biennale internationale de Venise. Il s’agit de 3 sculptures gigantesques en bronze d’un sarcophage, d’un soufi et d’une effigie pharaonique. D’ailleurs, ces 3 pièces représentent à merveille son attachement à la culture égyptienne, à sa patrie. En ces moments critiques de l’histoire du pays, Khaled Zaki introduit son oeuvre : « Nous sommes à la croisée des chemins. Nous vivons l’un des moments les plus critiques de notre histoire ». En voilà une mission : s’adonner à la créativité, alors que le pays souffre de remous politiques. Les sculptures de Khaled Zaki font partie intégrante d’une grande installation, conçue en collaboration avec le jeune Mohamad Banaoui, Les Trésors du savoir. Ce projet artistique lie la sculpture de Zaki aux mosaïques de Banaoui, de manière à répondre au thème principal de la biennale de Venise, cette année : Le Palais encyclopédique. « Un jour, de ma fenêtre, je me suis mis à contempler Le Caire sous un ciel gris. J’ai tenté d’imaginer ce que pourrait être Le Palais encyclopédique. Cela m’a rappelé, dans une certaine mesure, le quotidien des Egyptiens, le voyage de l’homme sur la planète Terre et sa quête de la vérité absolue, bref le cycle de vie », explique Zaki. Les mosaïques de Banaoui proposent quasiment une carte géographique, ses points de repère sont liés au milieu rural égyptien, à la boue, à la Terre et au Nil. Et les sculptures de Zaki proposent un voyage au pays du savoir, évoquant la naissance de l’Homme, le développement technologique, l’élan mystique et le dieu de la connaissance en Egypte Ancienne.
Les jours qui ont précédé l’inauguration de la biennale, Khaled Zaki, avec sa casquette sur la tête, s’occupait des détails les plus minutieux. En tant que curateur et artiste, il se lançait dans le travail, corps et âme, inscrivant le nom du pays de ses propres mains, dans le pavillon égyptien.
Né dans la ville de Suez, Khaled Zaki est fier de ses origines. Réputée pour son militantisme et sa résistance, l’âme de cette ville l’inspire. Son art le libère. « J’ai toujours exercé l’art non pas comme une profession, mais comme une passion, un hobby », dit-il. Or, au début de sa carrière, il a été contraint de reléguer sa création au deuxième rang.
En fait, enfant, rien ne le prédestinait à l’art. Bien au contraire, il a effectué des études de gestion et de business, une fois son baccalauréat en poche. « Mon père refusait complètement que je fasse beaux-arts. Pendant les vacances d’été, dans la station balnéaire d’Al-Agami, je passais l’après-midi à sculpter sur la plage et à créer des statuettes. Le conflit avec mon père au sujet de mes études universitaires était vraiment frustrant. Un jour, j’ai rencontré Aïda Abdel-Kérim et Zakariya Al-Khonani, un couple de plasticiens. Ils étaient nos voisins et se promenaient tous les soirs sur la plage au crépuscule », souligne-t-il. Avec un sourire reconnaissant et un ton plein de gratitude, il se rappelle à quel point cette rencontre a bouleversé sa vie : « Les deux artistes m’ont encouragé à exercer l’art, tout en faisant des études de commerce. Ils m’ont proposé de rejoindre leur atelier à Guiza et m’ont accueilli à bras ouverts ».
Pendant 3 années consécutives, Khaled Zaki a été un disciple du couple, un disciple avide de savoir. Il suivait ses cours à la faculté, pour obtenir son diplôme. Au bout de quelques mois, il s’est rendu en Italie. « Mes maîtres-sculpteurs m’ont conseillé d’aller en Italie pour enrichir mon expérience et apprendre les nouvelles techniques à tailler la pierre. Je me rappelle le jour de mon arrivée en Italie, c’était le jour même de mon anniversaire », raconte Khaled Zaki. C’était presque une nouvelle naissance pour ce jeune aventurier arrivé en Italie, avec une grosse valise, sans avoir de destination précise et sans connaître la langue italienne. « Je me suis dit que si je ne réussissais pas à me frayer un chemin en Italie, le plan B serait de retourner en Egypte. Ma formation en gestion me poussait toujours à prévoir des plans alternatifs », ajoute-t-il. Mais une fois en Italie, il n’a pas perdu son temps. Il a fait plein de voyages en train, en bus, etc., il a visité pas mal de galeries … « Pietrasanta » a constitué un mot-clé. Après 2 semaines passées en Italie, il rend visite à l’artiste italien Galeotti Mario dans son atelier à Pietrasanta (une ville du nord-est de l’Italie). Il se présente comme un jeune Egyptien qui veut à tout prix apprendre la sculpture. L’artiste-vétéran admire le jeune Zaki et l’embauche comme assistant.
