Le 8 juillet dernier, les Egyptiens ont mis de côté toutes leurs préoccupations pour suivre la séance du Conseil de sécurité diffusée en direct sur le barrage de la Renaissance. Après les allocutions prononcées par les délégués des pays membres et des pays concernés par les eaux du Nil (Egypte, Soudan, Ethiopie), les Egyptiens ont ressenti une profonde inquiétude, on peut même dire qu’ils ont été déçus.
Pour eux, il était clair que la justice n’a pas été rendue. Les mots prononcés par les intervenants et les traits de leurs visages n’étaient pas réconfortants. Les allocutions du ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, et de son homologue soudanaise, Mariam Sadeq Al-Mahdi, ont remédié à la situation. Mais le représentant de l’Ethiopie ne semble pas avoir bien écouté, sa réponse a comporté un grand nombre d’inexactitudes et de vérités falsifiées.
On pensait que l’Egypte était devant un tribunal qui défend le droit et qu’après la défense égyptienne et soudanaise, le Conseil de sécurité allait prononcer un verdict immédiat au profit de l’Egypte et du Soudan. Or, cela n’a pas été le cas. Car le Conseil de sécurité n’est pas un tribunal, il est formé des représentants des différents Etats. Bien que beaucoup prétendent respecter la charte de l’Onu, tout le monde sait que les délégués défendent les intérêts de leurs pays.
Dans l’histoire contemporaine de l’Egypte, il y a souvent eu un dialogue entre la justice et le droit d’un côté et les décisions internationales de l’autre. Bien que Mohamad Ali ait réussi à soumettre l’Egypte à son pouvoir et à celui de sa dynastie après des guerres avec le califat ottoman et des conflits avec les pays européens, la vérité amère est que l’Egypte était restée dépendante de la Sublime porte.
La Révolution de 1919 a donné naissance à un Etat égyptien contemporain sous la forme d’une royauté. Ce sont les Egyptiens eux-mêmes qui ont construit les éléments de la force de cet Etat au niveau de l’enseignement, de la santé, des banques, de l’industrie, de l’économie ainsi que de l’appareil de l’Etat et de la représentation diplomatique, qui a limité la présence britannique dans le Canal de Suez à travers le traité de 1936. Et après la Seconde Guerre mondiale, l’Egypte s’est dirigée vers le Conseil de sécurité pour exposer sa cause, mais sa déception n’a pas été inférieure à la déception actuelle.
Malgré la réussite du mouvement des Officiers Libres à libérer l’Egypte à travers des négociations directes avec la Grande-Bretagne, quelques mois après le retrait britannique, l’Egypte a dû affronter l’agression tripartite de 1956. Et cette fois aussi, l’Egypte a réussi à évacuer non pas un seul pays, mais 3.
Pendant toutes ces années, l’Egypte a avancé sur 2 axes. Le premier est la construction des éléments de la force à travers le modernisme et le développement. Le second est une profonde patience stratégique envers l’ordre mondial. L’unique fois où l’Egypte s’est empressée sans sagesse était lors de la crise de 1967. Puis elle s’est engagée dans la guerre d’usure.
Pendant des années, l’Egypte a accueilli le représentant du secrétaire général de l’Onu et attendait les pourparlers des 4 grandes puissances, puis celles des 2 superpuissances. Quand ces dernières se sont mises d’accord sur la nécessité de réaliser une détente stratégique au Proche-Orient, la décision de la guerre d’Octobre est apparue.
La longue attente était amère, mais nécessaire à la préparation d’une guerre suivie de négociations directes et ensuite la récupération des territoires égyptiens à Taba par le biais de la loi.
La guerre n’était pas facile et les négociations étaient souvent pénibles, mais en tenant aux droits et en patientant face aux complots, l’Egypte a réussi à réaliser des progrès importants.
De tout ce qui précède, nous apprenons que la gestion des relations étrangères des Etats commence par les éléments de la force. Vient ensuite l’habileté dans l’usage de certains outils comme la géographie, l’histoire, l’économie et la force douce. Et à la fin vient la force militaire nécessaire pour réaliser la victoire et récupérer les droits. La tenue de la séance du Conseil de sécurité est un gain pour l’Egypte que l’Ethiopie ne voulait pas; cependant, la séance n’a pas été à la hauteur de nos espérances au niveau de la justice.
Tout ceci a eu lieu pendant que les ailes de l’Ethiopie et d’Abiy Ahmed fondaient comme dans la légende grecque d’Icarus quand la chaleur a fait fondre les ailes de l’oiseau qui a volé en direction du soleil et qui a fini par tomber de très haut. Ceci a lieu quand on dépasse les limites de la force et des capacités .
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