C’est une école, mais pas comme les autres. L’aspect de l’édifice de l’école de technologie appliquée de fabrication de bijoux diffère des autres établissements publics. Les murs de la façade sont fraîchement peints. Deux voitures datant des années 1950, ainsi que des statues ornent la cour. Egypt Gold, le partenaire privé, a signé un protocole de collaboration avec le ministère de l’Education pour la création de cet établissement. Un enseignement technique et une formation professionnelle permettant une meilleure insertion des jeunes sur le marché du travail. Un partenariat public-privé: le bâtiment et les infrastructures nécessaires ont été fournis par le ministère de l’Education, le mobilier scolaire, les outils et les uniformes, ainsi que l’argent des primes mensuelles sont alloués aux élèves par l’entreprise privée.
A la fin de l’année scolaire 2021-2022, alors que la première promotion sortira, l’école va remettre aux meilleurs élèves des certificats accrédités par une organisation internationale. Des certificats de formation professionnelle qui leur permettront de trouver rapidement du travail en Egypte ou même à l’étranger. « J’ai découvert cette école à travers Internet. Elle promet un bel avenir professionnel. Je rêve de devenir un créateur de bijoux en or, à l’exemple de ces étrangers spécialisés en bijouterie qui viennent nous remettre quelques pièces basiques, bague, bracelet ou pendentif, pour s’exercer. Des pièces d’une finesse et d’une beauté remarquables », dit Ahmad Abdel-Fattah, élève en première secondaire. Fasciné par Gocul Akrishman, l’instructeur indou en design 3D, il ne le quitte pas des yeux lorsqu’il utilise une scie pour réaliser une coupe bien précise d’un bijou.
Méticulosité et perfectionnisme
Les programmes scolaires ont subi des changements pour être compatibles aux besoins présents au marché du travail. (Photo : Hassan Ammar)
L’école technique est constituée de 4 ateliers où les élèves apprennent les différentes étapes de fabrication d’un bijou en or. Dans l’atelier principal où se déroule la première étape, celle de l’injection de la cire, les élèves travaillent avec application comme des employés efficaces et productifs. Injection de cire, contrôle et tachguir (assemblage des pièces sur une tige pour former l’arbre de cire) sont des terminologies qui désignent la tâche attribuée à chaque groupe d’élèves. En fait, cette industrie exige méticulosité et perfectionnisme. Tout est calculé avec précision: le temps, les degrés de température et le dosage des alliages qui entrent dans la fabrication des bijoux, avant d’arriver au résultat final, celui d’avoir un bijou en or entre les mains. La différence qui existe entre l’usine et l’école est que dans la première, les bijoux sont fabriqués avec de l’or et dans la seconde, ils sont réalisés en cuivre. L’or coûtant cher, il ne faut pas le gaspiller.
Des appareils d’injection numériques et automatisés sont à la disposition des élèves qui injectent la cire dans de petits contenants en caoutchouc à l’intérieur desquels sont gravés des dessins copiés sur des bijoux originaux en argent. « Le poids dans le moule de n’importe quelle pièce originale en argent qui arrive de l’usine ne dépasse pas les 2 grammes et demi, alors que la pièce finale pourrait peser entre 15 et 20 grammes en or. On utilise l’argent dans le moule car son épaisseur est inférieure à l’or, ce qui permet de donner une forme plus précise en produisant les pièces en or », explique Hossam Kassab, instituteur dans le département de la cire. Travaillant dans cette industrie depuis l’année 2000, il fait partie de la deuxième génération ayant suivi une formation dans un centre d’apprentissage dépendant de l’usine elle-même où il travaille encore, tout en étant instructeur dans cette école. Dans l’atelier, il met à la disposition des élèves un manuel mentionnant tous les détails de chaque étape de fabrication des bijoux.
Un choix dicté par la passion
Dans une armoire sont entreposées les matières brutes qui entrent dans la première étape de fabrication. Des plaques de cire de couleur verte et du plâtre spécial. En fait, le dessin est le point de départ de la fabrication d’un bijou. On s’en sert pour faire un prototype en cire qui permet de voir l’effet de sa création en 3D. Un modèle qui sert également à créer le moule en plâtre.
Un groupe d’élèves assis autour d’une table placée au centre de l’atelier est chargé de nettoyer et gratter, si c’est nécessaire, les pièces en cire pour éliminer toute irrégularité ou bavure. Puis, les cires sont assemblées méticuleusement sur une tige afin de former l’arbre de cire. « J’arrive à placer 300 motifs en une journée. D’ici la fin de l’année, j’espère atteindre les 500 motifs par jour », lance Yasmine Gamal, une élève. Elle a choisi cette école car elle aime le dessin. Elle espère devenir designer de bijoux ou participer aux dernières étapes de fabrication comme le limage et le polissage. Yasmine parle en assemblant les cires sur la tige en suivant un angle de 45 degrés. Cette étape étant terminée, il faut plonger l’arbre de cire dans un cylindre qui contient du plâtre spécial, pour réaliser des moules. En plaçant cet ensemble dans un four électrique dont la température atteint les 200 degrés et après un cycle de cuisson (12 heures), les modèles de cire se désintègrent et laissent place à des empreintes dans les moules en plâtre, devenus solides, une fois que la température a atteint les 450 degrés. La prochaine étape sera celle du coulage. L’or est fondu puis versé dans les moules une fois devenu liquide.
