Au terme de deux jours de dialogue national au Caire, les factions palestiniennes ont conclu un accord sur les mécanismes des élections générales.
La roue des élections commence à tourner dans les Territoires palestiniens. «
Plus de 2,6 millions de Palestiniens se sont inscrits sur les listes électorales pour les élections prochaines en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, soit 93,3 % des personnes en droit de voter », a indiqué le porte-parole de la Commission Electorale Centrale Palestinienne (CECP), Farid Tamallah, à la clôture des inscriptions le 17 février. Les préparatifs pour les élections générales palestiniennes ont été lancées après le décret émis le 15 janvier dernier par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pour la tenue des élections en trois étapes : les législatives le 22 mai, la présidentielle le 31 juillet et l’élection des membres du Conseil national palestinien le 31 août. Ces scrutins prévus sont les premiers depuis quinze ans dans les Territoires palestiniens.
Les divisions entre le Hamas et le Fatah ont commencé en 2007 lorsque le Hamas a pris par la force le contrôle de la bande de Gaza (voir chronologie). « Nous sommes fiers de ce résultat », a déclaré Tamallah, précisant que le taux d’inscription pour les dernières législatives en 2006 était de 80 %. « La mise à jour des listes électorales a pris fin avec d’excellents taux d’inscription, ce qui indique une conscience citoyenne et une soif du peuple » pour des élections, a tweeté Hussein Al-Cheikh, ministre palestinien des Affaires civiles. En fait, la CECP a ouvert ses bureaux d’inscription sur les listes électorales en Cisjordanie et dans la bande de Gaza le 10 février, un jour après la fin de la session du dialogue national palestinien parrainé par Le Caire, avec la participation des 14 factions, y compris le Hamas. Au terme de deux jours de pourparlers interpalestiniens au Caire, les factions palestiniennes ont signé un accord sur les modalités du déroulement des prochaines élections. « Les résultats du dialogue du Caire sont prometteurs. Il constitue un tournant dans l’histoire du peuple palestinien. Depuis 2006, le peuple palestinien a été privé de son droit de choisir ses représentants », a déclaré Djhaid Al-Harazin, dirigeant du Fatah et professeur de sciences politiques à l’Université de Jérusalem (voir Entretien page 3). Et d’ajouter : « Les élections constituent une percée dans le dossier de la réconciliation malgré l’existence de nombreux obstacles et de dossiers qui n’ont pas encore été réglés et qui ont été reportés après les élections ».
Nouveau mécanisme ? Selon le politologue Tarek Fahmi, l’appel au dialogue intervient à un moment d’une reconfiguration géopolitique du Moyen-Orient et d’une expansion accélérée des colonies palestiniennes remettant en cause, sur le terrain, la solution des deux Etats. « La région sera témoin, au cours de la prochaine période, de trois variables dont les résultats auront de grands impacts sur le processus de paix au Proche-Orient : comment va se dessiner la diplomatie de la nouvelle Administration américaine dans la région et envers la cause palestinienne, les résultats des élections israéliennes anticipées du 23 mars prochain (les quatrièmes en deux ans prévues), et, enfin, les résultats des élections palestiniennes ». Les Palestiniens doivent donc unifier leur position et parler au monde d’une seule voix. C’est pourquoi le premier cycle du dialogue national palestinien au Caire a été une évolution bienvenue.
Ce que prévoit l’accord du Caire
Tenu sous le parrainage du président Abdel-Fattah Al-Sissi, l’objectif du dialogue du Caire était d’élaborer une feuille de route pour les élections présidentielle et législatives palestiniennes. Dans le communiqué final composé de 15 points, l’ensemble des factions ont convenu de « respecter le calendrier des élections générales en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza et d’accepter leurs résultats ». Elles se sont engagées à faire respecter les « libertés publiques » durant les campagnes électorales et le scrutin. Cet accord prévoit également l’établissement d’un « tribunal électoral » qui sera chargé de suivre toutes les questions relatives au processus électoral et ses résultats, comme précise le communiqué. Les factions ont aussi souligné que « ces élections devaient se dérouler dans l’ensemble des Territoires palestiniens occupés, Cisjordanie y compris la ville sainte d’Al-Qods et la bande de Gaza ». Les factions se sont engagées dans le communiqué « à assurer la liberté d’expression, la libération immédiate des prisonniers politiques et de mettre un terme aux poursuites de personnes pour leur appartenance politique ou leurs opinions ». « L’accord prévoit la composition d’un comité de suivi de l’application des décisions prises au Caire », comme le précise le communiqué du Caire. Quant à la sécurisation des élections dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, les factions se sont accordées que « seule la police palestinienne » sera habilitée à sécuriser les bureaux de vote.
Nouveau cycle de dialogue en mars
Un nouveau cycle du dialogue national est prévu en mars au Caire pour s’accorder sur les mécanismes et les procédures de la formation du nouveau Conseil national et de renouvellement de la direction de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). « Le Caire a fait tout son possible pour faciliter et encourager le dialogue et s’est engagé à aider à convertir les résultats de cette réunion en comités et autres mécanismes exécutifs nécessaires pour traduire les décisions prises en actions concrètes », explique Fahmi. « Médiateur et partenaire en même temps, le rôle de l’Egypte continue et ne cesse d’évoluer », dit-il. Dans la dernière clause du communiqué, les factions participant au dialogue ont appelé le président Abdel-Fattah Al-Sissi à diriger les autorités concernées en Egypte afin de suivre la mise en oeuvre de ce qui avait été convenu et de participer activement à la surveillance des élections. « Ce qui signifie que l’Egypte sera présente dans tout le processus électoral et ses différentes étapes », ajoute Fahmi.
La problématique de Jérusalem-Est
Le chemin vers les élections ne sera pas toutefois exempt d’obstacles. Grande problématique : les quelque 340 000 Palestiniens de Jérusalem-Est pourront-ils voter, notamment après que les Etats-Unis eurent reconnu Jérusalem comme la capitale israélienne ? Selon la commission électorale, les citoyens palestiniens de Jérusalem-Est, détenteurs de cartes d’identité israéliennes, pourront participer aux élections générales sans avoir été inscrits dans le registre des électeurs. Le premier ministre palestinien, Mohamed Shtayeh, a déclaré qu’il demanderait formellement à Israël de respecter ses accords sur ce sujet et les conventions internationales et de ne pas priver les Palestiniens de Jérusalem-Est de leur droit de vote. Auparavant, Mahmoud Abbas avait déclaré que « des élections ne pouvaient avoir lieu si les Palestiniens de Jérusalem-Est ne pouvaient voter ».
Shtayeh a appelé également l’Union européenne et les Nations-Unies « à faire tous les efforts possibles pour faciliter la conduite des élections et à exiger qu’Israël permette aux habitants de Jérusalem d’y participer en se présentant et en votant ». Selon Fahmi, « l’intégration de Jérusalem dans le système électoral est nécessaire non seulement pour accomplir ces scrutins, mais pour confirmer la dimension politique et territoriale de cette ancienne ville arabe palestinienne. On s’attend à ce qu’Israël pose des entraves pour empêcher les Palestiniens de Jérusalem d’exercer leur droit de vote, mais il y a une grande responsabilité palestinienne, arabe et internationale que chacun porte pour que Jérusalem fasse partie intégrante du processus électoral ».
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