l’homme, la dignité, les pauvres et les marginalisés. Il est un homme de gauche. Fervent supporter de la révolution égyptienne du 25 janvier 2011, il pense que c’est une révolution contre le néolibéralisme et l’économie de marché qui était en faveur de peu de gens au détriment de la majorité. Pour lui, les revendications de la révolution, « liberté, dignité et justice sociale », ne peuvent avoir lieu dans une société bourgeoise basée sur la marginalisation et l’exclusion. Il faut donc dépasser cette société à l’aide d’un système populaire.

Il assure que tout cela ne peut pas avoir lieu sans une révolution culturelle. 30 % de la population est analphabète, les hommes d’affaires des Frères musulmans contrôlent 40 % des projets économiques dans le secteur privé, un conflit ethnique est utilisé pour empoisonner les consciences, et le découragement des jeunes révolutionnaires fait brandir la menace d’une autre révolution sanglante. Pour lui, c’est une bataille contre les tensions sociale et politique du capitalisme.

Le grand traducteur a reçu plusieurs prix au long de son parcours. En 1996, il a reçu le prix de la meilleure traduction arabe, en 1995 celui du Salon international du livre du Caire. Il a obtenu le prix de la Méditerranée pour le livre en 2007. Celui également de Rifaa Al-Tahtawi, décerné par le Centre national de la traduction en 2010 et le prix international pour la traduction de Cavafis en 2011. Il reste par ses positions, ses rapports avec la jeune génération, un inspirateur des traducteurs.

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