(Photo : Hassan Ammar)
Outre l’enseignement pratique, les élèves accumulent de l’expérience durant les 3 ans d’études secondaires. Les études théoriques permettent aux élèves d’avoir des connaissances plus approfondies dans le domaine de la bijouterie mais aussi de mettre en pratique tout ce qu’ils ont appris. Dans cette école, les élèves développent aussi leurs compétences linguistiques en apprenant l’anglais. « Nous voulons que la langue anglaise soit maîtrisée par les élèves, car ils peuvent rencontrer des étrangers dans le cadre de leur travail. D’ailleurs, le programme renferme des expressions qui ont un rapport avec l’industrie des bijoux et les composants de machines et outils », décrit Nehad Mohamad, professeur d’anglais. Quant aux cours de mathématiques, ils se concentrent sur les unités de masse, les conversions, l’unité de mesure du diamant (le carat) et les formules pour calculer la masse d’or contenue dans un bijou sans utiliser de calculatrices, et ce, pour former des artisans expérimentés et professionnels.
Cette école technique ne prend pas d’élèves qui ont raté leur chance au baccalauréat, mais ceux qui souhaitent se lancer dans une carrière tout en faisant ce qu’ils aiment. « 86 % est le pourcentage minimum exigé pour être inscrit dans cette école. La promotion compte 200 élèves et nous avons reçu plus de 3 000 demandes d’inscription. Avoir une bonne moyenne n’est pas le seul critère, une évaluation des compétences en langues, en mathématiques et une interview personnelle ont lieu pour connaître le niveau de chaque élève, ainsi que sa manière de penser et de s’exprimer », souligne Nasr Abdel-Qader, directeur académique de l’école. Le fait de choisir des élèves compétents est devenu la tendance pour utiliser la technologie appliquée et pouvoir communiquer professionnellement avec les experts étrangers, ce qui peut mener à la prospérité de l’industrie.
Former des experts
Les élèves s’emploient à exécuter le travail comme des employés efficaces
et productifs.
(Photo : Hassan Ammar)
« Le fait d’avoir une école de formation en bijouterie est un privilège et j’espère que cela se répandra dans tous les gouvernorats afin d’augmenter le taux des produits fabriqués en Egypte », souligne Achraf, bijoutier à Héliopolis. Il aimerait ne plus voir de bijoux importés qui coûtent cher et dont la marge bénéficiaire est plus élevée par rapport aux bijoux fabriqués localement. « Le problème des produits importés de l’étranger, c’est qu’en cas de revente, le client perd de l’argent, même si le poids du bijou est similaire à un autre qui est fabriqué en Egypte », indique Achraf.
L’enseignement technique a introduit le partenariat public-privé en 2018, et ce, dans le domaine de la technologie appliquée. Aujourd’hui, il existe 16 écoles qui sont le fruit d’un partenariat entre le secteur privé et le ministère de l’Education et dans différents domaines comme les appareils électroménagers, les générateurs électriques, l’intelligence artificielle, la gestion et le fonctionnement des restaurants, etc. « L’école technique ne doit pas seulement former des menuisiers, des plombiers ou des électriciens. Il faut élargir la formation à d’autres domaines et développer les compétences des jeunes, en haussant leurs aptitudes professionnelles pour répondre aux défis extérieurs », déclare Mohamad Mégahed, vice-ministre chargé de l’enseignement technique. D’après Mégahed, les nouveaux programmes d’études ont été préparés par des spécialistes techniques au ministère de l’Education, ainsi que des experts dans ce domaine. Des programmes scolaires qui sont compatibles avec les besoins présents du marché du travail. Par ailleurs, un comité d’évaluation a vu le jour. Il est chargé de contrôler en permanence la qualité de l’enseignement technique.
Le matériel présenté aux élèves est un outil important pour le processus d’apprentissage.
(Photo : Hassan Ammar)
D’après le ministère de l’Education, le nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement et la formation techniques dépasse les 2 millions. « Les 5 dernières années ont connu une forte augmentation du nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement technique, et cette année 2020-2021, 60 % des promus de la 3e année préparatoire ont choisi l’enseignement technique », affirme Mégahed. Il pense que ces chiffres reflètent une tendance de choisir un enseignement qui ouvre de nouveaux horizons de travail. L’étudiante Sara Al-Hassan a terminé son cycle préparatoire dans une école internationale et elle s’est inscrite à l’école de technologie appliquée pour suivre une formation dans un nouveau secteur d’activité, celui de la confection de bijoux raffinés et de parures en or. « La modernisation de l’enseignement technique et l’intérêt que portent les élèves à ce secteur vont mener à la croissance de l’économie nationale et la prospérité de l’Etat », conclut Mégahed. Bonne nouvelle, l’Egypte va reprendre peut-être son histoire glorieuse dans la fabrication des bijoux. Une expérience qui semble porter ses fruits .
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