La violence a fait plus de 1 000 morts en juillet, un pic depuis 2008.Photo : Reuters
« Les chiites ne connaîtront la sécurité ni la nuit, ni le jour, ni le jour de l’Aïd, ni aucun autre (...). L’Etat islamique s’est mobilisé (...) à Bagdad, dans (les provinces) du sud et d’autres pour envoyer un message de dissuasion au 3e jour de l’Aïd al-fitr », en réponse à des opérations des forces de sécurité iraqiennes. Tels sont les termes du communiqué publié dimanche sur des sites Internet djihadistes par l’«
Etat islamique en Iraq et au Levant », une branche d’
Al-Qaëda, auteur de la revendication de la série d’attentats ayant fait samedi dernier près de 80 morts et plus de 320 blessés en Iraq. Des termes crus et qui ne prédisent pas d’un apaisement entre les communautés chiite et sunnite du pays.
Pourtant, la plupart des dirigeants iraqiens, notamment le premier ministre, Nouri Al-Maliki, sont restés silencieux après ces attentats largement condamnés par la communauté internationale. De quoi ajouter à la défiance de la population vis-à-vis du gouvernement, accusé d’incurie face à la recrudescence des attentats ces derniers mois. D’autant plus qu’au lendemain de cette série d’attaques, un engin explosif a provoqué la mort de 3 soldats au sud de Bagdad, 2 miliciens ont été abattus près de Baqouba et un homme qui franchissait un barrage policier à vive allure a été tué par un policier à Mossoul (nord), et ce, malgré le renforcement des contrôles aux barrages routiers.
Ce qui a poussé l’ancien premier ministre par intérim, Iyad Allaoui, à appeler Al-Maliki à la démission. L’Iraq a, en effet, connu son mois du Ramadan le plus sanglant depuis 2008, avec plus de 800 personnes tuées, 1 000 durant tout le mois de juillet, selon les Nations-Unies. La vague de violences est survenue quasiment 3 semaines après 2 assauts spectaculaires menés par l’Etat islamique en Iraq et au Levant contre 2 prisons iraqiennes, qui ont permis la libération de plusieurs centaines de détenus, dont de hauts responsables du réseau extrémiste. L’organisation internationale Interpol avait alors averti que ces évasions risquaient de se traduire par une hausse des attaques en Iraq, qui a déjà retrouvé son niveau de violences de 2008, lorsque ce pays sortait à grande peine d’une quasi-guerre civile. Les attentats à grande échelle avaient repris à partir d’avril, après que les autorités eurent abattu des dizaines de manifestants sunnites à Hawija.
Blocage politique
La confrontation entre chiites et sunnites dégénère désormais en « guerre ouverte », avait estimé il y a quelques jours le ministère iraqien de l’Intérieur, alors que de nombreux experts craignent que cette violence ne s’aggrave du fait de la paralysie politique et avertissent déjà d’un risque réel de voir l’Iraq plonger dans une guerre civile. En effet, la vague de violences depuis le début de l’année est encouragée, notamment par la montée de la colère chez la minorité sunnite, qui a organisé en décembre 2012 des manifestations pour dénoncer les discriminations dont elle se dit victime. Certes, le gouvernement, dominé par des chiites, a fait quelques concessions, libérant notamment plusieurs milliers de prisonniers, mais sans résoudre le coeur du problème.
Mais, la politique d’Al-Maliki n’est pas à même d’apaiser les tensions, sans oublier son incapacité à résoudre les questions de base, ni à améliorer les conditions de vie des Iraqiens. Le gouvernement iraqien est théoriquement un gouvernement de coalition, où chaque grand parti est représenté, mais les responsables passent la plupart de leur temps à se critiquer les uns les autres et à tenter d’affirmer leur mainmise sur des ministères. Al-Maliki est souvent accusé de chercher à monopoliser tous les pouvoirs, et accuse, pour sa part, ses opposants d’être à la solde de l’étranger. Peu de décisions politiques ont été prises, et peu sont attendues avant les élections prévues pour le printemps.
Ainsi, de nombreux facteurs, internes et externes, contribuent à cette situation, et font craindre le pire. Depuis le retrait américain, l’Iraq continue de souffrir d’une instabilité structurelle. Le pouvoir, largement dominé par les chiites, est contesté et se comporte de façon sectaire, en traitant les sunnites, qui sont minoritaires, comme des citoyens de seconde zone. A ce facteur d’instabilité intérieure s’est ajoutée l’instabilité régionale : l’Iraq subit aussi des effets de la guerre civile en Syrie, où Bachar Al-Assad, qui appartient à la minorité alaouite, une branche de l’islam chiite, affronte des insurgés principalement sunnites. Autant de facteurs qui servent uniquement les intérêts des extrémistes .
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