Marié à une Italienne, Khaled Zaki reste 12 ans en Italie. Pendant ce long séjour, il se déplace entre les ateliers des sculpteurs italiens virtuoses comme Galeotti Luciano, Giannoni Giuseppe, Francesco Messina et Giuliano Vangi. « J’ai opté pour l’apprentissage sur le tas, afin de découvrir les différentes techniques. Mon travail d’assistant m’a permis de combler mes besoins fondamentaux », dit-il.
Quant à la création, Zaki se contentait de faire une sculpture abstraite, de temps en temps, puisant dans les formes géométriques. Ses oeuvres révélaient une relation intéressante entre les lignes droites et les courbes. « J’ai acquis une belle réputation d’assistant. Mon nom a fait le tour de la ville artistique de Pietrasanta, réputée pour son marbre », explique-t-il.
Sa rencontre avec le sculpteur égyptien de renom, Adam Hénein, le marque énormément. C’était toujours à Pietrasanta, lorsque Hénein rendait visite à des amis sculpteurs. « Je le croisais de temps à autre au café. On se voyait, mais on ne se connaissait pas. Pour lui, je n’étais qu’un débutant. Mais en 1994, après avoir gagné du terrain en tant qu’assistant, j’ai rencontré Hénein et nous sommes devenus de vrais amis. Un an plus tard, il m’a proposé de l’aider à lancer le Symposium international de la sculpture à Assouan », se souvient-il. Adam Hénein lui demande de l’assister et de devenir le mentor d’autres jeunes sculpteurs égyptiens, encore inexpérimentés. La nostalgie gagne alors Khaled Zaki et il décide de rentrer définitivement en Egypte, afin de s’adonner à la sculpture.
Au symposium, il fait la connaissance d’un propriétaire de carrière de granite, Hamada Rachwane, avec qui il dirigera tout le travail sculptural à la Bibliotheca Alexandrina : « D’une certaine manière le monde des affaires, lié à la pierre, m’attirait ». Lauréat du premier prix du concours égyptien de design, grâce à une sculpture monumentale, rendant hommage à l’écrivain Taha Hussein, Zaki ressent qu’un nouveau monde s’ouvre à lui. Puis, les critiques qui lui sont adressées le frustrent. Car le design de la statue Taha Hussein a été très mal exécuté. Il n’y était pour rien. « Les responsables du ministère de la Culture m’ont demandé de trouver une solution de compromis. Les complots et l’absence de transparence m’ont poussé à me retirer et à diriger mon propre business », dit-il.
Après avoir exécuté le projet de la Bibliothèque d’Alexandrie, Zaki signe un contrat avec l’entreprise d’Ahmad Bahgat. L’idée était de construire une usine de marbre et d’exporter la production égyptienne à l’étranger : « J’ai évolué et au fur et à mesure je suis devenu le principal partenaire de Bahgat. Mais je vivais un vrai dilemme et me posais souvent la question : Qu’est-ce que je fais ici ? Suis-je un artiste ou autre chose ? ». Zaki se sépare de son associé et se lance dans un projet de restauration en Libye, travaillant dans les anciennes villes de Tripoli et de Benghazi. Un projet dirigé par une boîte italienne. « Au bout d’un moment, le travail artistique me manquait. Je voulais me consacrer à la sculpture », dit-il.
Malgré la créativité de Zaki et ses expositions dans les galeries privées, la sculpture n’a jamais été son gagne-pain. Le business l’empêchait de vivre sa passion : « Un jour j’ai dit : Assez ! Je dois me libérer ». Alors, il y a 4 ans environ, il a démissionné de tous ses postes, quittant la gestion à jamais et s’installant au Caire. Sa première exposition en solo s’est tenue en mars 2011, à la galerie Misr à Zamalek. « Le vernissage de l’exposition a eu lieu au moment des accrochages de la rue Mohamad Mahmoud. Pourtant, le succès a été immense », dit-il. L’exposition marquait le retour de Khaled Zaki au figuratif et au style pharaonique. Depuis, il s’inspire du citoyen ordinaire, d’où des sculptures touchantes, sensationnelles, très égyptiennes. Finalement, il est sur le bon chemin même avec un peu de retard. L’artiste a pris le dessus.
Jalons :
12 octobre 1964 : Naissance dans la ville de Suez.
1986 : Diplôme de la faculté de commerce à l’Université du Caire.
1983-1986 : Atelier de la sculpture sous le patronage des professeurs Aïda Abdel-Kérim et Zakariya Al-Khonani.
1988-2000 : Séjour en Italie.
1996 : Participation à la première édition du Symposium de sculpture d’Assouan.
2004 : Master en restauration, à la faculté d’archéologie, à l’Université du Caire.
2013 : Participation à la biennale de Venise.
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